La défense de l’élevage quoi qu’il en coûte

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Cet article est une réponse aux arguments de défense de l’élevage spécifiquement formulés dans l’article de Frédéric Denhez publié dans Le Figaro en avril 2021, mais également dans l’article de Bob Holmes publié dans Knowable magazine en août 2022 puis traduit dans Slate, à la vidéo de la chaîne YouTube à grande audience What I’ve Learned et enfin à la dernière émission ARTE Regards qui fournit un énième plaidoyer de bien-traitance animal pour perdurer l’élevage. Il se base sur les études scientifiques de référence dans les domaines et propose une analyse contextualisée qui s’inscrit pleinement dans la continuité de l’évolution de notre système alimentaire.

 

Points clés

  1. Les arguments opposés aux animalistes sont d’ordre secondaire.
  2. La comptabilité carbone inclut aujourd’hui le coût d’opportunité de la séquestration du carbone induit par la libération des terres de l’élevage, responsable de plus d’un quart des émissions de gaz à effet de serre mondiales.
  3. L’élevage est la première activité humaine responsable du changement d’affectation des sols qui est le premier facteur de chute de la biodiversité
  4. Le prétendu puits de carbone des prairies pâturées est en fait émetteur net.
  5. L’exclusion du bétail augmente la biodiversité contrairement à la croyance inverse.
  6. Globalement, l’élevage ne participe pas à la fertilité des sols, mais est consommateur net d’azote.
  7. La crainte légitime de la modification paysagère semble être une excuse, car elle n’est pas considérée rationnellement.
  8. Les aides agricoles sont massivement destinées aux éleveurs et pourraient être redirigées pour créer ou augmenter les externalités positives de notre système alimentaire.
  9. L’élevage consomme tellement de ressources que l’éviter permettrait de nourrir 4 milliards de personnes supplémentaires.

 

A la question “l’alimentation sans viande va-t-elle (vraiment) sauver la planète ?” de Frédéric Denhez, nous répondons sans détour : non, car la planète n’a pas besoin d’être sauvée. Plus qu’un simple procédé rhétorique, avec ou sans nous, elle continuera sa longue route galactique sans pour autant éprouver a priori le besoin d’être sauvée. En toute logique, notre alimentation ne  pourra la sauver. Mais alors, qui peut-elle sauver si ce n’est les animaux dont Frédéric Denhez invisibilise une fois de plus les intérêts à l’être, justement ?

 

Émission de GES de l’élevage : l’éléphant dans la pièce 1

Une préoccupation spatiale partagée 2

La fausse bonne idée écologiste des ruminants 4

Une redirection des aides 8

Le gloubiboulga à qui veut bien en manger 9

 

Émission de GES de l’élevage : l’éléphant dans la pièce

En retraçant une partie de l’histoire de notre alimentation, Frédéric Denhez a le mérite de se pencher sur des phénomènes qui passent sous les radars. En affirmant que manger de la viande est un crime climatique et un écocide pire que le nucléaire, il se trompe dans le choix des termes utilisés. Notre système moral ne confond pas les patients moraux avec ceux qui n’en sont pas. La nature n’étant pas un patient moral, on ne peut pas concrètement lui manquer de respect. Le patient moral est celui dont les actions qu’il subit de la part d’un agent moral peuvent être sujettes à une évaluation morale et caractérisées de bonnes ou mauvaises. On peut tenter d’en préserver un certain fonctionnement pour ses habitants, mais sans parler de crime à son égard, car elle ne relève pas de notre système moral. Seul un individu peut être victime d’un crime. Par contre, Frédéric Denhez ne se trompe pas en disant que, d’un point de vue climatique, l’élevage est pire que le nucléaire,  reconnu comme une source d’énergie à faible intensité carbone. Il s’approche de la réalité en évaluant les émissions de l’élevage à un cinquième des émissions anthropiques mondiales. Mais, en estimant que l’élevage est responsable de trois quarts des émissions de notre système alimentaire[1] et en incluant le potentiel de séquestration du carbone par le reboisement des terres libérées, il apparaît raisonnable de tabler sur plus d’un quart[2], voire 28 % d’après la plus grande méta-analyse des systèmes alimentaires mondiaux à ce jour[3] et 31 % en considérant le potentiel de réchauffement planétaire instantané du méthane[4]. S’il est évident qu’une réduction de l’ensemble des gaz à effet de serre s’impose, en nous accordant sur la part de l’élevage, nous aurons fait un grand pas dans l’identification du problème que représente ce secteur à lui seul du point de vue climatique.

Une préoccupation spatiale partagée

Le principal argument de Frédéric Denhez reflète une préoccupation des défenseurs de l’élevage : le supprimer fermerait nos paysages. Déjà, remarquons qu’en opposant cet argument aux animalistes il leur concède le point. Bien qu’il puisse s’entendre, cet argument n’est évidemment pas du même ordre que celui des animalistes qui estiment immoral de tuer quelqu’un qui ne veut pas mourir. Ici, on voit bien la différence de considération entre l’idée qu’on se fait d’un paysage qui ne relève pas de notre système moral et le fait de tuer volontairement un individu sans nécessité, ce qui percute directement notre éthique basée sur nos perceptions empathiques qui diminuent avec le temps de divergence évolutive[5]. En philosophie morale, on parle de valeur instrumentale par rapport à la valeur intrinsèque. L’opposition à une reconversion du secteur de l’élevage pour des raisons de santé n’a plus de sens aujourd’hui, car il est scientifiquement avéré que tout le monde peut vivre sans produits animaux[6] et que les régimes végétariens et végétaliens sont en fait protecteurs pour notre santé[7]. Elle relève plutôt de projections conservatrices au sens où ce serait la crainte d’une modification paysagère qui domine.

S’il est vrai que la pratique de l’élevage a façonné nos paysages depuis 10 000 ans, il est néanmoins difficile de s’en rendre compte. Un fait anthropologiquement marquant semble intéressant à révéler pour appréhender les enjeux de cette question. La dernière période africaine humide, commencée voici 15000 ans et terminée depuis 5000 ans, est caractérisée par des biomes riches en végétation, forêts, broussailles et peu de désert. Le subpluvial néolithique ou “dernière période pluviale du Sahara” est une période de climat humide et pluvieux qui a sévi sur le nord de l’Afrique et la péninsule arabique durant les 5000 dernières années de la période. Bien que la désertification qui y fait suite relève principalement d’un phénomène naturel (la pression de l’orbite terrestre), dans son étude[8], le chercheur anthropologue David K. Wright soutient  que l’élevage est un agent actif de la désertification du Sahara qui s’étend à mesure que les humains guident le bétail vers de nouveaux pâturages. Couplée à une croissance démographique, le pastoralisme favorise la dévégétalisation et les changements de régime dans les écosystèmes : réduction de la productivité primaire nette, homogénéisation de la flore, transformation du paysage en une biozone dominée par les arbustes et augmentation générale de la végétation xérophile (plantes vivant seulement en milieu aride). Il considère l’introduction du bétail comme facteur décisif à l’origine des événements locaux de franchissement du seuil écologique. C’est lui qui aurait catalysé les rétroactions négatives entre les domaines terrestres et atmosphériques.

Aujourd’hui, l’élevage occupe 27 % des terres émergées contre 1 % pour les zones construites (villes et infrastructures). C’est plus que les forêts, les terres stériles (déserts, plaines salées et roches) et les glaciers (respectivement à 26, 19 et 10 %). Près des trois quarts des terres agricoles sont utilisées comme pâturages et cultures fourragères, le quart restant étant constitué de grandes cultures. Si nous combinons les pâturages et les terres cultivées pour l’alimentation animale, environ 80 % de toutes les terres agricoles sont utilisées pour la production de viande et de produits laitiers qui engloutit 41 % de la production céréalière mondiale et 76 % de celle du soja pour ne fournir que 18% des apports en calorie et 37% des protéines de l’humanité[9]. Si la population mondiale consommait moins de produits d’origine animale, nous mangerions plus de végétaux directement issus de cultures, augmentant ainsi la proportion de terres cultivées pour l’alimentation humaine. Mais la superficie utilisée pour l’alimentation animale chuterait. Dans le scénario hypothétique où le monde entier adopterait un régime végétalien, les chercheurs estiment que l’utilisation totale des terres agricoles passerait de 4,1 milliards d’hectares à 1 milliard d’hectares. Cette réduction de l’emprise au sol de 75 % équivaut à la superficie  de l’Amérique du Nord et du Brésil réunis. Notons que la plus grande part de cette réduction proviendrait de la suppression de la viande de bœuf, de mouton et de lait qui libérerait les terres utilisées pour les pâturages, mais aussi de l’arrêt des cultures massives qui alimentent tous les animaux d’élevage. Et ce n’est pas tout : la végétation se restaurant, la libération des sols permet de séquestrer le carbone stocké dans la repousse des forêts et des prairies. Ainsi, les différents régimes alimentaires ont un coût d’opportunité carbone associé. Sachant que les émissions mondiales de gaz à effet de serre s’élevaient à 55,3 Gt CO2q en 2018 dont environ 18 Gt CO2-eq pour le système alimentaire2 (2015), cette nouvelle étude publiée dans PLOS Climate[10] montre que l’abandon progressif de l’élevage, même en l’absence de toute autre réduction d’émissions, induirait des baisses persistantes des niveaux de méthane et d’oxyde nitreux dans l’atmosphère ainsi que le ralentissement de l’accumulation de dioxyde de carbone. Elles auraient jusqu’à la fin du siècle le même effet cumulé sur le potentiel de réchauffement de l’atmosphère qu’une réduction de 25 gigatonnes par an des émissions anthropiques d’eqCO2, soit la moitié des réductions nettes des émissions nécessaires pour limiter le réchauffement à 2° C. Ce scénario stabiliserait les niveaux de gaz à effet de serre pendant 30 ans et compenserait 68 % des émissions d’eqCO2 au cours de ce siècle.  Heureusement, il n’y a pas de compromis entre les émissions de production et les coûts d’opportunité : ce qui réduit le plus les émissions entraîne également le plus grand potentiel de séquestration carbone. Le passage à un régime alimentaire plus végétal permet d’atteindre ces deux objectifs et c’est  en devenant végétalien que la réduction d’émission carbone est la plus grande.

Alors comment garder des paysages ouverts ? Que faire de toutes ces prairies si nous souhaitons sortir progressivement de l’élevage ? Pourrions-nous repenser des paysages qui ne soient pas anthropocentrés, c’est-à-dire dédiés aux seuls bénéfices des humains ? Et si la prise en compte des intérêts des animaux qui y vivent devenait une clé d’organisation du paysage ?  Pour l’imaginer, il faut vraiment vouloir y réfléchir. C’est à cet exercice que s’est livrée Alix Gancille dans son mémoire de fin d’études en architecture du paysage. Elle y montre qu’à l’échelle du territoire de la Thiérache (Belgique) une agriculture végétale est justement à même de préserver des paysages ouverts et une biodiversité riche.  De leur côté, dans “Zoopolis. Une théorie politique des droits des animaux”, les philosophes Sue Donaldson et Will Kymlicka ont réfléchi à la question : faut-il laisser les animaux domestiqués se reproduire et viser à faire cité avec eux ?

 

La fausse bonne idée écologiste des ruminants

Dans un article paru en août dernier, George Monbiot, le célèbre éditorialiste environnementaliste du journal The Guardian, soutient que les produits issus du bœuf et de l’agneau biologiques sur pâturage sont les pires aliments pour l’environnement. En se basant sur le rapport de référence sur la question “Grazed and confused[11] produit par le Food Climate Research Network de l’université d’Oxford, il rappelle que les terres cultivées, dont une partie est dédiée à l’alimentation animale, occupent 12 % de la surface terrestre et que les pâturages en occupent à eux seuls 26 %. Malgré cette vaste superficie, les animaux d’élevage sur pâturage ne produisent que 1 % des protéines mondiales, soit 1g de protéine / personne / jour.

 

Un “puits de carbone” finalement émetteur net

Contextualisons maintenant les fameux services écosystémiques. Il existe de nombreuses raisons de mieux gérer les prairies dans les régions du monde – par exemple pour améliorer les moyens de subsistance de communautés marginalisées ou pour soutenir certains objectifs environnementaux. Quant au terme “puits de carbone”, il s’agit d’un abus de langage favorable aux défenseurs de l’élevage. En réalité, le rapport de référence précédemment cité est sans équivoque : sa conclusion incontournable démontre que, si le pâturage du bétail a sa place dans un système alimentaire durable, cet endroit est limité. Les émissions générées par les systèmes de pâturage l’emportent toujours sur les absorptions. Même si la gestion était optimale, les émissions resteraient positives. De plus, les sols atteignent l’équilibre carbone après quelques décennies. Ainsi, toute séquestration provenant d’une bonne gestion du pâturage est limitée dans le temps.

D’après l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE), le potentiel d’atténuation de l’empreinte carbone de l’agriculture proviendra à 86 % des grandes cultures[12], les prairies n’ayant la capacité de stocker qu’environ 20 % des émissions des ruminants qui y paissent.

Par ailleurs, une étude parue en 2012[13] a comparé l’impact environnemental des systèmes de production de bœuf conventionnel, naturel et nourri à l’herbe. Le système conventionnel a nécessité 56,3 % des animaux, 24,8 % de l’eau, 55,3 % de la terre et 71,4 % de l’énergie fossile nécessaire pour produire 1,0 × 10⁸ kg de bœuf par rapport au système nourri à l’herbe. En plus d’être plus économe, le système conventionnel obtient 59 % de l’empreinte carbone du système nourri à l’herbe qui est le pire des trois systèmes. En d’autres termes, le système nourri à l’herbe consomme le plus de ressources et émet le plus de gaz à effet de serre. En parallèle, un article de recherche publié dans la revue Nature en 2014[14], qui se base sur une méta-analyse de 52 études d’analyse du cycle de vie[15] (ACV) de sources de protéines animales et végétales, nous apprend que les protéines issues de viande de boeuf extensif ont une empreinte carbone 2,1 fois plus importante que celles provenant du boeuf intensif. En comparaison, la viande végétale aurait une empreinte carbone 48 fois moins importante que cette dernière. Il conclut que la réduction du nombre de ruminants dans le monde pourrait apporter une contribution substantielle aux objectifs d’atténuation du changement climatique et générer d’importants co-bénéfices sociaux et environnementaux. Plus récemment, une étude[16] a estimé les impact environnementaux de l’alimentation de 29 210 participants à l’étude NutriNet-Santé selon les 4 régimes alimentaire : omnivore, pesco-végétarien, végétarien et végétalien. Les omnivores présentent de loin le niveau le plus élevé d’émissions de gaz à effet de serre, de demande énergétique cumulée et d’occupation des sols, tandis que les régimes végétaliens présentent le niveau le plus faible. La consommation de viande de ruminants est le contributeur le plus important.

De manière générale, avec un tiers des émissions anthropiques mondiales de méthane et 80 % des émissions de gaz à effet de serre de l’élevage9, la viande et les produits laitiers issus des ruminants obtiennent la plus forte intensité d’émission de gaz à effet de serre des produits alimentaires. Enfin, se concentrer uniquement sur la séquestration carbone peut saper les objectifs de préservation d’une biodiversité.

 

L’illusion de la biodiversité

“On ne pourrait pas se passer de l’élevage et plus précisément de celui des ruminants sous peine de voir la biodiversité chuter.” C’est à cette assertion que répond directement cette méta-analyse de 2020 basée sur 109 études indépendantes[17] qui aborde les effets potentiels multitrophiques sur la biodiversité en testant la réponse des animaux et des plantes au pâturage du bétail par rapport à son exclusion. Les résultats démentent la croyance entretenue. Pour tous les animaux, l’exclusion du bétail a augmenté l’abondance et la diversité, ces effets étant plus importants pour les niveaux trophiques dépendant directement des plantes, comme les herbivores et les pollinisateurs. Les détritivores (bactéries, champignons, vers…) étaient le seul niveau trophique dont l’abondance diminuait avec l’exclusion du bétail. Les chercheurs constatent aussi que le nombre d’années écoulées depuis l’exclusion du bétail influence la communauté animale et que ses effets sont les plus forts dans les climats tempérés. Ils soulignent le coût potentiellement inévitable du pâturage du bétail pour la biodiversité mondiale, qui doit être mis en balance avec les avantages socio-économiques.

 

 

Le bluff de la fertilité des sols

Rappelons que les animaux ne fabriquent pas d’azote ni de matière organique. Seuls les autotrophes  (essentiellement les végétaux) sont capables de produire de la matière organique. Ils convertissent le gaz carbonique en molécules organiques : glucides, lipides et protides. Les animaux, qui sont des êtres hétérotrophes, ne font que transformer ces molécules au prix d’une déperdition importante. Lors de son université Afterre 2050 en février 2021, l’équipe Solagro a questionné la place de l’élevage dans un atelier dédié à son évolution[18]. Elle a ensuite publié le rapport “La place de l’élevage face aux enjeux actuels[19] avec  l’objectif d’éclairer le débat en rappelant les éléments de contexte constamment oubliés et en traitant les idées reçues semblables à celles propagées par Frédéric Denhez. L’équipe a précisé que le rapport ne représente pas la position de Solagro, mais qu’il vise à donner des bases aussi factuelles, objectives et sourcées que possible pour éclairer plusieurs points de controverse. Il rappelle que le cycle de l’azote est une fuite : il y a des pertes sous forme de lait, de viande, de carcasses d’animaux exportés et des pertes dans les cours d’eau. Contrairement à la croyance répandue, le fumier n’est pas un “repas gratuit”. Par ailleurs, si l’on cherche à réduire les engrais azotés, il faut remplacer une source primaire d’azote par une autre source primaire et non par un flux de recyclage comme le sont les carcasses et les résidus des aliments ingérés sous forme de fumier. Seule la fixation symbiotique le peut, et ce n’est pas l’élevage qui en est capable, mais la culture de légumineuses. Par ailleurs, les engrais de synthèse constituent bien une source primaire de matière azotée et sans surprise le secteur de l’élevage est la principale source d’émissions d’azote du système agricole.

Une étude publiée dans Nature Food en 2020[20] fait l’état des lieux des émissions d’azote du secteur de l’élevage. A l’échelle mondiale, à travers les cultures pour l’alimentation animale, l’élevage consomme 55 Mt (millions de tonnes) d’azote synthétique pour en restituer seulement 26 Mt sous forme organique à destination de l’agriculture humaine. 29 Mt partent donc directement vers les milieux marins et terrestres, ce qui contribue à la fois au réchauffement climatique et à l’eutrophisation de ces milieux, favorisant ainsi les zones mortes.

Revenons-en au point principal : le déni des mangeurs de produits d’origine animale. Alors qu’on sait que les animaux sont conscients[21], les défenseurs de l’élevage ne prennent pas la peine d’expliquer comment s’accommoder de ce simple fait tout en continuant à s’en nourrir. Il y a un consensus scientifique sur la capacité des animaux à être affectés[22], c’est-à-dire à ressentir des émotions positives ou négatives. A la proposition de les inclure dans notre sphère de considération, les défenseurs du statu quo opposent des arguments de second ordre qui relèvent de considérations externes à l’éthique. Il faudrait continuer à manger les animaux pour garder des paysages ouverts tels que des prairies, landes, causses, zones humides ou des bocages. Conséquemment, en suivant le consensus intuitif en éthique et philosophie morale, plus de 500 philosophes déclarent l’exploitation animale injuste et moralement indéfendable. Ajoutons ici un point que Frédéric Denhez ne semble pas avoir appréhendé. En défendant la consommation de viande de ruminant extensive plutôt que de poulets intensifs par exemple, il va dans le sens des animalistes, qui souhaitent réduire le nombre d’animaux tués. D’un point de vue écologique c’est une fausse bonne idée mais d’un point de vue animaliste, si l’on remplace la viande issue d’élevages intensifs de plus petits animaux, alors, on réduit le nombre d’individus tués et donc les souffrances engendrées. Plus les animaux sont gros, plus on peut y dépecer de la viande. À quantité de viande équivalente, il y a donc moins de victimes.

Une redirection des aides

Le procédé connu sous le nom d’homme de paille est bien connu dans le milieu scientifique, car il faut en éviter les biais dans le but d’obtenir des résultats exploitables. Ici, malheureusement, nous devons nous contenter de l’homme de paille des gyrobroyeurs et des travailleurs qu’on ne pourrait pas payer pour attester de l’impossibilité de sortir de l’élevage. Nous n’aurions pas les moyens de “couper à l’ancienne” des arbustes qui autrement recouvriraient les prairies. Il ne suffit pas de le dire, encore faudrait-il le démontrer. Nous aurions les moyens de payer des gens à élever et tuer en France plus d’1,2 milliard d’animaux avec des externalités tellement insoutenables qu’elles ne sont pas encore chiffrées. Par contre, nous n’aurions pas les moyens de payer des gens pour entretenir nos paysages en favorisant des externalités positives ?

