L’origine animale des pandémies !

Cet article a également été publié sur le site de Mr Mondialisation ici :  Origine animale des pandémies : il est urgent de changer de modèle

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Une origine qui dérange

L’action au plus fort potentiel réducteur de risque épidémique

L’intérêt général de l’antispécisme

 

Nous espérons sortir de la pandémie que nous subissons. Ce coronavirus émergeant parmi tant d’autres (il en existerait plus de 5000 [1]) est le 3e en moins de 20 ans à provoquer une épidémie grave d’ampleur internationale. SRAS, MERS et COVID-19 sont 3 virus d’origine animale ayant pour origine des vertébrés volants à sang chaud (chauves-souris et oiseaux [2]). Or, les scientifiques du projet Global Virome, qui vise à nous prémunir des risques pandémiques, nous informent que la faune sauvage abrite actuellement 1,7 millions de virus encore inconnus, dont 50% seraient susceptibles d’infecter les humains [3]. Le dernier rapport Échapper à l’ère des pandémies [4] de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) précise que des pandémies plus fréquentes, plus mortelles et plus coûteuses sont à prévoir et que l’impact économique de l’actuelle pandémie est 100 fois supérieur au coût estimé de leur prévention. Dès lors, si nous ne changeons pas notre rapport aux autres animaux, nous n’éviterons pas de futures épidémies [5], avec toutes les conséquences que nous connaissons désormais.

 

Une origine qui dérange 

Bien que l’information que le virus provenait probablement d’un animal ait été relayée dès le début de la pandémie, les leçons concernant la prévention de futures épidémies n’ont pas encore été tirées. Peter Daszak, chercheur en zoologie et coauteur du rapport sus-cité, appelle à un changement radical dans l’approche globale de la lutte contre les maladies infectieuses : il faut laisser une place plus grande à la prévention qu’à la réaction [6].

De son côté, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) nous apprend qu’elle mène depuis de nombreuses années des travaux de recherche sur les mécanismes de transmission inter-espèces des coronavirus [7]. Ces infections sont connues de la médecine vétérinaire car elles sont fréquentes et peuvent avoir un impact économique important, particulièrement dans les élevages de jeunes ruminants, de porcs, de poulets et de dindes. Des opérations de vaccination sont même régulièrement pratiquées dans les élevages de rente soumis au risque infectieux. Les 3 virus émergents dont nous parlions plus haut ont vraisemblablement franchi la barrière inter-espèce par le biais d’un mammifère, et l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) [8] nous rappelle que plusieurs coronavirus connus qui n’ont pas encore infecté les humains circulent chez certains animaux.

Toutes les instances font les mêmes constats. Pour lutter contre la propagation de l’épidémie, il faut casser les chaînes de transmission, en évitant la transmission aux populations animales au plus tôt. Pour lutter contre l’apparition de mutations dangereuses, il faut réduire la fréquence des infections (humaines et animales[9]. Les recommandations partagées à l’échelle internationale vont dans le même sens : il faut éviter les contacts étroits entre les individus. Cette nouvelle pratique que nous appelons “distanciation sociale” permet de stopper la propagation du virus et donc la pandémie. Mais, le coût de cette pratique s’avère très élevé. Tant au niveau social et économique qu’au niveau psychologique, l’impact du confinement répété pourrait être le plus gros choc planétaire depuis la Seconde Guerre mondiale.

N’en déplaise aux écologistes représentatifs [10] qui entretiennent un flou artistique [11] et aux écologues spécialistes de la question [12] peu décryptés [13], c’est bien de la relation que les humains entretiennent avec les animaux qu’ils convoitent que proviennent la majorité des pandémies. La déforestation[14], l’urbanisation [15], la métropolisation [16], l’industrialisation [17], l’aviation [18], le dérèglement climatique [19], la pollution de l’air [20], la disparition du monde sauvage [21], la perte de la biodiversité [22], sa dégradation [23], ses bouleversements [24] et sa “maltraitance”[25], la destruction de la nature[26], la modification de l’environnement [27], l’impact écologique [28], sa crise [29] et même son supposé déni [12], sont des facteurs plus ou moins aggravants qui découlent de l’activité humaine, mais qui ne sont pas à l’origine même des épidémies. C’est bien la transmission infectieuse de certains animaux à des humains, une “zoonose”, qui en est la cause. Désigner clairement des facteurs impliqués tout en entretenant un flou quant à la cause manifeste un étrange double standard dans le traitement de l’information, qui nuit indiscutablement à la compréhension de l’émergence des zoonoses. Il est tout à fait sidérant qu’on puisse prétendre tirer des leçons, proposer de grandes théories intriquées tout en appelant à une profonde radicalité, en évitant soigneusement l’origine même de ce qui a provoqué la situation désastreuse que nous vivons.

L’approche non anthropocentrée permet d’inclure les autres animaux dans notre sphère de considération en respectant leurs intérêts et donc leur intégrité physique. Elle nous prémunit contre les pratiques identifiées comme particulièrement à risques que sont la chasse, l’élevage et l’exploitation animale en général. Malheureusement, notre système alimentaire reste basé en grande partie sur l’exploitation animale ; notre culture n’est pas animaliste et des traditions à risques pourtant majoritairement rejetées [30] perdurent.