Par exemple, à l’initiative de la Fédération Nationale des Chasseurs (FNC), la loi chasse du 24 juillet 2019 a créé un fonds biodiversité dans le cadre du nouvel Office Français de la Biodiversité (OFB). Ce fonds est abondé par une éco-contribution des chasseurs et de l’État afin de financer des projets portés par les fédérations des chasseurs pour la “protection de la biodiversité”. Ce dispositif d’éco-contribution prévoit que, lors de la validation du permis de chasse, chaque chasseur contribue au fonds à hauteur de 5 € avec un complément de l’État de 10 € afin de financer des actions concrètes en faveur de la biodiversité : plantation de haies, restauration de milieux forestiers, de milieux humides, entretien des habitats pour la faune sauvage. L’État verse ainsi 10 millions aux fédérations de chasse. Dans son avis du Conseil scientifique sur l’éco-contribution, l’OFB souligne un risque relatif à sa réputation qui se retrouve associée à des projets de qualité très faible, voire mauvaise,  qui peuvent parfois aller à l’encontre de ses propres missions. Cette analyse l’a conduit à alerter sur les risques que ce dispositif fait peser : un risque juridique pour l’OFB du fait de financement de projets dont les montants ne sont pas justifiés. Ne serait-il pas plus raisonnable de subventionner des associations reconnues d’intérêt général pour entretenir nos paysages ?

 

Les dernières réformes de la politique agricole commune (PAC) visaient à diminuer progressivement l’importance des instruments jouant directement sur les prix agricoles au profit de mesures de soutien direct aux revenus sans lien avec les niveaux de production, via le découplage des aides. Le «paiement vert», ou verdissement, est un paiement direct aux exploitants agricoles qui vise à rémunérer des actions spécifiques en faveur de l’environnement. C’est un paiement découplé (c’est-à-dire indépendant du type de production) dont le montant est de l’ordre de 80 €/ha, ce qui représente 2 milliards d’euros par an.

 

Les exploitations orientées vers les productions de ruminants (viande bovine, viande ovine, production laitière) dégagent des revenus  en moyenne inférieurs à ceux des unités viticoles ou de grandes cultures. Elles reçoivent le plus haut pourcentage d’aides directes du résultat courant avant impôt (RCAI) : bovins viande 250 %, ovins et caprins 165 %,  bovins mixtes 136 %. Dans son rapport de 2021 sur l’agriculture et l’alimentation, l’Institut for Climate Economics (I4CE) décrypte les financements du système alimentaire français et leur contribution aux enjeux de durabilité. Il soutient que l’écrasante majorité de ces aides sont attribuées selon des critères incompatibles avec la transition vers un système alimentaire durable (aides directes de 6,6 milliards dont paiements verts de 2 milliards d’euros). Par ailleurs, ils ont considéré les aides couplées à la production de viande et de lait (860 millions d’euros) comme défavorables car orientées vers un maintien de la production animale tandis que celle-ci doit diminuer.

Le gloubiboulga à qui veut bien en manger

A propos de la vieille vache, Frédéric Denhez dit, dans son article, qu’elle ne serait pas faite pour vieillir puisqu’au bout d’un moment elle est une souffrance que seuls de nombreux soins vétérinaires peuvent contenir, à grand prix, en vain. Histoire de démystifier complètement cette vision, les animaux vieillissent de la même manière que nous à ceci près qu’ils n’ont aucune autonomie vis-à-vis des soins auxquels ils pourraient prétendre s’ils pouvaient profiter d’une sécurité sociale animale. Ils ne peuvent pas non plus expliciter leur douleur et la vivent avec plus ou moins d’intensité. Quant au fait qu’il soit vain de la soigner, on comprend que Frédéric Denhez pense l’autre au-delà de son espèce à partir d’une valeur instrumentale anthropocentrée.

Dans la suite de son article, il utilise l’argumentum ad antiquitatem aussi connu sous le nom d’appel à la tradition (ou ici à l’historicité) en faisant référence à Cro-Magnon. En se basant sur l’étude de Anne Mottet[23] qui travaille depuis plus de 16 ans au développement de l’élevage et sur une étude de programmation linéaire sur le système agricole des Pays-Bas[24] reprise par l’INRAE dans son infographie “Elevage et occupation des terres[25], il ajoute à son entreprise de manufacture du doute. Effectivement, ayant déjà été épinglé par le syndicat Sud-Recherche dénonçant l’utilisation des éléments de langage de la filière élevage[26], il ne donne pas les précisions pourtant nécessaires à la bonne compréhension des études et de l’interprétation des résultats qu’on peut en faire. Il prétend que si tout le monde adoptait un régime végétalien, il faudrait plus de terres pour nourrir l’humanité, car les coproduits des cultures ne pourraient être valorisés par les animaux pour produire des protéines (viande, lait, oeufs) consommables par les humains.  Bien qu’en théorie cela puisse sembler vrai, la formulation est trompeuse. Ce modèle fictif n’est pas contextualisé et ne précise pas les prémisses pourtant fortes qui relèvent d’un scénario parfaitement improbable. Il se base sur le fait que les Français consommeraient la quantité de protéines recommandée par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), soit 57 g de protéines par jour et par personne alors qu’on en consomme 112 g (dont 70 g provenant des produits animaux). Il suppose l’absence d’importation et d’exportation d’aliments pour animaux et de denrées alimentaires.  Enfin, il fait croire que l’élevage est nécessaire à la valorisation des ressources non comestibles alors qu’il est globalement inefficient. Il consomme en réalité plus de protéines qu’il n’en restitue sous forme de produits alimentaires19 et il est à l’origine d’un coût d’opportunité alimentaire (nourriture perdue) plus important que le gaspillage alimentaire mondial[27] déjà évalué à un tiers de la production alimentaire totale. En fait, la faible surface potentiellement valorisable par l’élevage serait à considérer si la surface des cultures ne permettait pas de nous nourrir. Or, on en fait dépendre plus d’animaux que nous pour s’en nourrir alors qu’ils induisent intrinsèquement des pertes du fait de leur niveau trophique supérieur. C’est donc bien l’inverse : on pourrait nourrir plus de monde et dépendre d’une moins grande surface si tout le monde adoptait une alimentation végétalienne. Toujours selon cette dernière étude de référence, remplacer les produits animaux de chaque catégorie par des produits végétaux équivalents nutritivement en termes de protéines et de calories permettrait de produire 2 à 20 fois plus de nourriture par unité de surface sur les grandes cultures. Elle conclut qu’après ajustement nutritif, l’alimentation végétalienne pourrait nourrir 100 % de citoyens en plus, alors que stopper tout le gaspillage alimentaire, du producteur aux ménages, ne permettrait de nourrir que 30 % de citoyens en plus. Une étude de 2013[28] avait calculé que 36 % des calories produites par les cultures mondiales sont utilisées pour l’alimentation animale alors que seulement 12 % sont récupérées sous forme de produits animaux. Compte tenu de la combinaison actuelle des utilisations des cultures, la culture d’aliments exclusivement destinés à la consommation humaine directe pourrait, en principe, nourrir 4 milliards de personnes supplémentaires.

 

Frédéric Denhez nous invite à imaginer le paysage qu’il y a derrière notre assiette. Il prétend que le système agroalimentaire qui a mené au désastre des élevages concentrationnaires se refait une santé avec le véganisme. Pourtant, c’est précisément la raison d’être de l’association L214 qui révèle l’envers du décor en publiant des vidéos provenant d’abattoirs français. Personne ne veut décemment cautionner ces horreurs, bien qu’elles soient à l’origine de la possibilité pour chacun de manger de la viande. En plus d’être fausse, son assertion manque le point. Bien que les abattoirs choquent par la cadence du nombre d’animaux tués et dépecés, ils se heurtent surtout par l’horreur que vivent les animaux et la manière dont ils sont tués. Mais, au-delà d’une romanisation implicite (pour le moins étrange), pense-t-il que tuer un animal au fond du jardin est une solution ? En plus du problème fondamental du consentement qu’il n’appréhende même pas, l’action reste la plus malveillante qui soit. D’ailleurs, depuis au moins l’Egypte pharaonique, nous n’avons eu de cesse d’éloigner la culpabilité de ce “meurtre alimentaire” en ayant recours à des rituels sophisitiqués ou en nous racontant des histoires. Sans même aborder les questions de généralisation, souhaitons-nous entretenir cette tragédie alors qu’elle n’est plus nécessaire ? L’animal élevé de manière industrielle n’a pas plus ou moins d’intérêt à vivre que celui qui est élevé dans un cadre bucolique. Tous deux ont précisément les mêmes intérêts à vivre, comme nous. Une littérature scientifique et de vulgarisation abondante sur l’antispécisme permet de comprendre ces notions élémentaires. La question reste entière: pourquoi chercher à justifier l’injustifiable ?

 

Dans un entretien de “Interdit d’interdire” diffusé à l’occasion de la sortie du livre “La première histoire globale de l’alimentation”, l’auteur Florent Quellier nous explique pourquoi la France est moins tolérante que la Grande-Bretagne à l’égard d’une alimentation différente. Notre culture catholique nous conditionne à la communion de table tandis que, de culture protestante, c’est à la liberté individuelle que s’attache l’Angleterre. On retrouve cette différence dans la langue elle-même : « gluten-free » en anglais et « sans gluten » en français. L’accent est mis sur le caractère privatif à l’aide de la préposition “sans” contrairement à la signification du terme “free” qui renvoie à la possibilité d’être libéré de manger du gluten. Nous sommes donc davantage suspects de manger différemment en France, ce qui peut même être perçu comme un affront. Nous faisons particulièrement société à table. Il y a comme une injonction normative à manger comme tout le monde. Nous en avons même développé une sorte d’institution connue sous le nom de diplomatie à la française.

 

Alors même que Frédéric Denhez rappelle qu’il n’y aurait que deux siècles qu’un protestantisme anglo-américain associe la viande à la chair, il n’ose utiliser les termes  “steak végétal” et lui préfère le terme “ersatz” fortement popularisé par les défenseurs de l’élevage.  Il serait dommage de marginaliser des produits végétariens et véganes plus sains et meilleurs pour l’environnement pour une sombre histoire d’intérêts partisans. Il affirme qu’il faut pouvoir bien identifier l’éleveur pour manger de la viande bien incarnée, que c’est mieux que le faux ersatz dont on ne sait où et par qui il est fait, si c’est par quelqu’un et non pas les GAFAM directement. Où est le problème d’appeler viande végétale le steak capable d’éviter la carence en fibres dont souffrent 87 % des adultes et 98 % des enfants français, facteur de risque majeur du cancer colorectal et 2ème cause de décès par cancer en France ? Au-delà de la question animale, la bonne santé de nos compatriotes dans un environnement plus préservé  devrait tous nous intéresser. Si les défenseurs de l’élevage jugent son apport culturel et traditionnel positivement, il faut désormais ajouter les externalités négatives reconnues : nous mangeons trop de produits animaux pour rester en bonne santé[29], les coûts environnementaux sont insoutenables, mais surtout nous ne souhaitons plus assumer les mauvais traitements infligés aux animaux.

Cette réponse argumentée et sourcée comme il se doit est un exemple concret du principe d’asymétrie des baratins connu sous le nom de loi de Brandolini.

Wikipédia, Loi de Brandolini :

Elle énonce que « la quantité d’énergie nécessaire pour réfuter des idioties est supérieure d’un ordre de grandeur à celle nécessaire pour les produire ». Ce principe critique la technique de propagande (en) qui consiste à diffuser de l’infox en masse afin d’exploiter la crédulité d’un certain public en faisant appel à son système de pensée rapide, instinctif et émotionnel. Pour le dire simplement : s’il est facile de créer une fausse information, sur le fond et la forme, en quelques minutes, il faudra probablement plusieurs heures pour démonter chaque point et montrer ainsi la fausseté de l’ensemble. Il ressort de cet adage que la désinformation a un avantage important sur la vérité, car rétablir la vérité est particulièrement coûteux en temps et en énergie. Ce principe est l’une des raisons pour lesquelles il ne faut pas renverser la charge de la preuve. En science et en droit, notamment, la charge de la preuve revient toujours à celui qui affirme, sinon n’importe qui peut affirmer n’importe quoi sans la moindre preuve.

 

[1] Sandström, V., Valin, H., Krisztin, T., Havlík, P., Herrero, M., & Kastner, T. (2018). The role of trade in the greenhouse gas footprints of EU diets. Global food security, 19, 48-55.

[2] Crippa, M., Solazzo, E., Guizzardi, D., Monforti-Ferrario, F., Tubiello, F. N., & Leip, A. J. N. F. (2021). Food systems are responsible for a third of global anthropogenic GHG emissions. Nature Food, 2(3), 198-209.

[3] Holth, J. K., Fritschi, S. K., Wang, C., Pedersen, N. P., Cirrito, J. R., Mahan, T. E., … & Greeley, J. (2019). Erratum for the Research Article “Reducing food’s environmental impacts through producers and consumers” by J. Poore and T. Nemecek. Science, 880, 831.

[4] Muller, M.(2021): The contributions of animal agriculture and major fossil-fuel-based industries

to global warming, p22 (2) landwirtschaft.jetzt (2021): The contributions of animal agriculture to climate change

[5] Miralles, A., Raymond, M., & Lecointre, G. (2019). Empathy and compassion toward other species decrease with evolutionary divergence time. Scientific reports, 9(1), 1-8.

[6] Melina, V., Craig, W., & Levin, S. (2016). Position of the Academy of Nutrition and Dietetics: vegetarian diets. Journal of the Academy of Nutrition and Dietetics, 116(12), 1970-1980.

[7] Dinu, M., Abbate, R., Gensini, G. F., Casini, A., & Sofi, F. (2017). Vegetarian, vegan diets and multiple health outcomes: a systematic review with meta-analysis of observational studies. Critical reviews in food science and nutrition, 57(17), 3640-3649.

[8] Wright, D. K. (2017). Humans as agents in the termination of the African Humid Period. Frontiers in Earth Science, 4.

[9] Poore, J., & Nemecek, T. (2018). Reducing food’s environmental impacts through producers and consumers. Science, 360(6392), 987-992.

[10] Eisen, M. B., & Brown, P. O. (2022). Rapid global phaseout of animal agriculture has the potential to stabilize greenhouse gas levels for 30 years and offset 68 percent of CO2 emissions this century. PLoS Climate, 1(2), e0000010.

[11] Garnett, T., Godde, C., Muller, A., Röös, E., Smith, P., De Boer, I. J. M., … & Van Zanten, H. H. E. (2017). Grazed and confused?: Ruminating on cattle, grazing systems, methane, nitrous oxide, the soil carbon sequestration question-and what it all means for greenhouse gas emissions. FCRN.

[12] Sylvain Pellerin, Laure Bamière et Olivier Réchauchère, 2019. Stocker du carbone dans les sols français, Quel potentiel au regard de l’objectif 4 pour 1000 et à quel coût ? Synthèse du rapport d’étude, INRA (France), 114 p.

[13] Capper, J. L. (2012). Is the grass always greener? Comparing the environmental impact of conventional, natural and grass-fed beef production systems. Animals, 2(2), 127-143.

[14] Ripple, W. J., Smith, P., Haberl, H., Montzka, S. A., McAlpine, C., & Boucher, D. H. (2014). Ruminants, climate change and climate policy. Nature climate change, 4(1), 2-5.

[15] Nijdam, D., Rood, T., & Westhoek, H. (2012). The price of protein: Review of land use and carbon footprints from life cycle assessments of animal food products and their substitutes. Food policy, 37(6), 760-770.

[16] Rabès, A., Seconda, L., Langevin, B., Allès, B., Touvier, M., Hercberg, S., … & Kesse-Guyot, E. (2020). Greenhouse gas emissions, energy demand and land use associated with omnivorous, pesco-vegetarian, vegetarian, and vegan diets accounting for farming practices. Sustainable Production and Consumption, 22, 138-146.

[17] Filazzola, A., Brown, C., Dettlaff, M. A., Batbaatar, A., Grenke, J., Bao, T., … & Cahill Jr, J. F. (2020). The effects of livestock grazing on biodiversity are multi‐trophic: a meta‐analysis. Ecology Letters, 23(8), 1298-1309.

[18] ATELIER 1 – ÉLEVAGE – Comment réfléchir aux évolutions de l’élevage et à sa place dans les systèmes de production ? (2021), Solagro

[19] Christian Couturier, Michel Duru, Antoine Couturier, Marc Deconchat, Florin Malafosse (2021), La place de l’élevage face aux enjeux actuels, Solagro

[20] Uwizeye, A., de Boer, I.J.M., Opio, C.I. et al. Nitrogen emissions along global livestock supply chains. Nat Food 1, 437–446 (2020)

[21] Low, P., Panksepp, J., Reiss, D., Edelman, D., Van Swinderen, B., & Koch, C. (2012, July). The Cambridge declaration on consciousness. In Francis crick memorial conference, Cambridge, England (pp. 1-2).

[22] Proctor, H. S., Carder, G., & Cornish, A. R. (2013). Searching for animal sentience: A systematic review of the scientific literature. Animals, 3(3), 882-906.

[23] Mottet, A. et al. (2017), « Livestock: On our plates or eating at our table? A new analysis of the feed/food debate. » Global Food Security

[24] Van Kernebeek, H. R., Oosting, S. J., Van Ittersum, M. K., Bikker, P., & De Boer, I. J. (2016). Saving land to feed a growing population: consequences for consumption of crop and livestock products. The International Journal of Life Cycle Assessment, 21(5), 677-687.

[25] [Infographie] Elevage et occupation des terres (2019), INRAE

[26] Quand ajouter un « e » à INRA ne suffit pas (février 2020) – Expression SUD-Recherche EPST Branche INRAE

[27] Shepon, A., Eshel, G., Noor, E., & Milo, R. (2018). The opportunity cost of animal based diets exceeds all food losses. Proceedings of the National Academy of Sciences, 115(15), 3804-3809.

[28] Cassidy, E. S., West, P. C., Gerber, J. S., & Foley, J. A. (2013). Redefining agricultural yields: from tonnes to people nourished per hectare. Environmental Research Letters, 8(3), 034015.

[29] Springmann, M., Spajic, L., Clark, M. A., Poore, J., Herforth, A., Webb, P., … & Scarborough, P. (2020). The healthiness and sustainability of national and global food based dietary guidelines: modelling study. bmj, 370.

L’élevage : un maximum d’impact pour un minimum d’apports

Cet article à été rédigé pour le dixième numéro de la revue Virage de l’AVF ayant pour sujet l’agriculture végane. Vous pouvez le retrouver publié ici : L’élevage : un maximum d’impact pour un minimum d’apports.

L’élevage : un maximum d’impact pour un minimum d’apports
L’élevage : un maximum d’impact pour un minimum d’apports

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Les animaux ne fabriquent pas d’azote ni de matière organique, ils en consomment

Le rendement catastrophique de l’élevage

La perte d’opportunité alimentaire

Les surfaces libérées

 

L’espace médiatique est tellement occupé par les défenseurs de l’élevage paysan qu’on croirait presque que nous naissons dans des bouses de vaches et que sans elles, l’humanité court à sa perte. Plus sérieusement, la petite musique de fond qui circule à haut volume est que l’élevage créé quelque chose de magique dont on ne saurait se passer, comme si des animaux d’élevages sur des prairies étaient à l’origine de l’alchimie fertile nourrissante. En fait, il n’en est rien, les animaux dépendent des végétaux et non inversement, et ça, c’est une notion de base de l’écologie qui nous l’apprend : le niveau trophique. Dès-lors, nous verrons ici qu’une sortie de l’élevage nous permet d’éviter une fuite incroyable de ressources.

Les animaux ne fabriquent pas d’azote ni de matière organique, ils en consomment

 

Le réseau trophique est ce qu’on connaît sous le nom de chaîne alimentaire. Chaque niveau représente un maillon de cette chaîne. Ce réseau est limité à 5 niveaux. En bas, au premier niveau il y a les producteurs que sont les autotrophes, capables de créer de la matière organique à partir de matière inorganique. Dès le niveau 2 on passe aux hétérotrophes, les animaux dont nous sommes. Nous dépendons de la matière organique créée par les végétaux puisque nous sommes incapables d’en créer à partir du soleil, des minéraux et de l’eau. Eux, convertissent le gaz carbonique en molécules organiques : glucides, lipides et protides. Les animaux ne font que transformer ces molécules au prix d’une déperdition importante. Ils ne fabriquent pas d’azote et en passant par les animaux, le cycle de l’azote est une fuite : il y a des pertes sous forme de lait, de viande et de carcasses d’animaux. Contrairement à la croyance répandue, le fumier n’est pas – pour ainsi dire – un repas gratuit. A l’échelle mondiale, à travers les cultures pour l’alimentation animale, l’élevage consomme 55 Mt (millions de tonnes) d’azote synthétique pour en restituer seulement 26 Mt sous forme organique[1]. Cela représente 29 Mt qui partent directement vers les milieux marins et terrestres, ce qui contribue à la fois au réchauffement climatique et à l’eutrophisation de ces milieux favorisant ainsi les zones mortes. Par ailleurs, si l’on cherche à réduire les engrais azotés, il faut remplacer une source primaire d’azote par une autre source primaire et non par un flux de recyclage comme l’est le fumier. Seule la fixation symbiotique le peut, et ce n’est pas l’élevage qui en est capable, mais la culture de légumineuses. D’après l’équipe de Solagro, si on fait le calcul, on constate que si on veut massifier l’agriculture biologique, la fumure animale ne peut fournir qu’une partie seulement des apports d’azote[2].