L’action au plus fort potentiel réducteur de risque épidémique

Toute infection zoonotique passe nécessairement par deux étapes [31] qui sont communes à toute émergence de maladie: le contact humain avec l’agent infectieux et la transmission de celui-ci. Les agents pathogènes zoonotiques représentent la source la plus probable de maladies infectieuses émergentes et réémergentes, si bien qu’une étude [32] révèle que les nouveaux agents pathogènes ont deux fois plus de chance d’être d’origine zoonotique que non zoonotique (58% des agents pathogènes humains le sont). En retour, d’après cette autre étude qui date de 2001 [33], 39% des pathogènes humains ont infecté des animaux domestiques, 44% des animaux sauvages et 26% les trois catégories. Globalement, 60% des maladies infectieuses connues [34] et 75% des maladies infectieuses émergentes [35] sont d’origine animale. Elles affectent 2,5 milliards de malades et tuent 2,7 millions d’humains chaque année. Cette menace sérieuse pour l’humanité en fait un des objets de recherche les plus importants aujourd’hui [36]. Pour s’en rendre compte, la grippe espagnole, d’origine aviaire [37], a à elle seule tué plus d’humains que la tristement plus célèbre première guerre mondiale. Cinq siècles plus tôt, la variole et la grippe (issues des animaux domestiques) avaient décimé une grande partie de la population amérindienne.

 

 

L’exploitation des animaux, quelle qu’elle soit, facilite les contacts étroits entre les animaux sauvages et les humains aux origines mêmes de la majorité des zoonoses [38], si bien que parmi les espèces sauvages menacées, celles dont la population a diminué en raison de l’exploitation et de la perte d’habitat ont partagé plus de virus avec l’homme [39]. Les animalistes analysent les zoonoses pour ce qu’elles sont et non pour ce qu’ils voudraient qu’elles soient. Vu qu’ils ne considèrent plus les animaux comme des ressources, ils n’ont pas de point aveugle sur leur utilisation que les comportements encouragés par notre société perpétuent. En respectant l’intégrité des animaux pour eux-mêmes, on évite la plupart des comportements à risques responsables des contaminations humaines. Or cela tombe bien parce qu’aujourd’hui, il existe un courant de pensée philosophique et moral qui inscrit la considération de l’animal pour lui-même à son fondement : l’antispécisme [40]. En nous apprenant que l’espèce n’est pas un critère pertinent de considération morale en soit, il prône la sortie de toute exploitation animale, quelle qu’elle soit. Alors que l’ensemble des actions à risques zoonotiques reconnues par les scientifiques relèvent exclusivement de comportements spécistes, le remède racinaire se révèle être l’antispécisme.

Une étude parue en août dernier [41] corrobore ces analyses et souligne clairement la production de viande comme première responsable des épidémies, soit directement par un contact accru avec les animaux sauvages et d’élevage, soit indirectement par son impact environnemental (avec comme premier facteur aggravant associé [32], le changement de l’utilisation des terres avec 27% des terres dédiées à l’élevage contre 1% pour l’urbanisation et ses infrastructures [42] par exemple). Ces analyses étayent les travaux de Serge Morand, écologue et directeur de recherche au CNRS, qui montrent que les mammifères domestiqués sont les principaux acteurs du réseau de transmission zoonotique et que plus le temps écoulé depuis la domestication est élevé, plus nous partageons d’agents pathogènes. Ces chercheurs font savoir que limiter le risque épidémique ne pourra pas vraiment se faire par l’amélioration des élevages et que seule une réduction de la consommation de viande permettra de limiter ce risque. Pour ce faire, ils avancent des propositions concrètes telles que notamment la mise en œuvre d’une taxe zoonotique [41] qui pourrait se coupler à une taxe carbone ainsi que la promotion des régimes alimentaires basés sur le végétal à travers les recommandations nutritionnelles officielles par des politiques d’information et de conseil à grande échelle. Dans l’immédiat, des études observationnelles et expérimentales solides [43] montrent que le fait de doubler la proportion de repas végétariens proposés dans des cafétérias augmente les ventes de produits végétariens de 41 % à 79 %.

Au-delà de l’antispécisme, il existe bien évidemment des stratégies de réduction de risque épidémiques. Les vaccins et les médicaments permettent de faire face à la crise. Seulement, ces stratégies sont curatives et présentent des limitations. Le fait que les coronavirus aient des taux de mutation de modérés à élevés [44] implique que les vaccins qui ciblent des antigènes qui ne sont pas conservés par la personne infectée ont peu de chance de conserver leur efficacité dans la durée. Cette étude de 2018 [45] précise que des médicaments à large spectre peuvent présenter l’inconvénient de potentiels effets indésirables.Faire ce que propose l’antispécisme, quant à lui, semble être un bon moyen pour réduire drastiquement le risque de manière préventive.

L’intérêt général de l’antispécisme

Dès lors, l’impact dévastateur de la pandémie de COVID-19 nous enjoint de sortir de notre consommation de produits animaux. Une nouvelle étude [46] établit même l’analogie entre manger de la viande et ne pas se vacciner. En effet, se vacciner et ne pas manger de viande répondrait aux trois mêmes impératifs moraux : prévenir les dommages individuels, éviter la complicité dans les dommages collectifs et faire preuve d’équité. Si nous abandonnons collectivement la consommation de viande alors, au même titre qu’une couverture vaccinale qui offre une immunité collective, nous réduisons ainsi drastiquement le risque de maladies infectieuses dans l’intérêt public. A l’instar de la vaccination, ce devoir est pro tanto, c’est-à-dire qu’il est applicable seulement dans une certaine mesure. Si il n’existe pas d’alternative à la viande et que son refus met la vie humaine en danger alors il ne s’applique plus. Dans ce cas, manger de la viande pour survivre impose un risque nécessaire aux autres. Cependant, ceux qui disposent d’options alimentaires riches et variées comme nous pouvons désormais en profiter en occident, ont clairement intérêt, selon un certain principe de précaution, à collectivement éviter toute viande d’où qu’elle vienne. Bien que les épidémies qui ont infecté l’humain jusqu’à présent n’ont pas anéantie l’humanité, la science a documenté des cas où des maladies provoquent l’extinction d’une espèce entière [47].

Si nous ne voulons pas vivre une nouvelle épidémie qui nous obligerait à une nouvelle distanciation sociale en plus des nombreux désagréments pesants au quotidien, nous devons collectivement éviter les comportements les plus à risque que sont l’élevage et la chasse en particulier, l’exploitation animale en général. Seulement, ces comportements sont ancrés dans nos cultures humaines depuis toujours. C’est donc à une évolution majeure de l’espèce humaine que nous appelons [48]. Bien loin des caricatures projetées sur son projet politique par ses détracteurs, l’antispécisme se révèle bien plus pragmatique qu’il n’y paraît. En minimisant au maximum les risques épidémiques il offre un potentiel préventif transformateur choisi à moindre coût plutôt qu’une gestion de crise subie, dramatique et exorbitante. Au-delà de ces aspects, il s’inscrit dans la parfaite continuité de l’augmentation de notre sphère considération pour l’amélioration des conditions de chacun, et bientôt, y compris les animaux.

[1] Britt Glaunsinger, « Coronaviruses 101: Focus on Molecular Virology », Innovative Genomics Institute – IGI, mars 2020

[2] Woo, P. C. et al. (2012). Discovery of seven novel Mammalian and avian coronaviruses in the genus deltacoronavirus supports bat coronaviruses as the gene source of alphacoronavirus and betacoronavirus and avian coronaviruses as the gene source of gammacoronavirus and deltacoronavirus. Journal of virology (IF2019-4.501), citée 938 fois (DOI: 10.1128/JVI.06540-11)

[3] Carroll, D. et al. (2018). The global virome project. Science (IF2019-41.8045), citée 205 fois (DOI: 10.1126/science.aap7463)

[4] Échapper à l’«ère des pandémies»: Les experts mettent en garde contre de pires crises à venir; Options proposées pour réduire les risques. La Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES). 2020

[5] Anthony Detrier, « Ce nouveau coronavirus transmis par les porcs aux humains inquiète les chercheurs », Gentside, octobre 2020

[6] Clémentine Thiberge, « Prévenir les pandémies plutôt que les guérir serait cent fois moins coûteux », Le Monde, octobre 2020

[7] Les coronavirus, Carte d’identité et rôle de l’Anses, L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), mars 2020

[8] Coronavirus, Organisation Mondiale de la Santé (OMS)

[9] SARS-CoV-2 Variants, World Health Organization (WHO), décembre 2020

[10] Olivia Gesbert, « Bruno Latour : « Ce virus est là pour nous préparer à l’épreuve suivante, le nouveau régime climatique » », France Culture, janvier 2021

[11] Dimitri de Boissieu, « Coronavirus : le jour où les animaux se révoltèrent contre les humains… », Reporterre, mars 2020

[12] Un collectif d’écologues, « La prochaine pandémie est prévisible, rompons avec le déni de la crise écologique », Libération, avril 2020

[13] Christian Leveque, « La destruction de la biodiversité a-t-elle engendré le Coronavirus ? », European Scientist, avril 2020

[14] « Les recherches sur les liens entre déforestation et épidémies sont insuffisantes, alertent des scientifiques », Reporterre, mai 2020

[15] Guillaume Faburel, « Pandémie : « L’urbanisation et la métropolisation généralisées sont le creuset de la crise sanitaire » », Marianne, avril 2020

[16] Marie Astier pour un entretien avec Guillaume Faburel, « La métropolisation du monde est une cause de la pandémie », Reporterre, mars 2020

[17] Sonia Shah, « Contre les pandémies, l’écologie », Le Monde diplomatique, mars 2020

[18] « L’aviation a joué un rôle central dans la propagation du coronavirus », Reporterre, mars 2020

[19] Justine Guitton-Boussion, « Le coronavirus, une épidémie favorisée par l’avion et le dérèglement climatique », Reporterre, janvier 2020

[20] Gérald Roux, « Le rôle de la déforestation et de la pollution dans l’épidémie de Covid-19 », franceinfo, mars 2020

[21] Juliette Duquesne pour un entretien avec Serge Morand, « Coronavirus : « La disparition du monde sauvage facilite les épidémies » », Marianne, mars 2020

[22] Laurent Radisson, « Érosion de la biodiversité et pandémies : le pire est à venir », Actu-Environnement, octobre 2020

[23] Perrine Mouterde, « Coronavirus : la dégradation de la biodiversité en question », Le Monde, avril 2020

[24] Martine Valo pour un entretien avec Philippe Grandcolas, « Coronavirus : « L’origine de l’épidémie de Covid-19 est liée aux bouleversements que nous imposons à la biodiversité » », Le Monde, avril 2020

[25] Fabrice Pouliquen pour un entretien avec Philippe Grandcolas, « Coronavirus : « Cette épidémie est la conséquence d’une biodiversité que l’on maltraite », selon Philippe Grandcolas », 20 minutes, avril 2020

[26] John Vidal, « ‘Tip of the iceberg’: is our destruction of nature responsible for Covid-19? », The Guardian, mars 2020

[27] Mathieu Vidard pour un entretien avec Jean-François Guégan, « Coronavirus : En quoi la pandémie actuelle est-elle liée à l’environnement ? », France Inter, mars 2020