Les animaux au niveau 2 sont les consommateurs primaires et ceux qui sont au-dessus (niveau 3), sont appelés des consommateurs secondaires. Raymond Lindeman, un écologiste américain a établi pour la première fois en 1942 une loi du transfert de l’énergie dans les écosystèmes. Elle mesure l’efficience écologique d’un consommateur (rapport de la production nette d’un consommateur sur la production nette de biomasse qu’il a consommée). Son constat est que seule une fraction de l’énergie est transmise d’un niveau trophique à celui au-dessus. Portant son nom elle est aussi appelée loi des 10% parce qu’en moyenne, 90% d’énergie est perdue à chaque niveau supplémentaire[3].

Le rendement catastrophique de l’élevage

 

Partant de là, on comprend mieux l’inefficience de l’élevage. Pourtant, la chercheuse Anne Mottet, ancienne agroéconomiste à l’Institut de l’Elevage chargé de politiques d’élevage à la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture) trouve dangereux que les investissements se tournent aujourd’hui vers des alternatives[4]. En 2017, elle tente de réhabiliter l’élevage en publiant une étude qui questionne si le bétail est dans nos assiettes ou à notre table. Finalement, ses résultats sont sans équivoque. Pour produire 1kg de viande désossées il faut en moyenne 2,8kg d’aliments consommables par les humains pour la viande de ruminant et 3,2kg pour celle des monogastriques. Le ratio de conversion pour produire une protéine animale est censé être favorable à l’élevage étant donné la haute teneur en protéine des produits animaux. Pourtant, là aussi, ce ratio montre que l’élevage est clairement consommateur de ressources plutôt que contributeur. Le ratio brut considère toute l’alimentation animale tandis que le ratio net ne considère que l’alimentation animale consommable par les humains, qui entre donc en concurrence directe avec l’alimentation humaine. Ses résultats montrent que pour produire une protéine animale il faut en moyenne 10 protéines végétales, ce qui fait que 9 protéines sur 10 sont perdues, soit 90% de perte. Le ratio tombe à 2,6 si on ne considère que celles qu’on peut consommer directement (soit 62% de perte). En retombant sur un ratio brut de 10, on confirme la fameuse loi des 10% abordée précédemment. C’est uniquement à l’échelle locale, dans des cas marginaux et donc non représentatifs que l’élevage peut contribuer à la sécurité alimentaire. Nous pouvons parler ici de voie sans issue car plus de 99% de cet élevage contributeur est représenté par les ruminants qui sont responsables de 80% des émissions de Gaz à Effet de Serre du secteur[5]. C’est une impasse manifeste face au changement climatique.

 

La perte d’opportunité alimentaire

 

Alors que le gaspillage alimentaire s’élève à un tiers de la production mondiale, une étude parue en 2018 dans la revue scientifique PNAS[6], vient enfoncer le clou en montrant que les pertes de nourriture dues aux produits animaux dépasse toutes ces pertes dites conventionnelles (fuites dans les chaînes d’approvisionnement ou de la détérioration des produits, pertes de nourriture). Les chercheurs montrent que les produits végétaux de remplacement peuvent produire par unité de surface cultivée 20 fois et 2 fois plus d’aliments similaires sur le plan nutritionnel que le bœuf et les œufs, respectivement les catégories d’animaux les plus et les moins gourmandes en ressources. Ils précisent que la production d’un gramme de protéine (ou de calorie) d’origine animale nécessite environ un ordre de grandeur de plus de ressources et d’émissions que la production d’un gramme de protéine d’origine végétale. La consommation de produits alimentaires à forte intensité de ressources au lieu de produits de remplacement plus efficaces et tout aussi nutritifs peut alors être considérée comme une perte de nourriture effective. Ils appellent cela le coût d’opportunité alimentaire. Contrairement à la perte de nourriture conventionnelle, la perte de nourriture due à des produits à forte consommation de ressources est une nourriture cachée qui peut être récupérée par le biais de changements dans les régimes alimentaires. A ce titre, les préférences alimentaires jouent un rôle clé dans la détermination et l’atténuation des pertes alimentaires. Pour rappel, en France[7] comme dans le monde, l’élevage consomme ⅓ des céréales produites annuellement et alors même que l’étude de Anne Mottet montre que 86% de la consommation mondiale d’aliments pour le bétail n’est pas comestible par les humains, l’élevage n’assurerait que 25% des apports protéiques mondiaux. Poore et Nemecek, les auteurs de la plus grande méta-analyse[8] sur notre système alimentaire connue à ce jour ont conclu que l’élevage apportait 18% des calories et 37% des protéines totales tandis qu’en combinant les pâturages et les cultures pour son alimentation, il occuperait 77% des terres agricoles mondiales[9].

 

Les surfaces libérées

 

S’il est vrai que la pratique de l’élevage a façonné nos paysages depuis ses débuts il y a environ 10 000 ans, il est néanmoins difficile de s’en rendre compte. Occupant 27% des terres émergées contre 1% pour les zones construites (villes et les infrastructures), c’est plus que les forêts, les terres stériles (déserts, plaines salées et roches) et les glaciers (respectivement à 26, 19 et 10%). Il occupe 40% des terres cultivables dites arables. Environ la moitié de son occupation l’est par des prairies avec 35% pouvant être directement converties en cultures. Cela représente 1,3 milliard d’hectares, qu’on ne pourrait a priori pas valoriser autrement qu’avec des ruminants en pâturage. C’est considérable car c’est également à peu près 27% des terres agricoles mondiales, soit 10% des terres émergées. Alors que faire de toutes ces prairies libérées de l’élevage ? Pourrions-nous repenser des paysages qui ne soient pas anthropocentrés, c’est à dire, dédiés aux seuls bénéfices des humains ? Et si, finalement, la prise en compte des intérêts des animaux devenait une clé d’organisation du paysage ?

Déjà, nous pouvons donner la priorité au reboisement pour la séquestration carbone, urgente face au changement climatique. Ensuite, pour conserver des paysages ouverts ou des prairies qui nous offrent des services écosystémiques bienvenus, nous pouvons aménager des sanctuaires entretenus par les animaux d’élevages rescapés ou par des animaux sauvages. Des visites scolaires et universitaires offriront un intérêt supplémentaire à leur préservation. Enfin, le maintien de parcelles de cultures sera nécessaire pour notre alimentation, mais une diversification importante sera à opérer afin de sortir des monocultures géantes destinées à l’élevage. Une réorientation des subventions de la PAC aux éleveurs permettra de financer ces changements d’ampleurs en plus des reconversions. Déjà, il existe le «paiement vert», ou verdissement, qui est un paiement direct aux exploitants agricoles visant à rémunérer des actions spécifiques en faveur de l’environnement. C’est un paiement découplé (c’est-à-dire indépendant du type de production), dont le montant est de l’ordre de 80 €/ha, représentant 2 milliards d’euros par an. Peut-être pourrions-nous nous en inspirer pour imaginer l’alimentation soutenable de demain qu’il faut d’ores et déjà mettre en oeuvre.

 

[1] Uwizeye, A., de Boer, I.J.M., Opio, C.I. et al. Nitrogen emissions along global livestock supply chains. Nat Food 1, 437–446 (2020)

[2] ATELIER 1 – ÉLEVAGE – Comment réfléchir aux évolutions de l’élevage et à sa place dans les systèmes de production ?

[3] Eléments d’écologie : Ecologie fondamentale – 4e édition. Chapitre 5 – Flux de l’énergie et cycle de la matière dans les écosystèmes

[4] Nathalie Marchand, Anne Mottet, femme de Thomas Pesquet, défend le plancher des vaches. Réussir

[5] Garnett, T., Godde, C., Muller, A., Röös, E., Smith, P., De Boer, I. J. M., … & Van Zanten, H. H. E. (2017). Grazed and confused?: Ruminating on cattle, grazing systems, methane, nitrous oxide, the soil carbon sequestration question-and what it all means for greenhouse gas emissions. FCRN. (p.118)

[6] Shepon, A., Eshel, G., Noor, E., & Milo, R. (2018). The opportunity cost of animal based diets exceeds all food losses. Proceedings of the National Academy of Sciences, 115(15), 3804-3809.

[7] Le marché des céréales françaises. En chiffres. Passion céréales.

[8] Poore, J., & Nemecek, T. (2018). Reducing food’s environmental impacts through producers and consumers. Science, 360(6392), 987-992.

[9] Hannah Ritchie and Max Roser (2013) – « Land Use ». OurWorldInData.org

Polémique artificielle contre des produits végétariens et véganes plus sains

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Les produits transformés peuvent être meilleur pour la santé

Les produits animaux sont plus à risques que les produits végétaux

Les produits végétaux contiennent les fibres qu’on manque

On mange trop de protéines

L’enjeu majeur d’une alimentation saine

 

Alors que nous venions de publier un rapport scientifique à propos des produits transformés végétaux, nous avons assisté à un soulèvement médiatique quasiment monocorde contre ces aliments[1][2][3][4][5][6][7][8][9][10][11][12][13][14][15][16][17][18][19][20][21][22][23][24][25]. Convaincus des avantages sanitaires, écologiques et éthiques qu’ils représentent lorsqu’ils sont consommés à la place des produits animaux, nous proposons d’aller au-delà des préjugés pour les prioriser.

 

Les produits transformés peuvent être meilleur pour la santé


Les consommateurs n’ont pas une vision précise des classifications alimentaires, notamment sur la distinction entre produits transformés et ultra-transformés. Les premiers composent notre alimentation quotidienne au moins depuis 500 000 ans. Depuis, la cuisson des aliments reste la transformation la plus banale pour faciliter leur digestion. Beaucoup de produits répandus comme le pain et les yaourts sont des aliments transformés d’après les classifications de référence Nova et Siga. Éviter à l’excès les aliments transformés peut d’ailleurs se retourner contre nous car, de manière générale, les régimes restreints aux produits bruts et aux aliments non transformés sont moins diversifiés et moins sûrs. Bien qu’il soit admis qu’une plus grande consommation de produits ultra-transformés soit globalement plus nocive, il n’est pas rare de voir des produits ultra-transformés avec un meilleur Nutri-score que des produits bruts ou peu transformés. Cela n’a rien d’incohérent car la nocivité du sel, du sucre ou encore du cholestérol dépend davantage de la quantité en présence que du nombre de transformations ou d’ingrédients des aliments.

 

Les produits animaux sont plus à risques que les produits végétaux

 

Dans une étude scientifique publiée en janvier 2020, Sylvie Davidou et ses collaborateurs ont utilisé la classification Siga pour caractériser 24 932 aliments emballés dans les supermarchés français (aliments pour bébés et alcool exclus). La catégorie des aliments ultra-transformés est divisée en 3 sous-catégories : les aliments n’ayant qu’un seul marqueur d’ultra-transformation et étant équilibrés nutritionnellement, ceux qui n’ont qu’un seul marqueur mais sont déséquilibrés et ceux ayant plusieurs marqueurs d’ultra transformation et/ou un additif présentant un problème de sécurité révélé. Les résultats montrent que les plats végétariens sont les moins nombreux dans la troisième catégorie (ils s’y retrouvent à 59%). Au contraire, alors qu’ils ne font pas l’objet d’attaques particulières et sont réputés « sains », 78% des yaourts aromatisés et fromages blancs s’y retrouvent. Les plats cuisinés contenant des produits animaux et les viandes salées, auxquels les spécialités végétales se posent en alternative, sont respectivement à 88% et 92% dans cette même catégorie. Globalement, plus ils comportent d’ingrédients d’origine animale, plus les produits ultra-transformés sont classés à risque.

 

Par ailleurs, l’additif à risque le plus représenté est le nitrite de sodium. Or, ce conservateur est très employé dans les viandes transformées et diverses charcuteries locales et traditionnelles. Classé comme cancérogène probable, d’après l’Institut National du Cancer il augmenterait le risque de cancer colorectal de 18% par portion de 50g de charcuterie supplémentaire par jour. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (ANSES) recommande d’en limiter la consommation à 25 g par jour (équivalent d’une petite tranche de jambon blanc). D’après l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), bien que les niveaux de sécurité semblent suffisamment protecteurs, si toutes les sources alimentaires de nitrites et de nitrates d’une alimentation conventionnelle sont prises en compte, les doses journalières admissibles sont susceptibles d’être dépassés dans tous les groupes d’âge de la population.

La classification holistico-réductionniste Siga selon le degré de transformation des aliments : une évaluation des aliments ultra-traités dans les supermarchés français

Pourcentage de denrées alimentaires en fonction du degré de transformation selon la classification Siga pour six catégories. A0: non transformés, A1: peu transformés, A2: ingrédients culinaires peu transformés, B1: transformés équilibrés nutritionnellement, B2: transformés à teneur élevée en sel, sucre et / ou matières grasses, C0.1: ultra-transformés équilibrés nutritionnellement C0.2: ultra-transformés à teneur élevé en sel, sucre et / ou matières grasses, C1: ultra-transformés à plusieurs marqueurs d’ultra-transformation et/ou d’un additif à risque.

 

Les produits végétaux contiennent les fibres dont nous avons besoin

 

En plus d’êtres sans nitrite, les produits végétariens et véganes de remplacement contiennent des fibres. 87% des adultes et 98% des enfants français en manquent, alors qu’elles diminuent le risque de surpoids et d’obésité, facteurs impliqués dans la survenue de nombreux cancers. Tandis que le taux d’obésité dans le monde est de 13%, en France il atteint 17%. Or, la carence en fibre est aussi un facteur de risque majeur du cancer colorectal. Celui-ci en particulier n’est pas anecdotique puisqu’il est la 2ème cause de décès par cancer en France.

 

On mange trop de protéines

 

Pour finir, beaucoup de gens consomment quotidiennement des produits animaux par peur de manquer de protéines. Pourtant, le régime occidental moderne en contient trop. En France, à 0,83g de protéine par kilo de masse corporelle en moyenne, nous en consommons près de 2 fois trop pour un homme sédentaire et 2,5 fois trop pour une femme sédentaire. La surconsommation de produits animaux est telle dans nos pays qu’une étude de la revue scientifique British Medical Journal concluait en 2020 que l’adoption d’un régime flexitarien, correspondant à la consommation moyenne de 300g de viande par semaine, permettrait d’éviter 18,9% des morts prématurées (tout en réduisant les émissions de gaz à effet de serre de l’alimentation de 74%). L’alimentation végane quant à elle, atteint la plus forte réduction de mortalité et d’impact environnemental.

 

L’enjeu majeur d’une alimentation saine

 Il faut bien se rendre compte de l’enjeu majeur que représente une alimentation saine d’un point de vue de la santé publique. Les régimes malsains présentent un plus grand risque de mortalité que les rapports sexuels non protégés et la consommation d’alcool, de drogue et de tabac réunis. Mais, ne nous y trompons pas, la principale nocivité d’un aliment ne vient pas en soi de la longueur de la liste de ses ingrédients ni du nombre d’étapes de transformation qu’il a subi. Si les aliments ultra-transformés sont nocifs, c’est surtout en raison de leur mauvais équilibre nutritionnel (pauvreté en fibre, richesse en graisses, sucres et sel). Or, les grandes marques de steak végétaux affichent pour l’immense majorité de leurs produits des Nutri-scores A ou B. Il est donc absurde de pointer particulièrement ces produits végétaux, alors qu’ils sont majoritairement moins problématiques que leurs alternatives d’origines animales.

 

Tandis que toutes les instances sanitaires nous répètent depuis des dizaines d’années de manger plus de légumes, de légumineuses et de céréales complètes, les produits transformés végétaux ont le mérite de pouvoir remplacer la consommation de produits transformés animaux, sans pour autant chambouler nos habitudes gustatives. Alors, pendant les beaux jours par exemple, au lieu de bannir l’usage de la cuisson au barbecue dont nous connaissons la nocivité, optimisons son utilisation, en commençant par y cuire des saucisses végétales qui contiennent des fibres et moins de graisses saturées !

[1]Enquête : que valent les produits végétariens ?”, Consommation Logement Cadre de Vie, 2020

[2] Ouns Hamdi, “Aliments végétariens dans les supermarchés : la grande arnaque”, Reporterre, 2020

[3] Ouns Hamdi, “Pour les produits végétariens et véganes, le Nutri-score n’est pas une garantie”, Reporterre, 2020

[4] Killian Bouillard, “Les « steaks végétaux » ne sont pas bons pour la santé”, Reporterre, 2021

[5] Pauline Ducamp, “Une étude de la CLCV pointe la faible teneur en protéines végétales des produits végétariens”, BFMTV, 2020

[6] Nina Pareja, “Les substituts de viande ou simili-carné ne sont pas forcément plus sains”, Slate, 2021

[7] “Les produits végétariens sont principalement composés d’eau, dénonce une association”, 20 minutes, 2020

[8] Jérémy Joly, “La surprenante composition de certains produits vegan”, Capital, 2020

[9] “Les produits végétariens épinglés par une association de consommateurs”, CNEWS, 2020

[10] “Produits végétariens et vegan : plus d’eau que de protéines végétales”, L’info durable, 2020

[11] “Des produits végétariens composés d’eau plus que de protéines végétales, selon CLCV”, Le Huffington Post, 2020

[12] Eric Roussel, “Des produits végétariens « principalement composés d’eau ! »”, La France Agricole, 2020

[13] “La qualité des produits végétariens passée au crible par la clcv”, Interbev, 2020

[14] “Les infos de 6h – Alimentation : la composition des produits vegan épinglée”, RTL, 2020

[15] Atlantico Rédaction, “Plus de la moitié des produits végétariens étudiés par une association contiennent de l’eau comme ingrédient principal”, Atlantico, 2020

[16] Pierre Emparan, “Trop d’eau et peu de protéines dans les produits végétariens et végans”, France Bleu, 2020

[17] L’Obs avec AFP, “Plus d’eau que d’ingrédients d’origine végétale : la composition des plats végétariens épinglée”, L’Obs, 2020

[18] Fanette BON, “Que valent les alternatives à la viande ?”, Ouest France, 2020

[19] La Rédaction, “Protéines végétales : Le GEPV conteste l’enquête du CLCV”, Agro Média, 2020

[20] AFP, “Produits végétariens: une étude pointe leur faible teneur en protéines végétales”, L’Express, 2020

[21] Odile Plichon, “Produits végétariens : payer plus cher ne vous garantit pas une meilleure qualité”, Le Parisien, 2020

[22] La Rédaction, “Une association de consommateurs s’attaque aux produits végétariens et végans”, Valeur Actuelle, 2020

[23] Thierry Mestayer, “Produits végétariens : attention aux additifs !”, Le Telegramme, 2020

[24] AFP, “Produits végétariens: une étude pointe leur faible teneur en protéines végétales”, Le Point, 2020

[25] AFP, “Produits végétariens : une étude pointe leur faible teneur en protéines végétales”, Good Planet mag’, 2020

L’origine animale des pandémies !

Cet article a également été publié sur le site de Mr Mondialisation ici :  Origine animale des pandémies : il est urgent de changer de modèle

Temps de lecture estimé : 9 min

Une origine qui dérange

L’action au plus fort potentiel réducteur de risque épidémique

L’intérêt général de l’antispécisme

 

Nous espérons sortir de la pandémie que nous subissons. Ce coronavirus émergeant parmi tant d’autres (il en existerait plus de 5000 [1]) est le 3e en moins de 20 ans à provoquer une épidémie grave d’ampleur internationale. SRAS, MERS et COVID-19 sont 3 virus d’origine animale ayant pour origine des vertébrés volants à sang chaud (chauves-souris et oiseaux [2]). Or, les scientifiques du projet Global Virome, qui vise à nous prémunir des risques pandémiques, nous informent que la faune sauvage abrite actuellement 1,7 millions de virus encore inconnus, dont 50% seraient susceptibles d’infecter les humains [3]. Le dernier rapport Échapper à l’ère des pandémies [4] de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) précise que des pandémies plus fréquentes, plus mortelles et plus coûteuses sont à prévoir et que l’impact économique de l’actuelle pandémie est 100 fois supérieur au coût estimé de leur prévention. Dès lors, si nous ne changeons pas notre rapport aux autres animaux, nous n’éviterons pas de futures épidémies [5], avec toutes les conséquences que nous connaissons désormais.

 

Une origine qui dérange 

Bien que l’information que le virus provenait probablement d’un animal ait été relayée dès le début de la pandémie, les leçons concernant la prévention de futures épidémies n’ont pas encore été tirées. Peter Daszak, chercheur en zoologie et coauteur du rapport sus-cité, appelle à un changement radical dans l’approche globale de la lutte contre les maladies infectieuses : il faut laisser une place plus grande à la prévention qu’à la réaction [6].

De son côté, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) nous apprend qu’elle mène depuis de nombreuses années des travaux de recherche sur les mécanismes de transmission inter-espèces des coronavirus [7]. Ces infections sont connues de la médecine vétérinaire car elles sont fréquentes et peuvent avoir un impact économique important, particulièrement dans les élevages de jeunes ruminants, de porcs, de poulets et de dindes. Des opérations de vaccination sont même régulièrement pratiquées dans les élevages de rente soumis au risque infectieux. Les 3 virus émergents dont nous parlions plus haut ont vraisemblablement franchi la barrière inter-espèce par le biais d’un mammifère, et l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) [8] nous rappelle que plusieurs coronavirus connus qui n’ont pas encore infecté les humains circulent chez certains animaux.

Toutes les instances font les mêmes constats. Pour lutter contre la propagation de l’épidémie, il faut casser les chaînes de transmission, en évitant la transmission aux populations animales au plus tôt. Pour lutter contre l’apparition de mutations dangereuses, il faut réduire la fréquence des infections (humaines et animales[9]. Les recommandations partagées à l’échelle internationale vont dans le même sens : il faut éviter les contacts étroits entre les individus. Cette nouvelle pratique que nous appelons “distanciation sociale” permet de stopper la propagation du virus et donc la pandémie. Mais, le coût de cette pratique s’avère très élevé. Tant au niveau social et économique qu’au niveau psychologique, l’impact du confinement répété pourrait être le plus gros choc planétaire depuis la Seconde Guerre mondiale.

N’en déplaise aux écologistes représentatifs [10] qui entretiennent un flou artistique [11] et aux écologues spécialistes de la question [12] peu décryptés [13], c’est bien de la relation que les humains entretiennent avec les animaux qu’ils convoitent que proviennent la majorité des pandémies. La déforestation[14], l’urbanisation [15], la métropolisation [16], l’industrialisation [17], l’aviation [18], le dérèglement climatique [19], la pollution de l’air [20], la disparition du monde sauvage [21], la perte de la biodiversité [22], sa dégradation [23], ses bouleversements [24] et sa “maltraitance”[25], la destruction de la nature[26], la modification de l’environnement [27], l’impact écologique [28], sa crise [29] et même son supposé déni [12], sont des facteurs plus ou moins aggravants qui découlent de l’activité humaine, mais qui ne sont pas à l’origine même des épidémies. C’est bien la transmission infectieuse de certains animaux à des humains, une “zoonose”, qui en est la cause. Désigner clairement des facteurs impliqués tout en entretenant un flou quant à la cause manifeste un étrange double standard dans le traitement de l’information, qui nuit indiscutablement à la compréhension de l’émergence des zoonoses. Il est tout à fait sidérant qu’on puisse prétendre tirer des leçons, proposer de grandes théories intriquées tout en appelant à une profonde radicalité, en évitant soigneusement l’origine même de ce qui a provoqué la situation désastreuse que nous vivons.

L’approche non anthropocentrée permet d’inclure les autres animaux dans notre sphère de considération en respectant leurs intérêts et donc leur intégrité physique. Elle nous prémunit contre les pratiques identifiées comme particulièrement à risques que sont la chasse, l’élevage et l’exploitation animale en général. Malheureusement, notre système alimentaire reste basé en grande partie sur l’exploitation animale ; notre culture n’est pas animaliste et des traditions à risques pourtant majoritairement rejetées [30] perdurent.

L’action au plus fort potentiel réducteur de risque épidémique

Toute infection zoonotique passe nécessairement par deux étapes [31] qui sont communes à toute émergence de maladie: le contact humain avec l’agent infectieux et la transmission de celui-ci. Les agents pathogènes zoonotiques représentent la source la plus probable de maladies infectieuses émergentes et réémergentes, si bien qu’une étude [32] révèle que les nouveaux agents pathogènes ont deux fois plus de chance d’être d’origine zoonotique que non zoonotique (58% des agents pathogènes humains le sont). En retour, d’après cette autre étude qui date de 2001 [33], 39% des pathogènes humains ont infecté des animaux domestiques, 44% des animaux sauvages et 26% les trois catégories. Globalement, 60% des maladies infectieuses connues [34] et 75% des maladies infectieuses émergentes [35] sont d’origine animale. Elles affectent 2,5 milliards de malades et tuent 2,7 millions d’humains chaque année. Cette menace sérieuse pour l’humanité en fait un des objets de recherche les plus importants aujourd’hui [36]. Pour s’en rendre compte, la grippe espagnole, d’origine aviaire [37], a à elle seule tué plus d’humains que la tristement plus célèbre première guerre mondiale. Cinq siècles plus tôt, la variole et la grippe (issues des animaux domestiques) avaient décimé une grande partie de la population amérindienne.

 

 

L’exploitation des animaux, quelle qu’elle soit, facilite les contacts étroits entre les animaux sauvages et les humains aux origines mêmes de la majorité des zoonoses [38], si bien que parmi les espèces sauvages menacées, celles dont la population a diminué en raison de l’exploitation et de la perte d’habitat ont partagé plus de virus avec l’homme [39]. Les animalistes analysent les zoonoses pour ce qu’elles sont et non pour ce qu’ils voudraient qu’elles soient. Vu qu’ils ne considèrent plus les animaux comme des ressources, ils n’ont pas de point aveugle sur leur utilisation que les comportements encouragés par notre société perpétuent. En respectant l’intégrité des animaux pour eux-mêmes, on évite la plupart des comportements à risques responsables des contaminations humaines. Or cela tombe bien parce qu’aujourd’hui, il existe un courant de pensée philosophique et moral qui inscrit la considération de l’animal pour lui-même à son fondement : l’antispécisme [40]. En nous apprenant que l’espèce n’est pas un critère pertinent de considération morale en soit, il prône la sortie de toute exploitation animale, quelle qu’elle soit. Alors que l’ensemble des actions à risques zoonotiques reconnues par les scientifiques relèvent exclusivement de comportements spécistes, le remède racinaire se révèle être l’antispécisme.

Une étude parue en août dernier [41] corrobore ces analyses et souligne clairement la production de viande comme première responsable des épidémies, soit directement par un contact accru avec les animaux sauvages et d’élevage, soit indirectement par son impact environnemental (avec comme premier facteur aggravant associé [32], le changement de l’utilisation des terres avec 27% des terres dédiées à l’élevage contre 1% pour l’urbanisation et ses infrastructures [42] par exemple). Ces analyses étayent les travaux de Serge Morand, écologue et directeur de recherche au CNRS, qui montrent que les mammifères domestiqués sont les principaux acteurs du réseau de transmission zoonotique et que plus le temps écoulé depuis la domestication est élevé, plus nous partageons d’agents pathogènes. Ces chercheurs font savoir que limiter le risque épidémique ne pourra pas vraiment se faire par l’amélioration des élevages et que seule une réduction de la consommation de viande permettra de limiter ce risque. Pour ce faire, ils avancent des propositions concrètes telles que notamment la mise en œuvre d’une taxe zoonotique [41] qui pourrait se coupler à une taxe carbone ainsi que la promotion des régimes alimentaires basés sur le végétal à travers les recommandations nutritionnelles officielles par des politiques d’information et de conseil à grande échelle. Dans l’immédiat, des études observationnelles et expérimentales solides [43] montrent que le fait de doubler la proportion de repas végétariens proposés dans des cafétérias augmente les ventes de produits végétariens de 41 % à 79 %.

Au-delà de l’antispécisme, il existe bien évidemment des stratégies de réduction de risque épidémiques. Les vaccins et les médicaments permettent de faire face à la crise. Seulement, ces stratégies sont curatives et présentent des limitations. Le fait que les coronavirus aient des taux de mutation de modérés à élevés [44] implique que les vaccins qui ciblent des antigènes qui ne sont pas conservés par la personne infectée ont peu de chance de conserver leur efficacité dans la durée. Cette étude de 2018 [45] précise que des médicaments à large spectre peuvent présenter l’inconvénient de potentiels effets indésirables.Faire ce que propose l’antispécisme, quant à lui, semble être un bon moyen pour réduire drastiquement le risque de manière préventive.

L’intérêt général de l’antispécisme

Dès lors, l’impact dévastateur de la pandémie de COVID-19 nous enjoint de sortir de notre consommation de produits animaux. Une nouvelle étude [46] établit même l’analogie entre manger de la viande et ne pas se vacciner. En effet, se vacciner et ne pas manger de viande répondrait aux trois mêmes impératifs moraux : prévenir les dommages individuels, éviter la complicité dans les dommages collectifs et faire preuve d’équité. Si nous abandonnons collectivement la consommation de viande alors, au même titre qu’une couverture vaccinale qui offre une immunité collective, nous réduisons ainsi drastiquement le risque de maladies infectieuses dans l’intérêt public. A l’instar de la vaccination, ce devoir est pro tanto, c’est-à-dire qu’il est applicable seulement dans une certaine mesure. Si il n’existe pas d’alternative à la viande et que son refus met la vie humaine en danger alors il ne s’applique plus. Dans ce cas, manger de la viande pour survivre impose un risque nécessaire aux autres. Cependant, ceux qui disposent d’options alimentaires riches et variées comme nous pouvons désormais en profiter en occident, ont clairement intérêt, selon un certain principe de précaution, à collectivement éviter toute viande d’où qu’elle vienne. Bien que les épidémies qui ont infecté l’humain jusqu’à présent n’ont pas anéantie l’humanité, la science a documenté des cas où des maladies provoquent l’extinction d’une espèce entière [47].

Si nous ne voulons pas vivre une nouvelle épidémie qui nous obligerait à une nouvelle distanciation sociale en plus des nombreux désagréments pesants au quotidien, nous devons collectivement éviter les comportements les plus à risque que sont l’élevage et la chasse en particulier, l’exploitation animale en général. Seulement, ces comportements sont ancrés dans nos cultures humaines depuis toujours. C’est donc à une évolution majeure de l’espèce humaine que nous appelons [48]. Bien loin des caricatures projetées sur son projet politique par ses détracteurs, l’antispécisme se révèle bien plus pragmatique qu’il n’y paraît. En minimisant au maximum les risques épidémiques il offre un potentiel préventif transformateur choisi à moindre coût plutôt qu’une gestion de crise subie, dramatique et exorbitante. Au-delà de ces aspects, il s’inscrit dans la parfaite continuité de l’augmentation de notre sphère considération pour l’amélioration des conditions de chacun, et bientôt, y compris les animaux.

[1] Britt Glaunsinger, « Coronaviruses 101: Focus on Molecular Virology », Innovative Genomics Institute – IGI, mars 2020

[2] Woo, P. C. et al. (2012). Discovery of seven novel Mammalian and avian coronaviruses in the genus deltacoronavirus supports bat coronaviruses as the gene source of alphacoronavirus and betacoronavirus and avian coronaviruses as the gene source of gammacoronavirus and deltacoronavirus. Journal of virology (IF2019-4.501), citée 938 fois (DOI: 10.1128/JVI.06540-11)

[3] Carroll, D. et al. (2018). The global virome project. Science (IF2019-41.8045), citée 205 fois (DOI: 10.1126/science.aap7463)

[4] Échapper à l’«ère des pandémies»: Les experts mettent en garde contre de pires crises à venir; Options proposées pour réduire les risques. La Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES). 2020

[5] Anthony Detrier, « Ce nouveau coronavirus transmis par les porcs aux humains inquiète les chercheurs », Gentside, octobre 2020

[6] Clémentine Thiberge, « Prévenir les pandémies plutôt que les guérir serait cent fois moins coûteux », Le Monde, octobre 2020

[7] Les coronavirus, Carte d’identité et rôle de l’Anses, L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), mars 2020

[8] Coronavirus, Organisation Mondiale de la Santé (OMS)

[9] SARS-CoV-2 Variants, World Health Organization (WHO), décembre 2020

[10] Olivia Gesbert, « Bruno Latour : « Ce virus est là pour nous préparer à l’épreuve suivante, le nouveau régime climatique » », France Culture, janvier 2021

[11] Dimitri de Boissieu, « Coronavirus : le jour où les animaux se révoltèrent contre les humains… », Reporterre, mars 2020

[12] Un collectif d’écologues, « La prochaine pandémie est prévisible, rompons avec le déni de la crise écologique », Libération, avril 2020

[13] Christian Leveque, « La destruction de la biodiversité a-t-elle engendré le Coronavirus ? », European Scientist, avril 2020

[14] « Les recherches sur les liens entre déforestation et épidémies sont insuffisantes, alertent des scientifiques », Reporterre, mai 2020

[15] Guillaume Faburel, « Pandémie : « L’urbanisation et la métropolisation généralisées sont le creuset de la crise sanitaire » », Marianne, avril 2020

[16] Marie Astier pour un entretien avec Guillaume Faburel, « La métropolisation du monde est une cause de la pandémie », Reporterre, mars 2020

[17] Sonia Shah, « Contre les pandémies, l’écologie », Le Monde diplomatique, mars 2020

[18] « L’aviation a joué un rôle central dans la propagation du coronavirus », Reporterre, mars 2020

[19] Justine Guitton-Boussion, « Le coronavirus, une épidémie favorisée par l’avion et le dérèglement climatique », Reporterre, janvier 2020

[20] Gérald Roux, « Le rôle de la déforestation et de la pollution dans l’épidémie de Covid-19 », franceinfo, mars 2020

[21] Juliette Duquesne pour un entretien avec Serge Morand, « Coronavirus : « La disparition du monde sauvage facilite les épidémies » », Marianne, mars 2020

[22] Laurent Radisson, « Érosion de la biodiversité et pandémies : le pire est à venir », Actu-Environnement, octobre 2020

[23] Perrine Mouterde, « Coronavirus : la dégradation de la biodiversité en question », Le Monde, avril 2020

[24] Martine Valo pour un entretien avec Philippe Grandcolas, « Coronavirus : « L’origine de l’épidémie de Covid-19 est liée aux bouleversements que nous imposons à la biodiversité » », Le Monde, avril 2020

[25] Fabrice Pouliquen pour un entretien avec Philippe Grandcolas, « Coronavirus : « Cette épidémie est la conséquence d’une biodiversité que l’on maltraite », selon Philippe Grandcolas », 20 minutes, avril 2020

[26] John Vidal, « ‘Tip of the iceberg’: is our destruction of nature responsible for Covid-19? », The Guardian, mars 2020

[27] Mathieu Vidard pour un entretien avec Jean-François Guégan, « Coronavirus : En quoi la pandémie actuelle est-elle liée à l’environnement ? », France Inter, mars 2020

[28] Sébastien Billard pour un entretien avec Rodolphe Gozlan, « »Le Covid-19 était inévitable, et même prévisible  » du fait de notre impact écologique », L’Obs, mars 2020

[29] Christelle Guibert pour un entretien avec Laurence Tubiana, « Le coronavirus est lié à la crise écologique, à nos modes de vie », Ouest France, mars 2020

[30] Ifop pour Caniprof, « Référendum sur la protection animale : Les Français soutiennent les animaux », Ifop, juillet 2020

[31] Childs, J. E. et al. (2007). Introduction: conceptualizing and partitioning the emergence process of zoonotic viruses from wildlife to humans. Wildlife and emerging zoonotic diseases: The biology, circumstances and consequences of cross-species transmission ; Citée 54 fois (DOI : 10.1007/978-3-540-70962-6_1)

[32] Woolhouse, M. E., & Gowtage-Sequeria, S. (2005). Host range and emerging and reemerging pathogens. Emerging infectious diseases (IF2019-6.259), citée 1282 fois (DOI: 10.3201/eid1112.050997)

[33] Cleaveland, S., Laurenson, M. K., & Taylor, L. H. (2001). Diseases of humans and their domestic mammals: pathogen characteristics, host range and the risk of emergence. Philosophical Transactions of the Royal Society of London. Series B: Biological Sciences (SJR2019-3.051), citée 1067 fois (DOI : 10.1098/rstb.2001.0889)

[34] Salyer, S. J. et al. (2017). Prioritizing zoonoses for global health capacity building—themes from One Health zoonotic disease workshops in 7 countries, 2014–2016. Emerging infectious diseases (IF2019-6.259), citée 54 fois (DOI: 10.3201/eid2313.170418)

[35] Kurpiers, L. A. et al. (2016). Bushmeat and emerging infectious diseases: lessons from Africa. In Problematic wildlife (pp. 507-551). Springer, citée 32 fois (DOI : 10.1007/978-3-319-22246-2_24)

[36] World Health Organization, Pandemic Influenza Preparedness and Response, A WHO guidance document, 2009

[37] Hoag, H. Study revives bird origin for 1918 flu pandemic. Nature News. (DOI : 10.1038/nature.2014.14723)

[38] Jones, B. A. et al. (2013). Zoonosis emergence linked to agricultural intensification and environmental change. Proceedings of the National Academy of Sciences (IF2019-9.412), citée 487 fois (DOI : 10.1073/pnas.1208059110)

[39] Johnson, C. K. et al. (2020). Global shifts in mammalian population trends reveal key predictors of virus spillover risk. Proceedings of the Royal Society B (IF2020-4.304), citée 150 fois (DOI : 10.1098/rspb.2019.2736)

[40] Thomas Lepeltier, Yves Bonnardel et Pierre Sigler, « L’antispécisme est un projet politique réaliste », L’Amorce, 2018

[41] Espinosa, R., Tago, D., & Treich, N. (2020). Infectious diseases and meat production. Environmental and Resource Economics (IF2019-5.167), citée 8 fois (DOI : 10.1007/s10640-020-00484-3)

[42] Ritchie, H., & Roser, M. (2013). Land use. Our World in Data. Citée 21 fois

[43] Garnett, E. E. et al. (2019). Impact of increasing vegetarian availability on meal selection and sales in cafeterias. Proceedings of the National Academy of Sciences (IF2019-9.412), citée 40 fois (DOI : 10.1073/pnas.1907207116)

[44] van Dorp, L. et al. (2020). Emergence of genomic diversity and recurrent mutations in SARS-CoV-2. Infection, Genetics and Evolution (IF2018-2.611), citée 303 fois (DOI : 10.1016/j.meegid.2020.104351)

[45] Totura, A. L., & Bavari, S. (2019). Broad-spectrum coronavirus antiviral drug discovery. Expert opinion on drug discovery (IF2016-3.846) citée 104 fois (DOI : 10.1080/17460441.2019.1581171)

[46] Jones, B. (2020). Eating meat and not vaccinating: In defense of the analogy. Bioethics (IF2018-1.66) (DOI : 10.1111/bioe.12834)

[47] Dodds, W. (2019). Disease now and potential future pandemics. In The World’s Worst Problems (pp. 31-44). Springer, Cham, citée 8 fois (DOI : 10.1007/978-3-030-30410-2_4)

[48] David Olivier : « L’animalisme nous mène à un progrès civilisationnel majeur », Le Monde, 2019

Vite, la nouvelle transition alimentaire !

Les produits transformés végétaux au secours de nos carences alimentaires, environnementales et éthiques.

Temps de lecture estimé : 40 min

Message

Points clefs

Résumé

Des a priori pernicieux entretenus

Les produits transformés sont notre pain quotidien

Les produits ultra-transformés sont d’abord d’origine animale

Les produits transformés végétaux contre le changement climatique

Nous avons déjà connu une transition alimentaire !

La sortie de secours des éleveurs

Au-delà des postures et contre le statuquo

Message

          Au-delà des préjugés sur les aliments transformés, nous proposons de prioriser les produits végétaux qui, s’ils sont transformés, représentent notre meilleur espoir pour la nécessaire nouvelle transition alimentaire.

Points clefs

  1. Depuis le XX siècle, les pays industrialisés connaissent une transition alimentaire vers une diète riche en sucre, en gras et en produits animaux, au détriment des féculents. Dense énergétiquement, elle est toutefois source de maladies dites de “civilisation” (obésité, diabète, cancer, maladies cardio-vasculaires).
  1. La consommation excessive de produits ultra-transformés est liée à des risques de mortalité accrus. Malheureusement, les consommateurs n’ont pas une vision claire des classifications alimentaires, notamment sur la distinction entre produits transformés et ultra-transformés, car elle est complexe et la communication médiatique confuse.
  1. L’additif à risque le plus présent dans les produits ultra-transformés est le nitrite de sodium, un conservateur très utilisé dans les viandes transformées, diverses charcuteries locales et traditionnelles.
  1. Les produits végétariens ou véganes sont moins ultra-transformés que les produits animaux, et présentent donc un moindre risque pour la santé.
  1. Une transition alimentaire vers plus de végétaux réduirait massivement les populations d’animaux domestiques, sources des zoonoses et de pandémies comme le coronavirus.
  1. Par rapport aux produits végétaux, les productions animales sont inefficaces, en particulier au niveau de leur empreinte carbone, de la pollution en azote (par ex. algues vertes) et en quantité de terres agricoles occupées. La réduction drastique de leur consommation est une opportunité majeure par rapport aux accords de Paris sur le climat.