[28] Sébastien Billard pour un entretien avec Rodolphe Gozlan, « »Le Covid-19 était inévitable, et même prévisible  » du fait de notre impact écologique », L’Obs, mars 2020

[29] Christelle Guibert pour un entretien avec Laurence Tubiana, « Le coronavirus est lié à la crise écologique, à nos modes de vie », Ouest France, mars 2020

[30] Ifop pour Caniprof, « Référendum sur la protection animale : Les Français soutiennent les animaux », Ifop, juillet 2020

[31] Childs, J. E. et al. (2007). Introduction: conceptualizing and partitioning the emergence process of zoonotic viruses from wildlife to humans. Wildlife and emerging zoonotic diseases: The biology, circumstances and consequences of cross-species transmission ; Citée 54 fois (DOI : 10.1007/978-3-540-70962-6_1)

[32] Woolhouse, M. E., & Gowtage-Sequeria, S. (2005). Host range and emerging and reemerging pathogens. Emerging infectious diseases (IF2019-6.259), citée 1282 fois (DOI: 10.3201/eid1112.050997)

[33] Cleaveland, S., Laurenson, M. K., & Taylor, L. H. (2001). Diseases of humans and their domestic mammals: pathogen characteristics, host range and the risk of emergence. Philosophical Transactions of the Royal Society of London. Series B: Biological Sciences (SJR2019-3.051), citée 1067 fois (DOI : 10.1098/rstb.2001.0889)

[34] Salyer, S. J. et al. (2017). Prioritizing zoonoses for global health capacity building—themes from One Health zoonotic disease workshops in 7 countries, 2014–2016. Emerging infectious diseases (IF2019-6.259), citée 54 fois (DOI: 10.3201/eid2313.170418)

[35] Kurpiers, L. A. et al. (2016). Bushmeat and emerging infectious diseases: lessons from Africa. In Problematic wildlife (pp. 507-551). Springer, citée 32 fois (DOI : 10.1007/978-3-319-22246-2_24)

[36] World Health Organization, Pandemic Influenza Preparedness and Response, A WHO guidance document, 2009

[37] Hoag, H. Study revives bird origin for 1918 flu pandemic. Nature News. (DOI : 10.1038/nature.2014.14723)

[38] Jones, B. A. et al. (2013). Zoonosis emergence linked to agricultural intensification and environmental change. Proceedings of the National Academy of Sciences (IF2019-9.412), citée 487 fois (DOI : 10.1073/pnas.1208059110)

[39] Johnson, C. K. et al. (2020). Global shifts in mammalian population trends reveal key predictors of virus spillover risk. Proceedings of the Royal Society B (IF2020-4.304), citée 150 fois (DOI : 10.1098/rspb.2019.2736)

[40] Thomas Lepeltier, Yves Bonnardel et Pierre Sigler, « L’antispécisme est un projet politique réaliste », L’Amorce, 2018

[41] Espinosa, R., Tago, D., & Treich, N. (2020). Infectious diseases and meat production. Environmental and Resource Economics (IF2019-5.167), citée 8 fois (DOI : 10.1007/s10640-020-00484-3)

[42] Ritchie, H., & Roser, M. (2013). Land use. Our World in Data. Citée 21 fois

[43] Garnett, E. E. et al. (2019). Impact of increasing vegetarian availability on meal selection and sales in cafeterias. Proceedings of the National Academy of Sciences (IF2019-9.412), citée 40 fois (DOI : 10.1073/pnas.1907207116)

[44] van Dorp, L. et al. (2020). Emergence of genomic diversity and recurrent mutations in SARS-CoV-2. Infection, Genetics and Evolution (IF2018-2.611), citée 303 fois (DOI : 10.1016/j.meegid.2020.104351)

[45] Totura, A. L., & Bavari, S. (2019). Broad-spectrum coronavirus antiviral drug discovery. Expert opinion on drug discovery (IF2016-3.846) citée 104 fois (DOI : 10.1080/17460441.2019.1581171)

[46] Jones, B. (2020). Eating meat and not vaccinating: In defense of the analogy. Bioethics (IF2018-1.66) (DOI : 10.1111/bioe.12834)

[47] Dodds, W. (2019). Disease now and potential future pandemics. In The World’s Worst Problems (pp. 31-44). Springer, Cham, citée 8 fois (DOI : 10.1007/978-3-030-30410-2_4)

[48] David Olivier : « L’animalisme nous mène à un progrès civilisationnel majeur », Le Monde, 2019

L’énigme des experts climatiques face à l’urgence

Ou comment passer à côté du principal facteur émetteur mondial qu’est l’élevage

Temps de lecture estimé : 35 min

Résumé

Introduction

Le cas carbone

D’un texte riche et inspirant…

Une approche transversale intéressante

Insoumis aux entournures

…au point aveugle problématique que constitue l’élevage

De quelle quantité d’émission de GES l’élevage est-il responsable ?

Des études françaises…

…aux études internationales

Notre psychologie au secours du climat

L’approche de Jean-Marc JANCOVICI comme cas d’école

L’élevage ne concerne pas uniquement le secteur de l’alimentation

L’indicateur économique nous renseigne sur l’ampleur de la situation

Le dilemme énergétique

La démographie pose-t-elle vraiment problème ?

Partage contre accaparement des ressources

Conclusion

Message

Au travers les résultats des études du cabinet Carbone 4 ainsi que des études internationales d’ampleurs, nous tentons de démontrer que le curseur ne pointe délibérément pas vers la meilleure stratégie de réduction des émissions de GES.

Résumé

En ne pointant délibérément pas l’abandon de l’élevage comme solution pour le climat, l’article de novethic « Le classement des meilleures solutions pour le climat » invisibilise le principal facteur d’émission de Gaz à Effet de Serre. Une considération dont on ne peut pas se passer alors qu’y est évoqué l’urgence, la radicalité et même un certain déploiement agressif de solutions ! Si nous ne changeons pas d’orientation d’ici à 2020, s’alarmait Antonio Guterres alors secrétaire général de l’ONU, nous risquons des conséquences désastreuses pour les humains et les systèmes naturels qui nous soutiennent.

Ce cas n’est malheureusement pas isolé : nous constatons régulièrement cette incohérence dans le discours des experts largement relayé par les médias. Dès lors, quel doit être le sens des priorités pour agir efficacement contre le réchauffement climatique ?

Par l’analyse des travaux et discours du Monsieur Climat Français, Jean-Marc Jancovici, et au travers d’une interview choisie, ce rapport met en lumière cet étrange ordre des priorités qui place les questions liées à l’élevage et à l’alimentation au second plan alors qu’elles s’en situent à la pointe. Etant donné les enjeux graves autour du réchauffement climatique, il est essentiel de savoir où porter l’effort. Alors que nous nous focalisons sur l’aviation et le numérique, tant et si bien que la honte de prendre l’avion reçoit un écho de plus en plus fort, ces deux secteurs participent respectivement à hauteur de 2 et 4% des émissions de Gaz à Effet de Serre mondiales (soit 25 et 13 fois moins que l’élevage selon l’estimation de Jean-Marc Jancovici*).

Au-delà de son cas, ce document pointe la dissonance cognitive à laquelle nous faisons face. Bien que les experts démontrent à longueur d’études que le plus fort potentiel de réduction d’émission se situe bien sur l’alimentation, ils peinent à en déduire les recommandations claires vis-à-vis du changement de comportement à adopter. Abandonner l’élevage et donc profondément, voir totalement végétaliser l’alimentation entraineraient pourtant une réduction de ¾ des émissions du seul secteur de l’alimentation.

Ce rapport est également l’occasion d’une présentation factuelle du dilemme énergétique qu’impose l’élevage face au dérèglement climatique. A APALA nous tenons à mettre les faits au cœur des enjeux majeurs de notre époque et à démontrer les insuffisances de rigueur, même chez des intellectuels qui ont par ailleurs tout notre respect pour l’incroyable travail accompli.

Introduction

Nos sociétés contemporaines émettent de plus en plus de Gaz à Effet de Serre (GES) qui réchauffent l’atmosphère en absorbant le rayonnement infrarouge. Ils diminuent la propension qu’a notre atmosphère à renvoyer l’énergie du soleil dans l’espace en la gardant sur Terre. Ce piégeage de chaleur est le phénomène d’augmentation des températures moyennes océaniques et atmosphériques plus connu sous le nom de réchauffement climatique. D’après les climatologues, plus de 70% de ce forçage radiatif serait imputable aux énergies dites carbonées. Or nous consommons de plus en plus d’énergie carbonée d’origine fossile, qui provient du charbon, du pétrole et du gaz. Si bien que de 2000 à 2018, la consommation de charbon a augmenté 11 fois plus que le solaire et 5 fois plus que l’éolien dans le monde.[1] Nous voyons donc ici à quel point il est dangereux de compter sur l’essor des énergies renouvelables qui ne font qu’ajouter leur production au lieu de la substituer. Nous aurions déjà mesuré une augmentation de +1°C par rapport à la seconde moitié du 19ème siècle et les dernières prévisions pessimistes annoncent +7°C d’ici à 2100.[2] Pour s’en rendre compte, il y a 20 000 ans à l’âge glaciaire, tandis qu’il faisait en moyenne 5°C de moins qu’aujourd’hui: plusieurs kilomètres de glace recouvraient l’Amérique et l’Europe du Nord, la France ressemblait au nord sibérien actuel et la mer était plus basse de 120 mètres ! [3] Aujourd’hui l’augmentation est de 50 à 100 fois plus rapide. Faisant face à l’élévation de température la plus rapide que la Terre n’ai jamais connue, nous devons néanmoins nous accommoder à un monde aux ressources physiques limitées.

Auteur principal du Bilan Carbone de l’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie), Jean-Marc JANCOVICI a fondé Carbone 4, le cabinet de conseil sur la transition bas carbone. Il est le président de l’association The Shift Project qui milite pour la décarbonation volontaire de l’économie. Venant d’être nommé au Haut conseil pour le climat qui est l’organisme chargé d’émettre des avis et recommandations sur la mise en œuvre des politiques et mesures publiques pour réduire les émissions de gaz à effet de serre en France, il incarne la personne incontournable de la problématique. Par ailleurs, très suivi dans nos réseaux, il se révèle très influent dans les milieux sensibilisés. Il est un peu le ״Monsieur Climat français״. C’est pourquoi nous croyons pertinent d’analyser le positionnement des experts climatiques par son biais. Saluons l’engagement constant dont il fait preuve à longueur de conférences, tables rondes, interview, auditions, vidéos etc… en général, et pour cet article en particulier qui participe à visibiliser la question environnementale notamment à travers les gisements de ressources.