Résumé

          Notre évolution nous a profondément ancrée dans une logique transformative de nos aliments et ce, au moins depuis leur cuisson. Les aliments transformés assurent une diversification alimentaire bénéfique en rendant comestible des produits autrement impropres à la consommation, ou en rendant accessible des aliments denses et généralement riches en macronutriments et en énergie. De manière hypocrite, un discours contre les produits transformés se développe malgré la banalisation de leur usage. Ce rapport, en s’appuyant sur des sources scientifiques récentes, tente de dissiper les malentendus autour des produits transformés en général. En premier lieu, nous montrons qu’il existe une confusion dommageable entre produits transformés et ultra-transformés, ainsi qu’un manque de discernement sur la qualité nutritionnelle des aliments. En second lieu, nous défendons les produits végétaux transformés qui constituent un levier majeur pour favoriser la prochaine transition alimentaire vers le végétal. Nous montrons en particulier qu’ils peuvent nourrir intelligemment, prévenir la carence en fibre dont nous souffrons, réduire drastiquement l’impact environnemental de notre alimentation et sortir les éleveurs de l’endettement à travers des plans de reconversion prometteurs. Bien qu’une certaine précaution envers de nouveaux produits soit compréhensible, le flou irrationnel entretenu autour des produits transformés est un frein à l’émergence de la nécessaire nouvelle transition alimentaire. Gageons que ce rapport participera à le lever.

Des a priori pernicieux entretenus

          Les produits transformés sont décriés. Ils sont pointés du doigt car ils seraient trop dangereux pour la santé du fait de leur nombreux défauts : de mauvaise qualité, ils comporteraient trop d’éléments chimiques et seraient nutritionnellement déséquilibrés.

Mais que sont des produits transformés ? Une transformation consiste d’abord à modifier la forme d’un produit à visée alimentaire. De base, soit le produit est d’origine animale, soit d’origine végétale. Artisanalement ou industriellement, la méthode diffère suivant l’échelle de production. La transformation de ce produit le fera devenir un aliment préparé pour le rendre comestible ou plus recherché par le consommateur. Le but étant de fabriquer des produits durables pouvant être utilisés pour préparer des plats, des repas variés et agréables, de modifier ou d’améliorer les qualités sensorielles et nutritionnelles des aliments[1].

Des classifications de produits existent afin de répartir les aliments en plusieurs groupes suivant un certain degré de transformation d’une part et selon leurs qualités nutritionnelles d’autre part. Les principales sont Nova, Siga et le Nutri-score. Nova propose 4 groupes d’aliments : le groupe 1 qui sont les aliments non transformés ou transformés minimalement, le 2 pour les ingrédients culinaires transformés, le 3 pour les aliments transformés et le 4 pour les produits alimentaires et boissons ultra-transformés. Siga détaille le degré de transformation de Nova. Elle évalue les risques des ingrédients et des additifs sur la base d’avis émis par les instance reconnues (OMS, EFSA, ANSES) tout en y ajoutant des seuils nutritionnels fixés par la FSA (Food Standard Agency, UK) en cas d’ajout de gras, sucres ou sel dans l’aliment.  Enfin, le Nutri-score lui, prend en compte, pour 100g de produit, la teneur en nutriments et aliments à favoriser (fibres, protéines, fruits et légumes) ainsi qu’en nutriments à limiter (énergie, acides gras saturés, sucres et sel).

Malheureusement, le consommateur lambda n’a pas une vision claire de l’appartenance des produits alimentaires aux différentes classifications qui sont pourtant établies pour le renseigner. On ne saurait lui en vouloir au vu du traitement de l’information bien trop confus qui en est fait.

Face à ce manque d’information, la classification des aliments sur une échelle de “naturalité” prend souvent le pas. L’idée selon laquelle ce qui est “plus naturel” est forcément meilleur (majoritaire chez les consommateurs  écologistes) est fausse. De fait, une alimentation perçue comme naturelle n’est pas forcément meilleure pour la santé ni pour l’environnement qu’une alimentation à base de produits transformés végétaux, qui peut être perçue comme industrielle et donc artificielle.

Les produits transformés sont notre pain quotidien

          Tout d’abord, il convient de dire que quasiment la totalité des aliments que nous consommons est transformée d’une manière ou d’une autre. Par exemple, l’huile, le beurre, le fromage, la soupe, les bouillons, les salades, le pain, les conserves, les boissons et les desserts sont des aliments obtenus par des procédés qui comprennent le pressage, le raffinage, le broyage, la meunerie, le séchage, diverses méthodes de conservation, de cuisson et de fermentation non alcoolique.

          Par ailleurs, nous transformons nous-même nos aliments à travers des préparations culinaires qu’on élabore régulièrement à partir d’ingrédients et d’aliments bien souvent eux-mêmes transformés. Pour autant, cette condition, n’en justifie a priori pas notre méfiance, au contraire même, bien souvent, plus il y a d’ingrédients, plus c’est appétissant ! Tout dépend des produits utilisés, s’ils sont très gras, sucrés ou salés. Évidemment si ces aliments ne sont pas préparés à partir de produits bruts il faut s’assurer de la non-nocivité chronique des ingrédients modifiées ou non, qu’ils peuvent éventuellement contenir. S’ils sont pauvres en fibres, riches en calories, en graisses saturées et en glucides raffinés, alors, il est avéré que pour une alimentation saine, il faut en limiter leur consommation.

          La cuisson par exemple, est un moyen de transformation des aliments qui a eu pour effet d’augmenter très fortement la qualité nutritionnelle des aliments puisque la quantité d’énergie absorbée pour un même volume de nourriture est plus grande. Cette amélioration nous a permis de réduire l’énergie allouée à notre système digestif à la faveur du développement de notre cerveau[2]. En jouant un rôle de prédigestion, le feu nous a permis de manger plus de viande en en facilitant sa digestion, et de diversifier notre alimentation, en rendant comestible certains tubercules par exemple. Elle a également complexifié notre nourriture en faisant émerger le concept même de cuisine[3].

          De manière générale, les régimes restreints aux aliments non-transformés sont moins diversifiés et moins sûrs. Se passant de diverses méthodes de conservation inoffensives et de procédés capables d’améliorer la qualité nutritionnelle (la fermentation non alcoolisée par exemple), ils comportent moins d’aliments disponibles qui sont également moins biodisponibles. Plus pauvres, les régimes moins-transformés sont donc moins diversifiés et moins sûrs. Les cuisines traditionnelles et établies partout dans le monde sont basées sur des plats et des repas préparés à partir d’ingrédients non transformés et peu transformés mais aussi d’aliments transformés[4].

          Régulièrement, des expériences illustrent très bien ces informations. Par la volonté de réduire leur consommation de produits animaux (le plus souvent la viande), certaines personnes en viennent à ressentir un manque d’énergie et le besoin d’augmenter leur rations par repas pouvant aller jusqu’à littéralement avoir l’impression de se gaver. En réalité, c’est attendu ! Le fait de remplacer des aliments riches et denses uniquement par des aliments bruts, donc nécessairement moins denses et plus pauvres en protéines notamment, à toutes les chances de ne pas satisfaire. Bien souvent, dans le milieu écologiste, un raisonnement bien intentionné mais fallacieux, connu sous le nom d’appel à la nature est à l’origine d’un a priori empêchant concrètement le remplacement des produits transformés animaux par des produits transformés végétaux (le critère de naturalité n’étant pas pertinent en soi, une alimentation perçue comme non naturelle peut s’avérer meilleure pour la santé et l’environnement[5]). Les premiers bénéficient d’un a priori accoutumé alors que les seconds souffrent d’une défiance conventionnelle. A l’image d’une émission du service public qui prétend informer de la qualité nutritionnelle de ces derniers, alors même que les produits présentés à un nutritionniste sont classés A au Nutri-score, apparemment, ils ne mériteraient pas leur place dans notre alimentation quotidienne[6]. Dommage, parce que leur niveau en fibre par exemple en font des alliés précieux, et aujourd’hui, il existe une offre de produits végétaux transformés déjà complète mieux notée et donc nutritionnellement plus équilibrée que leur homologues animaux.

Leurs formes ne sont pas d’origines !

          Si des produits animaux se vendent sous certaines formes, comme le jambon par exemple, c’est bien pour un aspect pratique, il ne pousse pas à l’état sauvage en tranches ! De l’aspirine au réfrigérateur en passant par les lunettes de vue, reconnaissons qu’une bonne partie de notre vie est la preuve même que les processus naturels fonctionnent souvent à notre détriment. Alors, pourquoi devrions-nous croire qu’une forme naturelle ou de base serait nécessairement meilleure ? Nous observons quotidiennement l’inverse et l’alimentation n’y déroge pas. Notre vie dépend en fait de notre capacité à défier ces processus naturels qui pourtant, bénéficient constamment de notre confiance. Une position plus rationnelle serait plutôt de les tenir à distance[7].

Produits transformés végétaux

Les processus de transformation complexifient la chaine d’approvisionnement !

          Si la longueur de la chaîne de transformation est un critère retenu pour privilégier certains produits à d’autres, alors, les produits végétaux l’emportent sur leurs homologues animaux car ces derniers dépendent des premiers et non réciproquement. Rappelons ici que le niveau trophique de base est celui des autotrophes (les végétaux), capables de produire de la matière organique à partir de l’énergie solaire, l’eau et les minéraux. Les hétérotrophes (les animaux) tirent leur énergie à partir de la matière organique. Et oui, avant d’être transformé en aliment, un animal est sélectionné, reproduit, élevé, nourri par des végétaux qui ont poussés, soigné, transporté, tué, dépecé, préparé, conditionné, emballé et livré. De plus, les restrictions sanitaires sont plus strictes, la chaîne du froid est incontournable, les dates de péremptions majoritairement plus courtes, etc. Bref, mêmes transformés, la simplicité est plus du côté des produits végétaux.

La manipulation génétique végétale pose question !

          Rapidement, si la sélection génétique est un critère important pour le choix de son alimentation, les produits animaux se révèlent particulièrement à la pointe du sujet. Le poulet « bien de chez nous » mangé par la plupart, sans l’a priori réservé aux produits véganes (l’habituelle moue si dédaignante), est pourtant présenté dans cet article de Science et avenir par exemple[8], tout simplement comme un mutant à votre table. Par ailleurs, rappelons que la sélection génétique, empirique puis scientifique, a tout simplement permis d’obtenir les aliments que nous connaissons aujourd’hui et d’améliorer considérablement les rendements. Nous avons ardemment pratiqué la sélection artificielle, et ce, depuis les débuts de l’agriculture et l’élevage, il y a 10 000 ans.

De manière générale, imaginons un instant notre alimentation sans les produits transformés. Le pain, la confiture, le lait végétal, le tofu, le seitan, et tous ces aliments riches et travaillés pour être rendus comestibles en sont les premiers d’une longue série qui nous permettent de nous nourrir au quotidien. Moins viables, les régimes alimentaires exclusivement basés sur des produits non-transformés ou brut,  ne sont pas souhaitables, indépendamment de la réactance (parfois légitime) apparue, face à l’opacité de certaines filières industrielles si décriées dans les réseaux écologistes. La critique des aliments transformés est contre-productive car elle ne les considère pas pour ce qu’ils sont, des produits transformés, mais pour ce qu’ils ne sont pas, des produits ultra-transformés.

Les produits ultra-transformés sont d’abord d’origine animale

          Dans une étude de cohorte portant sur 44551 adultes français de 45 ans et plus, une augmentation de 10% de la proportion de consommation d’aliments ultra-transformés était statistiquement significativement associée à un risque de 14% plus élevé de mortalité toutes causes confondues[9]. Bien que d’autres recherches prospectives soient nécessaires pour confirmer ces résultats, l’augmentation de la consommation d’aliments ultra transformés semble être associée à un risque de mortalité global plus élevé. Mais qu’est-ce que l’ultra transformation ?

     Voici quelques processus de fabrication d’aliments ultra-transformés : le fractionnement des aliments entiers en substances, les modifications chimiques de ces dernières, leur assemblage non modifiées et modifiées, l’utilisation fréquente d’additifs et d’emballages sophistiqués. Ils permettent de créer des produits hautement rentables (faible coût des ingrédients, longue durée de conservation), pratiques (prêts à consommer) et hyper-appétissants.

Un moyen pratique d’identifier un produit ultra-transformé consiste à vérifier si sa liste d’ingrédients contient des substances alimentaires jamais ou rarement utilisées dans les cuisines (sirop de maïs à haute teneur en fructose, huiles hydrogénées, protéines hydrolysées), ou des classes d’additifs conçus pour rendre le produit final agréable au goût ou plus attrayant (comme les arômes, les exhausteurs de goût, les colorants, les émulsifiants, les sels émulsifiants, les édulcorants, les épaississants et agents antimoussants, gonflants, carbonatants, moussants, gélifiants et glacis)4.

          Une étude a montré que la majorité des consommateurs sait reconnaître les aliments ultra-transformés qui correspondent à ceux de la classification Nova. En les décrivant comme des produits hautement transformés à faible qualité nutritionnelle, contenant généralement des additifs et autres ingrédients artificiels ils les considèrent malsains, majoritairement à juste titre. Cependant, bien qu’ils classent les viandes transformées, boissons gazeuses, collations, hamburgers, soupes et nouilles en poudre et emballées en accord avec le système de classification, certains participants perçoivent des aliments transformés, des ingrédients culinaires et même certains aliments peu transformés comme étant ultra-transformés. Les chercheurs préconisent donc une définition claire des aliments ultra transformés dans les campagnes éducatives visant à modifier les habitudes alimentaires des consommateurs, en réduisant la substitution des repas à base d’aliments transformés ou non par les aliments ultra transformés[10].

          Dans une nouvelle étude[11] de janvier 2020, la classification Siga a été utilisée pour caractériser 24 932 aliments emballés dans les supermarchés français (aliments pour bébés et alcool exclus), qui étaient représentatifs des assortiments d’aliments emballés. Les deux tiers étaient ultra-transformés. Les produits avec plus d’un marqueur d’ultra transformation correspondaient à la catégorie la plus représentée, 54% des produits. Parmi les aliments contenant plus de cinq ingrédients, 75% étaient des produits ultra-transformés.

Parmi les catégories d’aliments qui contiennent un pourcentage élevé de produits ultra-transformés (cf. graphe C0.1+C0.2+C1): les viandes salées à 94%, les plats cuisinés à 95%, les plats et les yaourts aromatisés et fromages blancs à 95%, les barres énergétiques et gastronomiques à 81%, les céréales pour le petit-déjeuner à 80% et les plats végétariens à 87%. Voici le détail sous forme de graphique :

La classification holistico-réductionniste Siga selon le degré de transformation des aliments : une évaluation des aliments ultra-traités dans les supermarchés français

Pourcentage de denrées alimentaires en fonction du degré de transformation selon la classification Siga pour six catégories. A0: non transformés, A1: peu transformés, A2: ingrédients culinaires peu transformés, B1: transformés équilibrés nutritionnellement, B2: transformés à teneur élevée en sel, sucre et / ou matières grasses, C0.1: ultra-transformés équilibrés nutritionnellement C0.2: ultra-transformés à teneur élevé en sel, sucre et / ou matières grasses, C1: ultra-transformés à plusieurs marqueurs d’ultra-transformation et/ou d’un additif à risque.

Déjà, nous pouvons constater que dans ces catégories d’aliments, les plats végétariens sont ceux qui obtiennent le pourcentage le plus faible en C1, catégorie pour laquelle, la présence de plusieurs marqueurs d’ultra transformation et/ou d’un additif présentant un problème de sécurité est relevée. Par ailleurs, les sous-catégories C0.1 et C0.2 ne contiennent qu’un seul marqueur d’ultra-transformation (non évalué comme étant à risque), la différence étant que la première est équilibrée nutritionnellement alors que la deuxième contient un niveau de sel, de sucre, et/ou de graisse trop élevée. Remarquons que près d’un quart (25%) des plats végétariens ultra-transformés sont classés dans la catégorie nutritionnellement équilibrée largement au-dessus des autres catégories d’aliments. Dans la catégorie des produits transformés équilibrés nutritionnellement, c’est près de 12% des plats végétariens qui y sont classés. Tout se passe comme si, plus il y a de produits animaux dans les produits ultra-transformés, plus le pourcentage dans la catégorie à risque est élevé. Et oui, bien que les yaourts aromatisés et fromages blancs ne semblent a priori pas décriés par les consommateurs, ce sont des produits animaux ultra-transformés qui sont classés à 78% dans la catégorie à risque C1 contre 59% pour les plats végétariens. Les plats cuisinés sont des produits ultra-transformés d’origine animale, classés à 88% dans cette catégorie.

          L’additif à risque le plus représenté est le nitrite de sodium (E250, ≈5%). Or, c’est un conservateur très employé dans les viandes transformées non traitées et traitées thermiquement, diverses charcuteries locales et traditionnelles. Classé comme cancérogène probable, d’après l’Institut National du Cancer, il augmenterait le risque de cancer colorectal de 18% en moyenne par portion de 50g de charcuterie supplémentaire par jour[12] dont il faudrait limiter la consommation à 25g par jour d’après l’ANSES. Ça équivaudrait à une grosse tranche de jambon blanc par jour au-delà de laquelle l’augmentation du risque est statistiquement significative[13]. D’après l’Autorité européenne de sécurité alimentaire (EFSA), bien que les niveaux d’utilisation autorisés soient censés être suffisamment protecteurs, si toutes les sources alimentaires de nitrites sont considérées, la dose journalière admissible peut être dépassée pour toutes les catégories de population en suivant une alimentation conventionnelle. Rappelons tout de même que le cancer colorectal, dont on connaît le risque accru par l’excès de nitrites, est la deuxième cause de décès par cancer en France[14].

          Cependant, n’oublions pas que la transformation est souhaitable ! Elle permet de produire des aliments comestibles, savoureux et sains. C’est l’ultra-transformation qui ne l’est pas forcément. Elle produit globalement des aliments malsains, sauf à des fins nutritionnelles spéciales, conçu pour les sportifs, les personnes malades, certaines personnes âgées ou tout simplement pour certaines occasions avec des aliments pratiques par manque de temps ou pour des évènements conviviaux par gourmandise. Nous devrions sans doute garder à l’esprit que c’est la dose qui fait le poison. Cette catégorie d’aliment peut tout à fait répondre à des attentes légitimes mais elle ne doit pas constituer le socle de l’alimentation quotidienne.

      Le fractionnement aussi appelé craquage des aliments complexes, puis le réassemblage des nutriments et des ingrédients relève d’une approche réductionniste qui semble avoir montré ses limites. Les études scientifiques semblent majoritairement soutenir une approche holistique intégrant la règle des 3V (Végétal, Vrai, Varié)[15]. En premier lieu, elles préconisent de penser de l’holisme au réductionnisme (du global au local ou des macronutriments aux micronutriments par exemple). Inclure les caractéristiques de la structure physique de la matrice de l’aliment permet de lutter efficacement contre le développement croissant des maladies chroniques. Il y a la nécessité d’une nutrition préventive primaire plus ciblée, par opposition à la nutrition curative très répandue qui découle de régimes alimentaires malsains. Par ailleurs, les fibres, vitamines, minéraux, oligo-éléments et antioxydants sont les éléments nutritionnels bioactifs qui constituent la première ligne de prévention contre le développement de maladies chroniques multifactorielles11. Aussi, nous avons vu que le réductionnisme n’était pas inutile. Cependant, il doit s’inscrire dans le cadre de questions scientifiques holistiques. L’avenir des recherches sur la transformation et la nutrition devraient être portée sur l’effet de la transformation minimale et les aliments d’origine végétale sur la santé des personnes en condition réelle[16].

          Suite à la précédente transition alimentaire, l’augmentation constante de la part des produits animaux dans nos rations a favorisé de manière spectaculaire les épidémies d’obésité, de diabète de type 2 et de maladies cardiovasculaires au point que ces maladies chroniques sont aujourd’hui plus importantes dans certains pays en développement que les maladies infectieuses[17] à 60% d’origine animale, responsables déjà de 2,5 milliards de malades dans le monde et 43,7% des décès dans ces mêmes pays[18] ! A contrario, tous les régimes basés sur des calories d’origine végétale minimalement transformées sont sains et protecteurs.

          Revendiquons des moyens techniques de transformation (par exemple low-tech !) perfectionnés pour favoriser la qualité nutritionnelle grâce à la préfermentation, le trempage, la germination, mais également l’utilisation des ultraviolets-C[19], d’atmosphères modifiées[20], de chocs thermiques et de traitements à l’ozone. Bien que certains processus traditionnels de traitement constituent de réelles solutions d’avenir, aucun retour en arrière ne sera à même de répondre aux exigences sanitaires de notre temps.