Au travers la critique de son interview, « l’Europe est en décroissance énergétique depuis 2007 »[4] paru dans le Hors-Série n°6 de Socialter, « L’avenir sera low-tech » que nous vous conseillons chaudement, nous tenterons de mettre en exergue l’écart entre ses résultats et ses recommandations, ce qui fatalement, nous est préjudiciable. Tout semble bien confirmer que même un expert comme Jean-Marc Jancovici mobilise plus d’énergie sur des problématiques secondaires (comme le transport) plutôt que sur l’élevage, dont il affirme pourtant lui-même la prépondérance dans le bilan carbone mondial.

Le cas carbone

Dans une optique de recherche de solution à la réduction d’impact environnemental de nos actions, l’empreinte carbone est l’indicateur privilégié. Le pouvoir de réchauffement climatique des émissions de gaz à effet de serre n’étant plus à démontrer, c’est la mesure de référence qu’il convient de considérer pour aiguiller nos choix tant au niveau collectif qu’individuel. Commençons ici par ses  explications concernant la comptabilité carbone, dispensées aux étudiants des Mines.

La Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC)[5] qui a été adoptée au cours du Sommet de la Terre de Rio de Janeiro en 1992 par 154 États (plus les pays membres de la Communauté européenne) est la première tentative, dans le cadre de l’ONU, de mieux cerner ce qu’est le changement climatique et comment y remédier. La conclusion selon M. Jancovici :

  • On va se donner pour objectif de maintenir le changement climatique entropique à des niveaux qui ne présentent pas de dangers pour l’Homme.

La comptabilité carbone est en fait le bilan carbone. Elle regarde avec des unités physiques (unités de masse) la quantité de carbone qu’on extrait du sol et, qu’une fois oxydé, on envoie dans l’atmosphère. Il est initialement conçu pour donner une visibilité sur la contribution de nos activités à l’enrichissement atmosphérique en CO2 et par construction il renseigne (avec la même métrique) sur l’épuisement des ressources (le carbone est initialement extrait d’un gisement de combustible fossile). La même comptabilité physique nous permet donc de nous attaquer à la question de la disponibilité en combustibles fossiles ainsi qu’à celle du réchauffement climatique.

Les caractéristiques physiques et chimiques des gaz à effet de serre font qu’il est légitime d’agréger les émissions de CO2 d’où qu’elles viennent. Ils ont une très grande longévité chimique dans l’atmosphère qui se compte en décennies voir en siècles. Or l’atmosphère à un système de circulation à grande échelle qui fait qu’elle est brassée sur sa totalité en l’espace d’un ou deux ans. Le lieu de l’émission n’a donc strictement aucune espèce d’importance. C’est la raison pour laquelle, en ce qui concerne les émissions de gaz à effet de serre, il est légitime de ne pas se soucier de leur lieu d’émission pour tenir compte de leur impact sur le changement climatique. Autrement dit, l’atmosphère représente un grand pot commun où personne ne va hériter des impacts de ses propres émissions. Un inventaire des émissions permet de comprendre de quels processus dépend l’activité. Le bilan carbone vise à caractériser les liens de dépendances.

Il y a donc un intérêt général humain à considérer les émissions de GES de chacun. S’en sentir concerné semble constituer la première étape.

D’un texte riche et inspirant…

Une approche transversale intéressante

Tout d’abord cette interview est une bonne occasion d’apprendre de nouvelles choses : les sociétés auraient été techniquement low-tech mais aussi plus rigides qu’aujourd’hui. Contre intuitivement, la spécialisation était plus importante et c’est la technologie qui nous a permis une forme de liberté individuelle. Quant aux civilisations historiques européennes et asiatiques, elles faisaient preuve d’ingéniosité pour pallier à la rareté locale d’une ressource. Plutôt que d’ignorer la contrainte elles reconnaissaient ses limites de manière à optimiser son exploitation.

Son constat est sans appel : trop de ressources ont été employées à tort et à travers, pour des suppléments de confort optionnels rendant insoutenable notre mode de vie. Diminuer les flux de matières premières et rendre explicite l’arbitrage aujourd’hui implicite sont désormais impératifs.

 

Insoumis aux entournures

Alors que nous connaissons ses positions à propos de la préservation de l’énergie nucléaire pour surmonter le dérèglement climatique comme amortisseur de la contraction, il rend responsable le système médiatique du manque de conscience écologique de la population.

Faisant fi des convenances, avec aussi un brin d’impertinence, il préconise des changements plus ou moins radicaux, allant de la réduction par 3 de la consommation des voitures avant de passer à l’électrique, à la question de la liberté des propriétaires de logements vacants.

Conscient que le nouveau point d’équilibre risque de contraindre davantage nos libertés individuelles, il invoque un régime désirable et ludique pour espérer y parvenir. Enfin, plutôt que d’imaginer un niveau de vie à l’arrivée, Jean-Marc Jancovici préfère envisager la dynamique pour y parvenir, ce qui n’est pas pour nous déplaire.

…au point aveugle problématique que constitue l’élevage

                En traitant de manière transversale la question climatique, J.M. Jancovici questionne des sujets à priori éloignés des enjeux énergétiques. A ce titre, il prend régulièrement des positions radicales pour espérer limiter notre empreinte énergétique. Diminuer tôt ou tard la population humaine ou interdire les greffes d’organes pour les personnes de plus de 65 ou 70 ans en sont deux exemples significatifs. Il nous semble alors légitime de nous questionner sur la pertinence de tels propos. Est-ce vraiment sur ce genre de levier que se situent les principales marges de manœuvres ? Il affirme lui-même que les choix pour réduire notre impact environnemental sont mal éclairés lorsqu’il s’agit de se mettre délibérément au régime pour durer.