          Pour résumer, la nouvelle transition alimentaire doit nous orienter vers les produits végétaux transformés plutôt que vers les produits animaux ultra-transformés. Ça tombe bien, il est désormais possible d’avoir accès à une gamme croissante de produits végétaux variés dans les supermarchés du monde entier. En pointant délibérément du doigt les produits transformés végétaux, les « écologistes traditionnalistes » s’opposent activement à cette nouvelle transition alimentaire dont on connait de plus en plus l’impérieuse nécessité, tant du point de vue sanitaire qu’environnemental et éthique.

Les produits transformés végétaux contre le changement climatique

       Un article scientifique titré « Ruminants, changement climatique et politique climatique »[21] a été publié en 2014 dans la prestigieuse revue Nature Climate Change. Il analyse les niveaux d’émissions de gaz à effet de serre des aliments riches en protéines à partir d’analyses de cycle de vie complètes qui comprennent les effets environnementaux directs et indirects de la ferme à la fourchette (fermentation entérique, fumier, aliments pour animaux, engrais, transformation, transport et changement d’affectation des terres). L’empreinte équivalent carbone due à la consommation de viande de ruminants est en moyenne de 19 à 48 fois supérieure à celle des aliments riches en protéines obtenues à partir des végétaux. Pour ce qui est des viandes qui ne proviennent pas de ruminants (porc, volaille, pêcheries), l’empreinte équivalent carbone reste en moyenne de 3 à 10 fois plus élevée que les aliments végétaux riches en protéines (simili-carnés et légumineuses). Pour cette catégorie, les auteurs précisent qu’elle mobilise des aliments qu’on pourrait consommer plus efficacement directement. De la ferme à l’assiette, la phase d’exploitation est la plus importante du cycle de vie avec la production d’aliments pour les animaux et l’élevage qui sont de loin les principaux contributeurs aux impacts environnementaux.

Empreinte carbone équivalente moyenne des aliments solides riches en protéines par kg de produit à partir d'une méta-analyse mondiale d’études de cycle de vie.

Ces chiffres peuvent être revus à la baisse étant donné la moins bonne digestibilité des protéines végétales comparées aux protéines animales[22]. De ce fait, les auteurs qui se basent sur une méta-analyse d’ampleur[23] précisent qu’un régime végétarien nécessite un apport en protéines de 20% supérieur et de 30% pour un végétalien suivant le Conseil de la santé des Pays-Bas (2001). Or, le régime occidental moderne contient beaucoup plus de protéines que nécessaire[24] et en France, à 0,8g de protéine par kilogramme, en moyenne, nous en consommons 2 fois trop pour un homme de 70kg et 2,5 fois trop pour une femme de 55kg[25]. Malgré cette correction, les ordres de grandeurs restent les mêmes.

          De plus, en considérant cette digestibilité, la plus grande différence observée  réside dans le passage de la masse de produit comme unité fonctionnelle (ici utilisée sur l’infographie) à la masse de protéine[26]. Si bien que Joseph Poore et Thomas Nemecek confirment ces rapports[27], par la plus grande méta-analyse réalisée sur le sujet qui regroupe 1530 études couvrant ainsi 38 700 exploitations dans 119 pays et 40 produits qui représentent 90% de la consommation mondiale de protéines et de calories.

          Remarquons également que nous ne consommons pas des protéines directement mais bien l’aliment qui en contient, ceci servant uniquement de référentiel. En comparaison au tofu qui a le plus haut taux d’émissions des produits végétaux ici considérés, les rapports sont :

  • 2,1 pour les œufs
  • 85 pour le poulet
  • 3 pour le poisson
  • 8 pour le porc
  • 5 pour le fromage
  • 10 pour le mouton
  • et 25 pour le bœuf

        L’action au potentiel réducteur la plus importante est toujours le remplacement des produits animaux par les produits végétaux, indépendamment des systèmes agricoles et des méthodes spécifiques, du transport ou encore des emballages. Le constat est sans appel : les émissions de la plupart des produits végétaux est de 10 à 50 fois plus faible que la plupart des produits animaux[28].

        De manière générale, la production de 1 kg de viande désossée nécessite en moyenne 2,8 kg d’aliments comestibles par l’homme dans les systèmes de ruminants et 3,2 kg dans les systèmes monogastriques[29]. Tant d’un point de vu énergétique que protéinique (favorable à l’élevage), l’exploitation animale est largement déperditive et consommatrice nette de ressources. Bien qu’elle est contributive nette en protéines dans 18,67% des cas et que donc on peut dire qu’elle participe à la sécurité alimentaire seulement à cette hauteur, elle est consommatrice nette de protéines à hauteur de 81,33% : 

L'élevage est consommateur net de protéines

          L’élevage est donc d’abord une fuite de ressources, même dans le cas des protéines qui lui est plus favorable. Pour rappel, les êtres vivants sont des systèmes dissipatifs ouverts qui perdent leur énergie principalement par la chaleur qu’ils émettent constamment. Alors même que l’étude souligne le fait que la majorité de l’alimentation animale n’est pas consommable par l’humain, l’efficience nette de conversion[30], le ratio des sortants sur les intrants qui ne considère que la partie consommable, nous apprend que l’élevage est consommateur net avec 62% de pertes. Remarquons que plus de 99% des contributeurs nets identifiés sont en fait les ruminants responsables de la majorité des émissions de gaz à effet de serre (65% d’après l’institut de l’élevage mais 80% d’après cette étude scientifique de référence[31]). Bien que l’élevage soit capable de valoriser des ressources impropres à la consommation humaine, il ne participe que marginalement à la sécurité alimentaire (pâturage en zone non arable par exemple). Si d’un point de vue énergétique l’élevage est clairement inefficient en contribuant uniquement à 18% des calories à l’échelle mondiale, il l’est moins d’un point de vue des apports en protéines car il y couvrirait 37% des protéines mondiales[32].

          Éthiquement, pour tuer moins d’individus, il est préférable de manger des bovins plutôt que des poules ou des poissons, alors que d’un point de vue environnemental ce serait l’inverse. Cela-dit, pour la sécurité sanitaire générale, la crise du coronavirus provoquée par une nouvelle zoonose, nous incite au maximum à réduire les populations d’animaux domestiques en cessant leur reproduction et en reconsidérant nos interactions avec ceux qu’il faut bien désormais appeler nos cohabitants.

          Précisons que dans l’écrasante majorité des études scientifiques, il est toujours question d’optimisation de l’élevage, de sa réduction et l’amélioration de sa gestion. Malheureusement, il est rarement question d’éventuelles optimisations de valorisation des protéines végétales directement destinées à l’alimentation humaine. L’infographie suivante est directement inspirée du tableau Figure SPM.3 « Potential global contribution of response options to mitigation, adaptation, combating desertification and land degradation, and enhancing food security. » p. 28 du rapport spécial du GIEC (Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat) à destination des décideurs politiques[33] :

Estimation du potentiel d’atténuation du changement climatique et de dégradation des sols de l’amélioration de l’élevage et du changement de régime alimentaire

Nous voyons que la mesure d’amélioration de la gestion de l’élevage est notée sur les 3 premiers critères avec un impact modéré et sur les 2 suivants avec un impact fort. Cependant, le niveau d’indice de confiance accordé à ces potentiels sont jugés moyen pour le premier et faible pour les 4 autres. De plus, on peut souligner que c’est la seule mesure à atteindre l’indice maximal du coût envisagé (cf. rapport pour plus de détails). Donc, en somme, l’amélioration des techniques de gestion de l’élevage sont des mesures chères et peu fiables dans la lutte contre des problèmes environnementaux sans précédents.

Par ailleurs, le changement de régime alimentaire est la seule mesure à atteindre 3 hauts niveaux de confiance qui plus est sur 3 potentiels d’impacts forts ! Une information dont The Shift Project, association d’intérêt général qui milite pourtant pour la décarbonation volontaire de l’économie, ne fait pas mention dans son rapport d’urgence intitulé « Crise(s), climat : plan de transformation de l’économie française » de mai 2020[34]. Ce n’est pas comme si c’était le GIEC, qui examine et synthétise ce qui est publié dans la littérature scientifique sur la question de l’influence de l’homme sur le climat, était l’institut dont Jean-Marc Jancovici lui-même affirme l’impérieuse nécessité à faire confiance[35]! De s’y référer donc. Quand on parlait du point aveugle des experts climatiques[36]

          Ajoutons ici que, comme le précise George Monbiot[37], l’éditorialiste écologiste engagé sur ces questions au Guardian, l’analyse du GIEC pose problème. Le fait est, qu’elle se concentre uniquement sur les émissions de gaz à effet de serre produites chaque année par l’agriculture dans son ensemble. Elles seraient de l’ordre de 23% (point A3. p.7 du rapport spécial pour les décideurs), soit quasiment un quart de nos émissions anthropiques totales. Bien que ce chiffre soit énorme, il n’est pas représentatif de l’impact global de la production alimentaire. Il décrit cette approche comme le compte courant de l’agriculture. Elle comptabilise la quantité de gaz à effet de serre émise chaque année par en gros l’élevage, les épandages, les bâtiments et les machines agricoles. Or une deuxième approche consiste à considérer les potentialités qui découlent des mesures entreprises. Il l’appelle  « le compte de capital ». Celui-ci prend en compte le changement d’affectation des sols : le fait que des écosystèmes naturels soient transformés en terres arables. Cette approche considère donc le carbone qui serait stocké si ces terres n’avaient pas été exploitées par l’agriculture ou si elles étaient « libérées ». Ça s’appelle : le coût d’opportunité carbone. Des chercheurs ont publié un article[38] dans la prestigieuse revue Nature à ce propos et ils précisent :

Nous constatons que ces choix peuvent avoir des implications beaucoup plus importantes pour le climat qu’on ne le pensait auparavant, car les méthodes standard d’évaluation des effets de l’utilisation des terres sur les émissions de gaz à effet de serre sous-estiment systématiquement la possibilité qu’ont les terres de stocker du carbone si elles ne sont pas utilisées pour l’agriculture.

          Pour s’en rendre compte, l’utilisation des sols par l’élevage s’élève à 40 millions de km² (pâturages et champs), soit 4 fois plus que les cultures dédiées à l’alimentation végétale et 26 fois plus que l’ensemble des zones construites et des routes. Ça représente 77% des terres arables (surfaces agricoles cultivables), soit 27% des terres émergées de la planète[39]. C’est le plus gros accaparement des sols par secteur et de loin. En comparaison, les zones construites et les infrastructures représentent 1% de l’utilisation des terres émergées ! Ce qui fait que les chercheurs estiment que pour obtenir un seul kilogramme de protéines de bœuf, on a perdu l’opportunité de stocker dans les sols l’équivalent de 1 250 kg de CO2, soit autant que deux allers-retours Paris-Moscou en voiture, ou trois trajets entre Paris et Montréal en avion. Le manque de stockage de carbone dû à l’utilisation des terres pour l’agriculture doublerait l’empreinte carbone d’un français, rendant ainsi l’alimentation aussi impactante que l’ensemble de ce qu’un habitant du nord de l’Europe consomme par ailleurs. Un article[40] paru dans Libération apporte des informations complémentaires qui facilitent la compréhension de l’enjeu en question.

          Dans une nouvelle étude[41] publiée dans Nature Sustainability au début du mois de septembre 2020, le coût d’opportunité du passage à une alimentation végane a été calculé. Il représente l’équivalent des 16 dernières années d’émissions de combustibles fossiles. En allant jusqu’à tripler le budget carbone restant pour ne pas dépasser les 1,5C° de réchauffement climatique d’ici à 2100, ce coût d’opportunité représente une aubaine inespérée que nous avons collectivement intérêt à envisager sérieusement. Ici aussi, un article paru dans Libération[42] apporte des éléments de compréhension sur cette étude dont est inspiré le graphique suivant :

Emissions de carbone de 2015 à 2050 suivant l’alimentation

          Pour couronner le tout, pendant que certains s’inquiètent de l’apport d’azote aux cultures sans exploitation animale, la production de viande et de produits laitiers à eux seuls émettent plus d’azote que la Terre ne peut en supporter[43]. Tout juste publiée en juillet 2020 dans la revue Nature Food, l’étude nous apprend que la plupart des émissions proviennent d’aliments d’origine animale produits localement[44]. Etant donné l’ampleur de ses impacts et son rôle central dans les défis que nous abordons, de ce côté aussi l’urgence est décrétée.

Nous avons déjà connu une transition alimentaire !

          La conférence de Pierre Combris, économiste, directeur de recherche à l’INRA et spécialiste de l’évolution des pratiques alimentaires, nous permet d’observer les grandes tendances de l’alimentation à travers le monde[45]. Tous les pays du monde (à part peut-être la Mongolie) suivent la même tendance: plus le pays est riche plus il consomme de graisses animales et moins il consomme de glucides (féculents) suivant une dynamique inéluctable, directement liée au PIB du pays. C’est à des échelles de temps différentes que les transitions alimentaires s’opèrent.

           L’agriculture vivrière est en fait basée sur les féculents (céréales, légumineuses et tubercules) qui constituent les régimes de base de l’ensemble des populations mondiales. Ce sont tout simplement les calories les moins chères pour nourrir le plus de monde possible. Il n’est pas inintéressant de remarquer que le régime végane se base sur des niveaux trophiques similaires (étages de ce qu’on voit comme la chaîne alimentaire) tout en proposant une diversité qui assure une alimentation viable, bénéfique pour la santé et surtout très économique du point de vue des ressources. Concernant l’économie de subsistance, la population s’adapte aux ressources et les gens qui ne travaillent pas dans l’agriculture ne peuvent êtres que très peu nombreux au vu du très faible surplus. D’ailleurs, l’équilibre de subsistance signifie concrètement des famines régulières (loi de Malthus).

           Penchons-nous sur l’évolution des apports énergétiques en France de 1780 à 1960 qui donc, est représentative des transitions alimentaires observées dans tous les pays du monde avec une temporalité différente.

Evolution du niveau des apports énergétiques en France en longue période

Les 100 premières années on observe une croissance calorique très régulière jusqu’à 1880 : de 1750 kilocalorie/pers/jour avec un besoin énergétique fort (population majoritairement rurale) à 3000 kilocalories/pers/jour grâce à la révolution industrielle du 19ème et du 20ème siècle avec des besoins énergétiques plus faibles (qui diminueront à mesure de l’augmentation de la sédentarité). Le gain monstrueux de productivité grâce aux moyens de production (mécanisation) est passé de 1 tonne/actif/an (soit 8800 kcal/jour, 5 personnes à 1760 kcal/jour) à 2000 tonnes/actif/an (soit 17600000 kcal/jour, 10000 personnes à 1760 kcal/jour). En 3 siècles, au salaire minimum, on est passé en moyenne de 2H30 à 1 minute de travail pour acheter 1kg de blé !

En un siècle, on passe du minimum vital à la saturation. La structure de l’alimentation va ainsi changer car les féculents ne sont pas les aliments les plus agréables, ils ne procurent pas la satisfaction des produits plus riches, plus gras et plus salés que sont les produits transformés animaux. Dès qu’ils l’ont pu, les humains ont varié leur régime dans ce sens.

Evolution des la structure des apports énergétiques en France en longue période

En termes de nutriments, l’apport en protéines reste constant. Dans la phase de croissance quantitative de l’alimentation durant le 1er siècle, on consomme surtout des glucides complexes qu’on retrouve dans le pain, les pâtes, le riz, les céréales, certains légumes frais ou encore les légumes secs. Vient ensuite la 2ème phase à partir de 1880 où s’opère la transition nutritionnelle où la part des glucides chute et la part des lipides augmente : les protéines animales se substituent aux protéines végétales. D’après Pierre Combris, c’est le basculement du modèle alimentaire, des besoins en ressources et du statut sanitaire des populations. Puis ça se stabilise que très récemment, il y a à peine plus de 30 ans. Nous sommes la première génération de toute l’histoire de l’humanité à expérimenter ce récent modèle alimentaire.

La structure de la ration alimentaire en fonction du revenu dans le monde en 1962

Comme le graphique précédent, celui-ci (qui est un graphique de travail)[46] présente à nouveau la structure de la ration suivant le PIB avec les masses de populations, mais cette fois-ci sur la période 2007 – 2009. Il confirme l’inéluctable dynamique de la transition alimentaire entamée par plusieurs pays, par le transfert de la majorité de la masse de la population du premier étage au second (qui représente l’augmentation du PIB de la population en général).

         Nous avons vu que le changement de la structure du régime alimentaire est directement lié à l’augmentation de la consommation de produits animaux lorsque le revenu s’élève. Or, pour produire des calories animales il faut produire des calories végétales, et non inversement, il faut le rappeler. L’inéluctable transition alimentaire ne se verra pas limitée suivant la structure de la ration mais bien suivant la quantité de calories végétales mobilisables pour maintenir cette ration avec une population en demande toujours plus grande[47]. Nous savons déjà que les projections sont catastrophiques : l’étude de GRAIN et l’Institute for Agriculture and Trade Policy (IATP) nous dit que si la croissance du secteur de la viande et des produits laitiers continue comme prévu, le secteur de l’élevage pourrait absorber à lui seul, 80% du « budget » annuel d’émissions de GES compatible avec la limitation du réchauffement climatique à 1,5°C d’ici à 2050, soit 4/5 des émissions admissibles…

Un espoir subsiste car, on constate qu’à proportion calorique constante il peut y avoir plus ou moins de calories d’origine animale. Il y a donc une certaine hétérogénéité. Ici, d’après cette étude, la France fait figure de plus mauvais élève; ce qui lui confère une responsabilité supplémentaire et un rôle majeur d’exemplarité à jouer dans cette nouvelle transition tant attendue. N’est-elle pas citée pour son patrimoine culinaire reconnu à travers le monde ?

Aussi, l’exemple de la Finlande prouve que la mise en place de politiques nutritionnelles est efficace. Alors qu’elle connaissait un taux de mortalité d’origine cardiovasculaire insoutenable, des campagnes nationales ont informé du rôle du cholestérol, des graisses animales et de la viande rouge. Ces incitations ont provoqué une diminution de 20% des calories d’origine animale, salutaires d’un point de vue de santé publique, mais insuffisantes au niveau des ressources et de l’environnement (sans parler des principaux concernés : les animaux).

            Tandis que les gains de productivité ont permis de sortir une partie de l’humanité de la famine, ils ont aussi exposé les pays en développement, à ce qu’on appelle le double fardeau de l’alimentation, l’inéluctable augmentation de l’obésité par la malnutrition sans avoir réglé la sous-nutrition[48]. Le phénomène d’obèses carencés à l’image d’une malnutrition par surnutrition n’est pas moins couteuse au niveau de la santé, et expose les populations à des risques sanitaires considérables. Le taux d’obésité dans le monde est de 13%, en France nous sommes arrivés à 17%[49].

Or, le régime végane composé d’aliments entièrement à base de végétaux peut être proposé pour perdre du poids et réduire son cholestérol, sans nécessairement plus d’exercice[50] (bien que ce soit recommandé), le principal avantage résidant dans le fait d’atteindre la satiété sans pour autant limiter la quantité de nourriture consommée. L’amélioration de plusieurs facteurs à risques de maladies chroniques et de qualité de vie a été observée et largement maintenue à 12 mois. Étant donné le faible coût et les avantages relatifs de cette nouvelle transition alimentaire, les décideurs politiques et les praticiens devraient proposer cette mesure adaptée à la perte de poids, dans les hôpitaux. Des recherches supplémentaires sont nécessaires afin d’identifier les personnes plus à même de réussir un changement de régime alimentaire afin de réduire les taux d’abandon et ainsi d’en augmenter l’efficacité.

             Il faut bien se rendre compte de l’enjeu majeur que représente une alimentation saine d’un point de vu de salubrité publique. Les régimes malsains présentent un plus grand risque de morbidité et de mortalité que les rapports sexuels non protégés et la consommation d’alcool, de drogue et de tabac réunis[51]. Pour le coup, l’alimentation végane a été analysée dans une étude publiée en juillet 2020 dans the BJM (the British Medical Journal)[52]. Elle a pour but d’analyser les implications sanitaires et environnementales de l’adoption de directives alimentaires nationales au niveau national et de les comparer aux objectifs sanitaires et environnementaux mondiaux, et ce, pour la population de 85 pays. Ses résultats confortent le potentiel sanitaire de l’alimentation végane en atteignant la plus forte réduction de mortalité, plus de 2 fois mieux que le taux atteint par les recommandations nationales.

Réduction de la mortalité suivant le régime  par rapport à l'alimentation actuelle (%)

De son côté, l’institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) a travaillé sur le scénario prospectif « agrimonde » qui a pour objectif d’améliorer le système alimentaire global en anticipant l’avenir en termes de dispositif et d’orientation de la recherche publique et de positionnement stratégique au niveau international. Il y est proposé 500kcal de calories animales maximum dans la ration alimentaire moyenne. En France, nous avons franchi ce seuil en 1880. Au minimum, il faudra donc diminuer drastiquement notre consommation de produits animaux.

La sortie de secours des éleveurs

           Tant d’un point de vue alimentaire, qu’environnemental, éthique et sanitaire[53] l’alimentation végétale offre des gages de salubrité dans nos pays riches qu’il semble aujourd’hui indispensable d’encourager au maximum. Mais qu’en est-il des éleveurs, qui, en particulier, dépendent directement de l’élevage ?

       Culturellement et traditionnellement, dominer l’animal permet de marquer symboliquement l’appartenance à un rang supérieur. Les activités violentes sont la partie émergée de l’iceberg autour desquelles, une population majoritairement d’hommes gravite (la chasse serait à 98% masculine). C’est la défense d’une position sociale supérieure, maître d’elle-même qui peut se permettre la prise de pouvoir absolu sur autrui via une chaîne d’appropriation : traque, mise à mort, dépeçage[54]. Bien que tous les éleveurs ne soient pas chasseurs, c’est bien avec des personnes qui considèrent majoritairement pouvoir tirer profit des animaux par un processus de réification qu’il faut construire.

D’un point de vue planétaire, voici ce qu’en dit la FAO dans le rapport intitulé « L’ombre portée de l’élevage »[55] p. 20 :

Bien qu’il ne joue pas de rôle majeur dans l’économie mondiale, le secteur de l’élevage est d’une grande importance sociale et politique. Il représente 40 pour cent du produit intérieur brut (PIB) agricole. Il emploie 1,3 milliard de personnes et fait vivre 1 milliard de personnes vulnérables dans le monde. Les produits d’élevage représentent un tiers de la consommation de protéines de la population mondiale et sont à la fois l’une des causes d’obésité́ et un remède possible à la malnutrition.

Bien-sûr les situations différeront suivant le pays, sa situation économique et sa capacité à soutenir la transition mais, attardons-nous sur le cas français qui nous intéresse tout particulièrement. Ici, élevage rime avec subvention au point que sans aides, 87% des éleveurs bovins pour la viande, 80% des éleveurs de moutons et chèvres, 63% qui pratiquent la polyculture-élevage et 41% des éleveurs bovins laitiers n’auraient tout bonnement pas de revenu (en moyenne, la moitié des agriculteurs auraient un résultat courant avant impôts négatif)[56]. De son côté, l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) pointe une progression inexorable du poids des subventions dans le résultat des exploitations, supérieur à 100% dans certains secteurs du fait de leur déficit chronique[57].

             Par ailleurs, d’après le chercheur agronome Nicolas Salliou (que nous remercions au passage pour son aide précieuse), ce sont bien souvent les subventions aux agriculteurs dans nos contrées qui appauvrissent les paysans les plus pauvres dans les pays en développement. Au-delà de la solution pour le peu originale qu’il propose à travers son article de blog « Koc’honiñ en Breizh? Rien foutre al païs ! » (Pollution en Bretagne ? Rien faire au pays !) pour lutter efficacement contre la pollution liée aux algues vertes en Bretagne en payant les agriculteurs à ne rien faire, nous pouvons plaider pour une réorientation des subventions à des fins de reconversions locales d’éleveurs en transformateurs de produits végétaux à forte valeur ajoutée et au savoir-faire singulier, propre à chaque ferme, particulière suivant les régions, transmissible de générations en générations…

L’exemple de Christophe Favrot qui a développé les yaourts « Nomad-yo » à La Feuillée, commune du Nord-Finistère de 638 habitants, illustre parfaitement le propos. A base de céréales, ses spécialités sont fabriquées artisanalement, sous licence libre[58]. Il propose d’apprendre à les fabriquer à domicile pour acquérir son autonomie et pour les producteurs en herbe, il commercialise une licence d’utilisation du savoir-faire tout en garantissant leur indépendance[59].

A une échelle plus industrielle, « les nouveaux fermiers » sont un exemple français de produits transformés végétaux (steak, aiguillettes & nuggets) qui ont le vent en poupe. Ils formulent l’ambition d’être les « Beyond Meat » français. Ils émettent 11 fois moins de gaz à effet de serre, consomment 4 fois moins d’eau que leur homologues d’origine animale et ont un nutri-score B. Malheureusement, les lobbyistes Anvol, Inaporc et Interbev, interprofessions de la filière viande, ont décidé de les assigner en justice. Les attaques portent sur les termes « fermiers » et « viande » utilisés de façon non conforme à la réglementation par la start-up qui s’apprête à implanter en France une usine de produits alimentaires végétaux similaires à la viande. Ils ont même directement écrit au Premier ministre pour demander une action du Gouvernement[60].

Or, c’est par ce genre de produits que la transition alimentaire tant attendue s’enclenche concrètement et durablement ! Alors, effectivement, un enjeu important réside dans le fait d’offrir aux éleveurs la possibilité d’entretenir des relations avec des animaux, mais si toutes les externalités et les coûts induits, tant d’un point de vue moral que matériel sont favorables aux produits végétaux, alors, nous pouvons parier raisonnablement que la rationalité l’emporte sur un certain conservatisme motivé par la poursuite d’une tradition non soutenable. Saisissons cette occasion inédite pour l’humanité de développer des relations d’entraides qui considèrent les intérêts des individus non plus seulement à travers la maxime « ne fais pas à autrui ce que tu n’aimerais pas qu’on te fasse » mais plutôt « fais à autrui ce que tu sais pouvoir l’aider » dans une optique de solidarité animale.

           Les possibilités sont encore largement sous-estimées et donc inexploitées. Par exemple, l’augmentation de la consommation de végétaux grâce à la sensibilisation des consommateurs entraîne des flux de sous-produits et de déchets générés par les industries de transformation. Or ces sous-produits peuvent être extrêmement divers. A l’image des fruits dont on obtient pelures, graines, et chair majoritairement utilisés comme engrais, il est possible de valoriser davantage ces déchets en sous-produits à forte valeur ajoutée. Ils contiennent des biomolécules telles que des vitamines, des protéines, des minéraux, des antioxydants ainsi que de l’huile aromatique. Ces composés bioactifs présentent un grand potentiel pour leur utilisation dans l’industrie alimentaire comme ingrédient fonctionnels (qui a un effet bénéfique sur la santé) ou dans les applications pharmaceutiques et cosmétiques. Cette alternative prometteuse est mise en évidence par cette étude qui soutient qu’en plus de résoudre les problèmes de gestion des résidus de fruit, elle permet d’obtenir par des processus non-thermiques des produits à forte valeur ajoutée favorables à la santé[61].

En bonne intelligence, si un transformateur local s’associe avec une unité de production capable de valoriser ses résidus en produits bénéfiques à forte valeur ajoutée, c’est le champ des possibles qui s’ouvre de manière soutenable et sans coût caché.

Au-delà des postures et contre le statuquo

            Nous avons vu que tant du point de vu de la santé que de l’environnement et de l’éthique, remplacer les produits transformés animaux par les produits transformés végétaux est une solution évidente.

        A l’image de la précédente transition alimentaire, les produits transformés constituent notre meilleure chance pour la nouvelle transition dont une grande partie des scientifiques s’accordent à dire qu’elle est nécessaire si l’on souhaite parvenir à une alimentation soutenable. Ils constituent également notre meilleur arme contre le changement climatique en évitant le système ultra-déperditif qu’est l’élevage. Si nourrir moins de bouches est une préoccupation, nous devons planifier la sortie de l’élevage qui, en ajoute fatalement de nouvelles. Cette solution évidente, pourtant loin de faire l’unanimité, se révèle de plus en plus souhaitable aux yeux d’un nombre croissant de personnes. A l’instar des consommateurs toujours plus nombreux[62], des investisseurs[63], ne nous y trompons pas, la viande sans ses inconvénients, c’est l’avenir, très proche, dont nous vivons en direct l’émergence réjouissante.

Nous ne pouvons pas nous permettre d’êtres dogmatiques. Tout en améliorant le potentiel santé des aliments, cette transition alimentaire doit faire avec son temps. Faciliter la cuisine saine à faible coût doit être une priorité pour que chacun puisse facilement s’approprier les techniques comme peut-être d’abord des trucs et astuces, mais surtout comme nouvel art culinaire brillant[64]. Il ne faut pas réinventer la roue et l’industrie est un moyen dont on ne saurait se passer. Au contraire de stigmatiser certaines catégories de produits, il est plus judicieux de mettre en avant les plus intéressant sur le plan nutritionnel. Gardons en tête la règle des 3V (Végétal, Vrai, Varié) et la convivialité de l’acte de manger en société. Là encore, le repas végétal est le plus inclusif car tout le monde peut manger, surtout lorsque les allergies sont considérées, ce qui est souvent le cas.

           Une réelle expertise sur la transformation des aliments est à développer pour mieux différencier les produits du quotidien de ceux qu’il vaut mieux limiter aux occasions festives par exemple. Commençons par reconnaître la différence des produits transformés aux ultra-transformés et par répondre à la règle n°2 du Vrai par limiter la consommation de ces derniers à deux portions par jour maximum[65].

            Pour ce qui est de la santé, les rapports scientifiques ont établi un lien entre la consommation de fibres alimentaires et une diminution du risque de cancer colorectal. Or d’après le Programme National Nutrition Santé (PNNS), seul 13% atteignent le seuil minimum recommandé de 25 g/jour de fibre, seuil qui par ailleurs, n’a pas évolué en 10 ans[66]. Pourtant elles sont reconnues également pour contribuer à diminuer le risque de surpoids et d’obésité, facteur impliqué dans la survenue de nombreux autres cancers[67].

En définitive, la principale nocivité d’un aliment n’est pas en soi la richesse de la liste de ses ingrédients ni le nombre d’étapes de transformation (bien que ce soit des indicateurs) mais plutôt le fait que l’aliment transformé soit pauvre en fibres, riche en calories, en graisses saturées, en glucides raffinés et en sel. Malgré le fait que nous connaissons les dangers de certains modes de cuissons comme le barbecue par exemple, nous salivons rien qu’à l’odeur de ce dernier. Plutôt que d’en interdire son usage, à nous d’en optimiser son utilisation, en commençant par y cuire des saucisses végétales plus saines qui contiennent des fibres et moins de graisses saturées par exemple !

Malheureusement, une cornerisation (marginalisation opérée par une mise à l’écart volontaire) active est toujours à l’œuvre et semble s’intensifier. A l’image de l’appropriation de mots du langage commun tels que « saucisse » et « steak », la privatisation des termes utilisés pour ralentir la progression des produits transformés végétaux est en marche[68]. Faut-il y voir le soubresaut désespéré d’éleveurs, majoritairement déficitaires, le niveau de réactance des ayatollahs de l’élevage ou simplement une ultime tentative conservatrice d’enrayement de l’implacable progression du véganisme ? Une chose est sûre, le zèle de notre ancien ministre de l’agriculture et de l’alimentation l’empresse à vouloir inscrire cette mesure (contre l’intérêt général) au niveau européen…

D’ailleurs à cette échelle, un article du New-York Times[69] dénonce des pratiques de féodalisme moderne qui semblent consubstantielles aux subventions agricoles qui pourtant forment la base de l’Union européenne. En fournissant 58 milliards d’euros aux agriculteurs chaque année, c’est la campagne de subvention la plus importante de l’Union européenne et l’un des plus grand programme au monde.

La règle est que chacun est payé en fonction de la surface de terre qu’il cultive. Or le système est fait de telle manière que les subventions suivent la surface terrestre. Alors, dans les faits, les petits agriculteurs sont redevables à des barons de la terre politiquement connectés, si bien que 80% du filet de sécurité essentiel aux petits agriculteurs est capté par 20% des plus importants bénéficiaires[70].

Ce système qui est censé aider les agriculteurs qui travaillent dur et assurent la sécurité alimentaire de l’Union en stabilisant l’approvisionnement, enrichit en fait des oligarques et quelques figures mafieuses.

Profitons de l’appel des 3600 scientifiques[71] pour une réforme de la Politique Agricole Commune (PAC), qui dénoncent une distribution injuste entre agriculteurs qui « échoue à répondre aux enjeux socio-économiques des zones rurales » et fustigent un « moteur central des crises du climat et de la biodiversité » pour en faire un moyen de redistribution massif de richesse, un rempart pour une biodiversité souhaitable et une arme contre le changement climatique.

Une politique agro-alimentaire visionnaire ne demande pas seulement de défendre les intérêts économiques d’hier, mais aussi et surtout de faire émerger ceux de demain[72]. A ce sujet, si vous souhaitez en savoir plus, nous vous conseillons l’excellente conférence “Véganomics”, de l’Association Végétarienne de France (AVF), donnée par le chercheur Nicolas Treich, directeur de recherche à l’INRAE et responsable du laboratoire d’économie de l’environnement à la Toulouse School of Economics.

A TABLE !!!

[1] Classification NOVA pour la transformation des aliments, Open Food Facts

[2] Aiello, L. C., & Wheeler, P. (1995), « The expensive-tissue hypothesis: the brain and the digestive system in human and primate evolution. », Current anthropology (IF2017-2.326), citée 2491 fois

[3] Tofu Critique,  « Que mangeaient les Hommes préhistoriques ? », YouTube, 2020 

[4] Monteiro, C. A et al. (2019), « Ultra-processed foods: what they are and how to identify them. », Public health nutrition (IF2013-2.483), citée 102 fois (doi:10.1017/S1368980018003762)

[5] Frédéric Mesguich, « Pour une alimentation sur-naturelle », L’Amorce, 2020

[6] Tout compte fait, “Alimentation, l’offensive de la malbouffe continue !”, France 2, 2020

[7] Kenan Malik, « Let’s stop romanticising nature. So much of our life depends on defying it », The Guardian, 2020

[8] Loïc Chauveau, « Le poulet : un mutant à votre table », Sciences et avenir, 2019.

[9] Schnabel, L. et al. (2019), « Association between ultraprocessed food consumption and risk of mortality among middle-aged adults in France. », JAMA internal medicine (IF2018-20.768), citée 92 fois (doi:10.1001/jamainternmed.2018.7289)

[10] Ares, G. et al. (2016), « Consumers’ conceptualization of ultra-processed foods. », Appetite (IF2018-3.501), citée 30 fois (doi:10.1016/j.appet.2016.06.028)

[11] Davidou, S., Christodoulou, A., Fardet, A., & Frank, K. (2020), « The holistico-reductionist Siga classification according to the degree of food processing: an evaluation of ultra-processed foods in French supermarkets. »,  Food & Function (IF2018-3.241), citée 2 fois (doi:10.1039/C9FO02271F)

[12] Institut National du Cancer. Nutrition et prévention primaire des cancers : actualisation des données. 2015

[13] Anses. Actualisation des repères du PNNS : révision des repères de consommations alimentaires. Rapport d’expertise collective. 2016

[14] Institut National du Cancer, « Le cancer colorectal », 2019

[15] Fardet, A., & Rock, E. (2018), « Perspective: Reductionist Nutrition Research Has Meaning Only within the Framework of Holistic and Ethical Thinking. » Advances in Nutrition (IF2018-7.24), citée 16 fois (doi:10.1093/advances/nmy044)

[16] Fardet, A. (2018), « Characterization of the degree of food processing in relation with its health potential and effects. », Advances in food and nutrition research (IF2018-1.29), citée 21 fois (doi:10.1016/bs.afnr.2018.02.002)

[17] “L’obésité, un phénomène en pleine explosion dans les pays en développement”, Le Monde, 2014

[18] Salyer, S. J. & al. (2017). Prioritizing zoonoses for global health capacity building—themes from One Health zoonotic disease workshops in 7 countries, 2014–2016. Emerging infectious diseases (IF2017-7.422), citée 39 fois (doi: 10.3201/eid2313.170418)

[19] Stéphanie Perraut, « Un traitement UV-C pour les végétaux frais contaminés par des pesticides », Process Alimentaire, 2018

[20] Bourgade, H. et al., « Les innovations technologiques, leviers de réduction du gaspillage dans le secteur agroalimentaire : enjeux pour les consommateurs et pour les entreprises », agriculture.gouv.fr, 2015

[21] Ripple, W. J. et al. (2014), « Ruminants, climate change and climate policy. », Nature climate change (IF2017-19.181), citée 254 fois (doi:10.1038/nclimate2081)

[22] Suárez, M. L., Kizlansky, A., & Lopez, L. B. (2006), « Assessment of protein quality in foods by calculating the amino acids score corrected by digestibility. » Nutricion hospitalaria (IF2018-0.759), citée 17 fois

[23] Nijdam, D., Rood, T., & Westhoek, H. (2012), « The price of protein: Review of land use and carbon footprints from life cycle assessments of animal food products and their substitutes. » Food policy (IF2018-3.788), citée 423 fois (doi:10.1016/j.foodpol.2012.08.002)

[24] Westhoek, H. J. et al. (2011), « The protein puzzle: the consumption and production of meat, dairy and fish in the European Union. » European Journal of Nutrition & Food Safety (IF2019-4.664), citée 199 fois

[25] Our World in Data, « World map of protein supply »

[26] Sonesson et al. (2017), « Protein quality as functional unit–A methodological framework for inclusion in life cycle assessment of food. », Journal of cleaner Production (IF2018-6.395), citée 47 fois (doi:10.1016/j.jclepro.2016.06.115)

[27] Poore, J., & Nemecek, T. (2018). Reducing food’s environmental impacts through producers and consumers. Science (IF2018-41.063), citée 691 fois (doi: 10.1126/science.aaq0216)

[28] Jonathan Guéguen, « Emissions de gaz à effet de serre des aliments en fonction de la chaîne d’approvisionnement », apala.fr, 2019

[29] Mottet, A. et al. (2017), « Livestock: On our plates or eating at our table? A new analysis of the feed/food debate. » Global Food Security (IF2018-5.456), citée 160 fois (doi: 10.1016/j.gfs.2017.01.001)

[30] Nicolas Baudouin, « Dix protéines végétales pour une protéine animale, vraiment ? », The Critical Vegan, 2019

[31] Garnett, T. et al. (2017), « Grazed and confused?: Ruminating on cattle, grazing systems, methane, nitrous oxide, the soil carbon sequestration question-and what it all means for greenhouse gas emissions. » FCRN, citée 54 fois

[32] Our World in Data, « Daily protein plant and animal products »

[33] IPCC Special Report on Climate Change, Desertification, LandDegradation, Sustainable Land Management, Food Security, and Greenhouse gas fluxes in Terrestrial Ecosystems, Summary for Policymakers, Rapport Spécial Résumé pour les décideurs politiques, 2019, GIEC

[34]  The Shift Project, « Crise(s), climat : plan de transformation de l’économie française », 2020

[35] Jean-Marc Jancovici, « Qu’est-ce que le GIEC ? », jancovici.com, 2008

[36] Jonathan Guéguen, « L’énigme des experts climatiques face à l’urgence », apala.fr, 2019

[37] George Monbiot, « We can’t keep eating as we are – why isn’t the IPCC shouting this from the rooftops? », The Guardian, 2019

[38] Searchinger, T. D., Wirsenius, S., Beringer, T., & Dumas, P. (2018). Assessing the efficiency of changes in land use for mitigating climate change. Nature (IF2019-42.778), citée 102 fois (doi : 10.1038/s41586-018-0757-z)

[39] Hannah Ritchie and Max Roser, « Land use », Our World In Data, 2019

[40] Frédéric Mesguich, « Planète : de l’urgence de changer d’alimentation », Libération, 2019

[41] Hayek, M. N., Harwatt, H., Ripple, W. J., & Mueller, N. D. (2020). The carbon opportunity cost of animal-sourced food production on land. Nature Sustainability (IF2020-12.5), (doi: 10.1038/s41893-020-00603-4)

[42] Jean-Marc Gancille, Frédéric Mesguich, William Zylberman et Christophe Lavelle, « Changer d’alimentation pour limiter le réchauffement climatique », Libération, 2020

[43] Stéphanie Schmidt, La production de viande et de produits laitiers émet plus d’azote que la Terre ne peut en supporter, Trust My Science, 2020

[44] Uwizeye, A. et al. (2020), « Nitrogen emissions along global livestock supply chains. » Nature Food, citée 1 fois (doi: 10.1038/s43016-020-0113-y)

[45] Pierre Combris, « Croissance économique et consommation alimentaire » (1/3), TerrEthique, 2013

[46] P. Combris et P. Martin, « Structure de l’alimentation en fonction du PIB (2007-2009) », conférence Les grandes tendances de l’alimentation dans le monde

[47] Pierre Combris, « Les limites des ressources » (2/3), TerrEthique, 2013

[48] Pierre Combris, « Les maladies non-transmissibles d’origine alimentaire » (3/3), TerrEthique, 2013

[49] Karine Clément (unité Inserm 1269 NutriOmique et service Nutrition, hôpital La Pitié Salpêtrière-Charles Fois, AP-HP, Paris) et Nathalie Viguerie (unité Inserm 1048, Laboratoire de recherche sur les obésités, I2MC, Toulouse), « Obésité, Une maladie des tissus adipeux », 2019, Inserm