Paradoxalement, M. Jancovici sous-estime son manque d’éclairage sur l’apport de l’élevage pour espérer résoudre la crise environnementale. A contrario, il préfère des sujets comme l’aviation et le numérique, alors même que d’après ses propres résultats, les marges de manœuvre y sont très limitées.

Pourquoi est-ce que des experts compétents biaisent-ils en définitive leurs propres résultats d’étude ? Quelles motivations peuvent pousser un scientifique à minorer, consciemment ou inconsciemment, ses propres chiffres ?

De quelle quantité d’émission de GES l’élevage est-il responsable ?

Toujours dans son cours intitulé « La comptabilité carbone »[6], Monsieur Jancovici a soumis à l’expertise des étudiants de l’école des Mines des cas concrets à l’aide de bilans carbone d’un distributeur d’eau, d’un opérateur téléphonique, d’une société de BTP, d’une banque (hors prêts) ainsi qu’un organisme public de promotion des échanges culturels. Le but étant de dévoiler la pertinence de telle ou telle action qui aurait à priori été plébiscité, ce petit exercice d’analyse rapide de cas pratiques révèle toute l’utilité des bilans carbone. Si une diminution des émissions carbone est souhaitée, son bilan permet de comptabiliser les postes et aide ainsi à choisir le ou les actions les plus impactantes pour parvenir le plus efficacement et le plus facilement possible au résultat escompté.

Pour l’opérateur téléphonique français, l’électricité de chargement des téléphones portables se révèle ainsi être un poste d’émission marginal comparé à leur fabrication par exemple (facteur 10). L’action la plus intéressante quant à elle, semble être d’éviter de passer à la 5G comme le mentionne très justement un étudiant. Bien-sûr ces arbitrages impliquent des contreparties, qui vont généralement à l’encontre des intérêts de l’entité ainsi étudiée. Des arbitrages peuvent alors être réalisés en toute conscience si l’analyse fait état des éventuels coûts cachés potentiellement préjudiciables à l’entreprise.

A l’instar des différents cas concrets présentés aux étudiants, l’analyse du bilan carbone mondial par secteur nous renseigne sur les marges de manœuvre applicables à la réduction globale des gaz entropiques. Le 5 mars 2016, nous avions adressé une lettre ouverte à Jean-Marc Jancovici [7] concernant l’évaluation des émissions réellement imputables au secteur paraissant prépondérant dans la balance de par son imbrication sectorielle : l’élevage.

״L’élevage concentrerait à lui seul 14.5% des GES selon la FAO [8] mais 51% selon le World Watch Institute [9] qui affirme prendre en considération   la   respiration   du   cheptel   mondial. Sur   votre   visuel   «Décomposition   des émissions mondiales en 2014» 20% des émissions sont imputées à l’agriculture en générale. La  déforestation  représente  également  8%  du  total. Or toujours selon la FAO, l’élevage est responsable de 70% de la déforestation actuelle. Alors, quelles sont réellement les émissions imputables à l’élevage? ״

A cette question il nous avait précisé à juste titre :

״Sur la part de l’élevage dans les émissions mondiales, il faut sommer les émissions directes du cheptel (rumination, déjections), celles de la culture des céréales qui alimentent les bestiaux (protoxyde après épandage des engrais, diesel des tracteurs), voire de fabrication des engrais N pour la culture des céréales qui alimentent le cheptel, et enfin la déforestation en amont clairement imputable à l’alimentation animale (pâturages, soja).

La respiration n’entre pas en ligne de compte (attention à ne pas confondre avec rumination). La respiration restitue à l’atmosphère, sous une forme oxydée, le carbone contenu dans les plantes mangées par l’animal, et ce carbone provient… de l’atmosphère. C’est donc un cycle fermé. ״

Et nous a répondu sans détour : ״A vue de nez, j’accepte l’idée que ça fait une moitié au moins. ״

Or comme l’a très justement rappelé M. Jancovici ״les raisonnements en parts de camembert ne représentent pas les dépendances qu’il peut y avoir entre deux parts. ״ La déforestation et l’agriculture en constituent un très bon exemple.

Une moitié au moins… force est de constater qu’une telle information ne s’est jamais propagée jusqu’alors. Tout le monde semble avoir retenu que l’élevage représente à lui seul une part plus importante que celle de l’ensemble des transports réunis (13,5%)[10], très loin d’une moitié. Selon ses dires, ce résultat serait en fait obtenu en ramenant le pouvoir de réchauffement global (PRG) du méthane et du protoxyde d’azote sur une période de 20 ans au lieu des 100 ans communément utilisés[11]. Quelle échelle est alors aujourd’hui la plus judicieuse à utiliser ? Sa réponse semble nous renseigner quant à son avis sur cette question. Cependant, des désaccords semblent subsister sur la méthodologie à privilégier. Le seul passage d’une échelle de 100 à 20 ans ne permettant pas d’arriver à la moitié des émissions mondiales, mais plutôt aux alentours des 30%, quels sont alors les points implicites permettant d’y parvenir ?

Des études françaises…

Dans son article « Combien de gaz à effet de serre dans notre assiette ? »[12], M. Jancovici arrivait en 2010 à la conclusion que l’alimentation représentait environs 1/3 de nos émissions françaises. La dernière mise à jour date de 2017. Dans « Notre (r)évolution carbone »[13] son cabinet d’audit, Carbone 4 dévoilait précisément nos émissions de carbone : 23,6% pour l’alimentation avec 75% de viandes et produits laitiers soit 17,7% du total.