[50] Wright, N. et al. (2017), The BROAD study: A randomised controlled trial using a whole food plant-based diet in the community for obesity, ischaemic heart disease or diabetes. Nutrition & diabetes (IF2019-4.357) (doi: 10.1038/nutd.2017.3)

[51] Willett, W., Rockström, J., Loken, B., Springmann, M., Lang, T., Vermeulen, S., … & Jonell, M. (2019). Food in the Anthropocene: the EAT–Lancet Commission on healthy diets from sustainable food systems. The Lancet (IF2019-60.392), citée 1434 fois (doi: 10.1016/S0140-6736(18)31788-4)

[52] Springmann, M., Spajic, L., Clark, M. A., Poore, J., Herforth, A., Webb, P., … & Scarborough, P. (2020). The healthiness and sustainability of national and global food based dietary guidelines: modelling study. Bmj (IF2019-30.223), citée 4 fois (doi: 10.1136/bmj.m2322)

[53]  Jonathan Guéguen, « Kaïros : le moment opportun de changer son alimentation », apala.fr, 2020

[54] Axelle Playoust-Braure & Yves Bonnardel, « Nourrir son homme : le bon steak et le joli morceau (2/2) », Les couilles sur la table, 2020

[55] Henning Steinfeld et al., « L’ombre portée de l’élevage, impacts environnementaux et options pour leur atténuation », FAO, 2006

[56] André Thomas, « Subventions. Un agriculteur sur deux s’en tire grâce aux aides », 2019

[57] Samuel Laurent et Jérémie Baruch, « Crise de l’élevage : comprendre la fixation des prix, des marges et des subventions », Le Monde, 2015

[58] « Nomad-yo : un « yaourt » bio, en pleine expansion », Ouest-France, 2016

[59] Tanguy Homery, « Bretagne. Ses yaourts sans lait essaiment en France », Ouest-France, 2020

[60] MA Carré, « « Viande végétale » : Anvol, Inaporc et Interbev attaquent « Les Nouveaux Fermiers » en justice », réussir.fr, 2020

[61] Dimou, C., Karantonis, H. C., Skalkos, D., & Koutelidakis, A. E. (2019). « Valorization of fruits by-products to unconventional sources of additives, oil, biomolecules and innovative functional foods. » Current pharmaceutical biotechnology (IF2018-1.49), citée 5 fois

[62] Hélène Gully, « En pleine crise de coronavirus, la viande sans viande cartonne », Les Echos, 2020

[63] L’Union Européenne veut investir 10 milliards d’euros dans le végétal et les protéines alternatives, Vegan Magazine, 2020

[64] Marie Laforêt, VEGAN, 100% Végétal

[65] Fardet, A., Christodoulou, A., Frank, K., & Davidou, S. (2019), « La classification holistico-réductionniste Siga des aliments en fonction de leur degré de transformation. », La revue des industries agro-alimentaires, citée 1 fois

[66] NACRe, « Fibres alimentaires et risque de cancer, les principales données », INRAE, 2020

[67] NACRe, « Surpoids, obésité et risque de cancer, les principales données », INRAE, 2020

[68] F. Alteroche, « Les mots « saucisses » et « steaks » réservés aux seuls produits carnés », Réussir Bovins Viande, 2020

[69] Selam Gebrekidan et al., « The Money Farmers: How Oligarchs and Populists Milk the E.U. for Millions », The New York Times, 2019

[70] Utrecht University of Applied Sciences, «True: “80 percent of the european money for agriculture goes to the 20 percent largest farmers” », Eufactcheck.eu, 2019

[71] Maxime Paquay, « 3600 scientifiques interpellent la « désastreuse » politique agricole européenne », RTBF, 2020

[72] Association Végétarienne de France (AVF), « Faut-il maintenir un modèle agricole dysfonctionnel ? », vegetarisme.fr, 2020

La première de couverture du rapport aurait pu ressembler à ça :

La défense de l’élevage quoi qu’il en coûte

Réponse aux arguments de défense de l’élevage spécifiquement formulés dans l’article de Frédéric Denhez publié dans Le Figaro en avril 2021.

L’élevage : un maximum d’impact pour un minimum d’apports

Les animaux dépendent des végétaux et non inversement, et ça, c’est une notion de base de l’écologie qui nous l’apprend : le niveau trophique.

Polémique artificielle contre des produits végétariens et véganes plus sains

Le dénigrement médiatique contre les produits transformés végétaux lutte contre leurs avancées sanitaires, écologiques et éthiques.

L’origine animale des pandémies !

Si nous ne changeons pas notre rapport aux autres animaux, nous n’éviterons pas de futures épidémies , avec toutes les conséquences que nous connaissons désormais.

Vite, la nouvelle transition alimentaire !

Au delà des préjugés sur les aliments transformés, nous proposons de prioriser les produits végétaux qui, s’ils sont transformés, représentent notre meilleur espoir pour la nécessaire nouvelle transition alimentaire.

Kaïros : le moment opportun de changer son alimentation

Souhaitons-nous allouer davantage de ressources à la gestion de crises épidémiques où préférerons-nous réorienter notre alimentation pour maximiser nos chances d’évitement ?

L’énigme des experts climatiques face à l’urgence

Au travers les résultats des études du cabinet Carbone 4 ainsi que des études internationales d’ampleurs, nous tentons de démontrer que le curseur ne pointe délibérément pas vers la meilleure stratégie de réduction des émissions de GES.

Même importé et suremballé, il vaut mieux manger végétal !

C’est sous ce titre un brin provocateur, qu’à été publié notre entretien lors de notre rencontre avec Le Magazine des Autres Possibles (MAP pour les intimes). Bien sûr, le mieux est d’éviter le plus possible les emballages et de privilégier la localité, mais pas envers et contre tout, c’est ce que nous allons voir ici…

« Tu dois manger tous les jours la même chose »

Kaïros : le moment opportun de changer son alimentation

Temps de lecture estimé : 7 min

Une crise tragique possiblement salvatrice

Le commerce d’animaux en cause

L’horreur sur fond de crise écologique

Le végétal pour tous nous nourrir

A l’heure du confinement généralisé, le salut alimentaire

(R)éveillons-nous !

 

À l’instar des animaux d’élevage, nous venons de perdre notre liberté de circuler librement : nous sommes confinés (ou semi-confinés, suivant les pays). La différence, c’est que nous le sommes pour notre bien, notre santé. Souhaitons-nous allouer davantage de ressources à la gestion de crises épidémiques ou préférerons-nous réorienter notre alimentation pour maximiser nos chances d’évitement ? En cette période inédite dans toute l’histoire de l’humanité, où plus de la moitié de la population mondiale a vu ses libertés de mouvement réduites drastiquement, cet appel est une invitation à coopérer. Prenons ensemble les dispositions nécessaires à l’avènement de nouveaux mondes, que notre inventivité puisse s’exprimer durablement !

 

Une crise tragique possiblement salvatrice

Existe-t-il un traitement permettant de nous guérir ? Un médicament ou un remède miracle pourrait-il nous soigner durablement ? Nous évitera-t-il seulement la rechute déjà annoncée [1]? Bonne nouvelle ! La réponse est oui et elle est à portée de main. Nous la connaissons, elle est sans risque, et porte en elle les germes de l’évolution humaine au sens le plus noble qu’il soit. Mais comme pour les vaccins il faut que chacun de nous puisse y recourir afin de protéger l’ensemble de la population, c’est un jeu collectif et l’actualité se charge de nous le rappeler.

Alors qu’une majorité de Chinois semble hostile à la consommation d’animaux sauvage [2], une minorité a provoqué une pandémie mondiale. Désigner clairement ce qui nous a amenés une nouvelle fois à une situation de crise sanitaire nous permettra de nous détourner vraiment de nos modes de consommation dangereux pour l’humanité [3].

Bien que les maladies infectieuses zoonotiques soient une préoccupation importante [4] depuis plus de 10’000 ans (origine de l’élevage), cette pandémie nous prend de court, comme si nous n’y étions pas préparés [5]. Alors qu’un consortium de climatologues et de statisticiens ont calculé la probabilité que le réchauffement climatique soit d’origine humaine à 99,9995% [6], il semblerait que nous soyons dans le même cas de figure, en attente des bouleversements qui s’annoncent sans précédent. En cause ? Principalement l’élevage, dont nous pouvons aujourd’hui aisément nous passer. Chacun à notre niveau, nous pouvons agir. Quel sens aurait l’injonction à certains pays de modifier leurs habitudes alimentaires sans y prendre part nous aussi ? En plus de minimiser les risques de zoonoses, planifier une sortie de l’élevage nous offrirait l’opportunité de réduire de 28% les émissions de Gaz à Effet de Serre [7], soit plus d’un quart du problème climatique.

 

Le commerce d’animaux en cause

75% des maladies infectieuses émergentes ont une origine animale [8]. Par exemple, la grippe espagnole, d’origine aviaire [9], a à elle seule tué plus d’humains que la tristement plus célèbre première guerre mondiale. Cinq siècles plus tôt, la variole et la grippe (issues des animaux domestiques) avaient décimé 90% de la population amérindienne.

Actuellement, 60% des maladies infectieuses connues sont responsables de 15,8% de tous les décès et 43,7% des décès dans les pays à faibles ressources [10], soit 2,5 milliards de malades et 2,7 millions de décès chaque année dans le monde. Cette menace crédible pour l’humanité en fait un des objets de recherche le plus important [11] aujourd’hui.

La multiplication récente des épidémies nous rappelle que nous sommes dans une spirale infernale. Les scientifiques du projet Global Virome nous apprennent que la faune sauvage abrite actuellement 1,7 millions de virus encore inconnus, dont 50% pourraient être dangereux pour les humains. Comprendre les mécanismes à l’oeuvre [12] est primordial, mais il semble illusoire de croire qu’un contrôle des apparitions de maladies transmissibles aux humains soit possible.

D’autres recherches scientifiques révèlent le rôle central du commerce d’animaux à travers la capture, le transport et l’abattage [13] dans la transmission des éléments pathogènes. Si la réserve de maladies infectieuses est significative, ce sont bien les activités de chasse, d’élevage et de commerce des animaux destinés à être mangés qui catalysent la transmission aux humains. C’est pour cette raison que le représentant de l’OMS en Chine, Dr Gauden Galea, affirme que « “tant qu’on mangera de la viande, il y aura un risque d’infection ». À ce titre, le gouvernement chinois a interdit tout transport ou commerce d’animaux sauvages [14] le 26 février dernier, dans l’espoir de limiter ce risque. En conséquence, la diminution du nombre d’animaux qu’entraînera l’arrêt de leur reproduction artificielle semble être l’action au plus fort potentiel réducteur du risque épidémique.

 

L’horreur sur fond de crise écologique

L’ensemble des animaux tués par les humains est indénombrable. On tue chaque année 150 fois plus d’animaux [15] d’élevage terrestres qu’il y eu de morts durant toutes les guerres de l’humanité. Nos modes de vies impliquent donc qu’en deux jours et demi, nous comptons plus d’animaux terrestres morts de l’élevage que les guerres n’ont fait de victimes. Pour les poissons, les chiffres s’envolent de 1000 à 3000 milliards [16], tandis qu’on tuerait 255 à 605 milliards de crustacés élevés [17] chaque année. Il n’existe pas d’estimation pour les céphalopodes et les gastéropodes, mais une chose est sûre, le pire bilan a lieu en mer [18].

Rappelons ici que chacun, individuellement, profite d’expériences subjectives, comme ressentir des émotions. Tous les êtres sentients ont des intérêts et des préférences, contrairement aux plantes par exemple, régies par leur milieu [19]. Non sentientes, elles n’ont pas développé cette capacité à souffrir, inutile à leur évolution.

Les chiffres astronomiques cités plus haut rendent compte de l’indépassable extermination de masse qu’il convient d’appeler zoocide [20] et qui a la particularité d’être perpétuel. Bien que vertigineux, ils reflètent autant de réalités qu’il y a d’individus. Or,  chacun mérite d’être considéré pour ce qu’il est et non pour ce qu’il serait, une fois transformé en aliment.

Par ailleurs, depuis que le lien [21] entre la maltraitance animale et la violence humaine a été établi, il est d’autant plus judicieux de se prémunir autant que possible contre toute violence, aussi insidieuse soit-elle. Pour que, dans ce monde d’après, la cruauté ordinaire devienne extraordinaire, par précaution pour les plus démunis.

D’un point de vu écologique, les animaux dépendent des végétaux et non l’inverse. La loi fondamentale du transfert de l’énergie du maillon inférieur au maillon supérieur s’appelle loi des 10%, car 90% d’énergie est perdue par maillon. Les êtres vivants sont des systèmes dissipatifs ouverts et aucun subterfuge ne permettra de réduire ce gouffre énergétique autrement qu’à la marge (méthanisation, par exemple). Cette loi se vérifie à l’échelle mondiale [22] d’après les données de la FAO. Un tel gaspillage de ressources aujourd’hui n’est plus tenable. Il nous faut réorienter nos denrées agricoles pour nous nourrir directement plutôt que le bétail qui sera transformé en viande. D’ailleurs, fort heureusement, il n’existe pas d’élément magique que les animaux d’élevage nous apporteraient dont on ne saurait se passer. Pour le climat [23] comme pour la biodiversité [24], la priorité absolue est donc de réduire la part des produits animaux dans l’alimentation.

 

Le végétal pour tous nous nourrir

Trop de personnes [25] croient encore qu’une alimentation végane est susceptible de provoquer des carences. La science nous a prouvé le contraire et en ces temps de lutte contre le coronavirus, il apparaît salutaire de s’en remettre à elle. En réalité, aucun animal [26] n’est en mesure de synthétiser la vitamine B12. Depuis sa découverte en 1948, les humains peuvent court-circuiter l’intégralité de la partie animale de la chaîne alimentaire grâce à la source originelle de ce nutriment : les bactéries [27].

Nous le savons plus officiellement depuis qu’il est a été démontré par les nutritionnistes qu’un régime végane bien mené [28] convient à toutes les étapes du cycle de la vie, y compris la grossesse, l’allaitement, la petite enfance, l’enfance, l’adolescence et l’âge adulte, tout comme pour les athlètes. De plus en plus d’études scientifiques prouvent même qu’il serait meilleur que notre régime occidental (1 [29], 2 [30], 3 [31]). Les méta-analyses de l’OMS montrent également une diminution de la mortalité précoce de 7 à 18% en migrant vers une alimentation végétarienne ou végane équilibrée.

A l’heure du confinement généralisé, le salut alimentaire

« Je suis éleveur, je meurs [32]». Bien que nous ne cautionnions aucunement l’exploitation animale, nous pensons aux éleveurs délaissés par ce système pourtant si prompt à s’en réclamer. Ne nous y trompons pas, c’est du fait des gouvernements successifs que ces situations existent. Gouverner, c’est prévoir et assumer les responsabilités.

En France, les éleveurs bovins laitiers représentent la catégorie socioprofessionnelle au plus haut taux de suicide [33]. Quel genre de gouvernement, a priori solidaire, laisse pourrir à ce point des situations personnelles que certains en viennent à commettre l’irréparable ? L’arsenal répressif déployé au sein de la cellule Demeter n’y changera strictement rien, alors même que ces moyens engagés permettraient d’offrir des reconversions prometteuses à ces professionnels qui, comme toute personne, ne méritent pas l’abandon. Cette période créative est l’occasion d’envisager des portes de secours. Inciter les éleveurs à devenir transformateurs locaux de produits végétaux à forte valeur ajoutée, par exemple, permettrait de conjurer le sort. Grâce aux savoir-faire traditionnels [34] préservés, une nouvelle culture culinaire déjà riche et éclatante pourra alors émerger.


(R)éveillons-nous !

Soyons dès aujourd’hui des moteurs du changement. Pour que l’éthique animale ne soit plus la bête noire de notre philosophie mais la clef de notre humanité. Pour que l’alimentation, principale cause du changement climatique et de perte de la biodiversité, en devienne son rempart.

Nous, véganes responsables, sommes prêts à co-construire le monde de demain, basé sur la considération de chacun.

Nous, véganes attentifs, sommes engagés pour plus de justice sociale, y compris pour les éleveurs.

Nous, véganes conséquents, sommes déterminés à sortir durablement le monde de cette situation de crise sanitaire sans précédent.

> Pétition d’engagement symbolique pour globaliser le sursaut personnel, condition sine qua non à l’éclosion de nouveaux mondes

 

[1] Williams, F., & Veaudor, D. (2013). La pandémie qui vient. Books, (10), 42-45.

[2] Zhang, L., & Yin, F. (2014). Wildlife consumption and conservation awareness in China: a long way to go. Biodiversity and Conservation, 23(9), 2371-2381.

[3] Yassif, J. (2017). Reducing global catastrophic biological risks. Health security, 15(4), 329-330.

[4] Gebreyes, W. A., & al. (2014). The global one health paradigm: challenges and opportunities for tackling infectious diseases at the human, animal, and environment interface in low-resource settings. PLoS neglected tropical diseases, 8(11).

[5] Urvoy, M. (2020, avril 6). Comme si c’était la première pandémie. Ouest France.

[6] Leyes, J. (2018, juillet 30). Les activités humaines dérèglent le climat et c’est sûr à 99,9995%. Sciences et Avenir.

[7] American Association for the Advancement of Science. (2019). Erratum for the Research Article “Reducing food’s environmental impacts through producers and consumers” by J. Poore and T. Nemecek. Science, 363(6429), eaaw9908.

[8] Kurpiers, L. A. & al. (2016). Bushmeat and emerging infectious diseases: lessons from Africa. In Problematic Wildlife (pp. 507-551). Springer, Cham.

[9] Hoag, H. Study revives bird origin for 1918 flu pandemic. Nature News.

[10] Salyer, S. J. & al. (2017). Prioritizing zoonoses for global health capacity building—themes from One Health zoonotic disease workshops in 7 countries, 2014–2016. Emerging infectious diseases, 23(Suppl 1), S55.

[11] World Health Organization. (2009). Pandemic influenza preparedness and response: a WHO guidance document. Geneva: World Health Organization.

[12] Sicard, D. (2020, mars 27). Il est urgent d’enquêter sur l’origine animale de l’épidémie de Covid-19. France Culture.

[13] AFP, S. A. (2020, janvier 26). Le commerce des animaux sauvages, terreau fertile des épidémies. Sciences et Avenir.

[14] Daly, N. (2020, janvier 30). Coronavirus : la Chine interdit définitivement la consommation d’animaux sauvages.

[15] Côté-Boudreau, F. (2015, juillet 13). Chaque année, on tue plus d’animaux qu’il y a eu de morts durant toutes les guerres de l’humanité.

[16] Mood, A., & Brooke, P. (2010). Estimating the number of fish caught in global fishing each year. Fishcount.

[17] Numbers of farmed decapod crustaceans. Fishcount.

[18] Mood, A. (2010). Worse things happen at sea: the welfare of wild-caught fish.

[19] Lories, D. (2013). Hans Jonas, Les fondements biologiques de l’individualité.

[20] Concept du « zoocide ». Wikipédia.

[21] Linzey, A. (2009). The link between animal abuse and human violence.

[22] Mottet, A. & al. (2017). Livestock: On our plates or eating at our table? A new analysis of the feed/food debate. Global Food Security, 14, 1-8.

[23] Guéguen, J. (2019, octobre 31). L’énigme des experts climatiques face à l’urgence. APALA

[24] Hir, P. L. (2019, mai 6). Biodiversité : « La priorité est de réduire la part des produits animaux dans l’alimentation ». Le monde.

[25] « L’alimentation végane est saine et viable, à tous les âges de la vie », défendent des professionnels de santé. (2017, octobre 25). France Soir.

[26] Martens, J. H. & al. (2002). Microbial production of vitamin B 12. Applied microbiology and biotechnology, 58(3), 275-285.

[27] Fédération végane. D’où vient la B12 ? Vive la B12.

[28] Melina, V. & al. (2016). Position of the academy of nutrition and dietetics: vegetarian diets. Journal of the Academy of Nutrition and Dietetics, 116(12), 1970-1980.

[29] Song, M. & al. (2016). Association of animal and plant protein intake with all-cause and cause-specific mortality. JAMA internal medicine, 176(10), 1453-1463.

[30] Orlich, M. J. & al. (2013). Vegetarian dietary patterns and mortality in Adventist Health Study 2. JAMA internal medicine, 173(13), 1230-1238.

[31] Allen, N. E. & al. (2002). The associations of diet with serum insulin-like growth factor I and its main binding proteins in 292 women meat-eaters, vegetarians, and vegans. Cancer Epidemiology and Prevention Biomarkers, 11(11), 1441-1448.

[32] AFP, L’Obs (2016, février 29). « Je suis éleveur, je meurs »: les agriculteurs crient leur détresse au Salon. L’OBS

[33] Monrozier, A. J. (2018, février 5). Le suicide des agriculteurs en chiffres. France Bleu Vaucluse

[34] Fondue végane, fondue du futur ? – Vidéo. (2020, avril 9). RTS Radio Télévision Suisse.