Déjà, une différence importante peut être constatée entre l’analyse sectorielle et la moyenne individuelle, la part des émissions liée à notre alimentation passe de 1/3 à 1/4. Seules des précisions quant aux méthodes de calculs semblent pouvoir éclaircir ces résultats.

Dans son dernier rapport « Faire sa part ? »[14], Carbone 4 précise le pouvoir et les responsabilités des individus, des entreprises et de l’état face à l’urgence climatique toujours à l’aide de ces fameuses parts d’émissions issues de bilans carbone. On y apprend que le passage d’un régime carné à un régime végétarien représente à lui seul 10% de baisse de l’empreinte totale (40% du total de la baisse maximale induite par les changements de comportements étudiés). Précision apportée : ״comparaison des facteurs d’émissions «Repas moyen» et «Repas végétarien» de la Base Carbone de l’ADEME. Les effets de bord tels que l’impact de la suppression de l’utilisation des déjections animales dans les amendements n’ont pas été pris en compte. ״

On retrouve environ ce chiffre à partir d’un simple produit en croix sur la réduction en pourcentage qu’impliquerait la suppression des viandes de l’alimentation de « Notre (r)évolution carbone » (9,7%). Ça semble logique, c’est Carbone 4 qui a produit les deux études.

…aux études internationales

Selon une étude publiée en 2013 basé sur le modèle suédois (Åström et al. 2013)[15], le régime végétarien permettrait de réduire de 46% la part d’émission de l’alimentation. Si on applique alors ce pourcentage à la part de « Notre (r)évolution carbone », on retombe sur 10,9% soit environs la même réduction annoncé par Carbone 4 au pourcentage près.

A la page 9 du rapport « Faire sa part ? » la remarque : ״ Parmi les actions individuelles à plus fort impact, le passage d’un régime carné à un régime végétarien, voire végétalien, est significatif ״

Ces deux régimes ne sont pourtant pas les mêmes et leur analyse sectorielle détaillée montre que les produits laitiers représentent à eux seuls 34% de la part de l’alimentation soit plus de 8% du total. Alors que le végétalisme bien mené est un régime viable pour tous à toutes les étapes du cycle de vie, bon pour la santé et bénéfique pour la prévention et le traitement de certaines maladies (Craig et al. 2009)[16], pourquoi ne pas envisager conséquemment un tel régime ? Bien qu’il s’agisse de régimes alimentaire ; un, plus poussé que l’autre pourrait-on dire, cet amalgame est incompréhensible à une telle différence de niveau d’émission.

Le Foodwatch allemand de son côté, a estimé que passer à une alimentation végétalienne réduirait de 87% les émissions liées à l’alimentation[17]. En appliquant à nouveau ce pourcentage à notre proportion de viandes et de produits laitiers dans « Notre (r)évolution carbone », nous arriverions à 20,1% de réduction d’émission de GES sur notre bilan total. Non loin des 17,7% calculés à partir des résultats de Carbone 4. Soit une réduction de 1/5 des émissions totales de GES.

Ces résultats sont bien-sûr approximatifs. Pour ce qui est des produits en croix brut appliqués aux résultats détaillés de Carbone 4, ils ne prennent pas en compte une augmentation de la ration de fruits, légumes, céréales, oléagineux, noix etc à laquelle nous pouvons nous attendre. Cependant, compte tenu des faibles taux d’émission des aliments d’origine végétale, et de la non prise en compte d’impacts tels la suppression de l’utilisation des déjections animales dans les amendements nous pouvons raisonnablement considérer ces résultats.

 

Une étude américaine a évalué que les émissions induites par un régime omnivore d’origine 100% locale sont 7 fois supérieures à celles induites par un régime végétalien non local (Weber C.L. et al., 2008)[18]. Il y est également constaté que, bien que les denrées alimentaires soient transportées sur de longues distances en général (livraison moyenne de 1 640 km et chaîne d’approvisionnement du cycle de vie de 6 760 km en moyenne), les émissions de GES associées aux aliments sont dominées par la phase de production, représentant 83% des 8,1 t des ménages américains moyens (empreinte CO2e / an pour l’alimentation). Le transport dans son ensemble ne représenterait que 11% des émissions de GES du cycle de vie, et la livraison finale du producteur au détaillant que 4%.

L’étude de Poore et Nemecek (2018)[19] serait une des études alimentaires la plus vaste menée à ce jour. Publiée dans la revue Science, elle a collecté les données issues d’un échantillon de près de 40 000 exploitations agricoles dans 119 pays et couvre 40 produits alimentaires représentant 90% de tout ce qui est consommé. L’impact général de ces aliments a été évalué : utilisation des terres, émissions de GES, utilisation de l’eau douce, pollution de l’eau (eutrophisation) et pollution atmosphérique (acidification). Elle confirme l’écart important qu’il existe entre les émissions des produits végétaux et animaux[20]. M. Jancovici l’avait présenté sur un graphique (Emissions de gaz à effet de serre liées à la production d’un kg de nourriture, en kg équivalent carbone, avec une discrimination par gaz, pour les produits dits « conventionnels »)[21]. D’après lui, les émissions de gaz à effet de serre liées à la production d’un kilogramme de nourriture en système biologique restent du même ordre, voire augmentent un peu[22]. Il précise : cela est lié au moindre rendement des cultures, et au fait que les amendements bio (fumiers par exemple) conduisent aussi à des émissions de protoxyde d’azote.

Cet écart important se révèle à chaque nouvelle étude, qu’il soit question d’émission de gaz à effet  de serre, de consommation d’eau, d’occupation des terres arables, etc. Ce gap pourrait être représenté par deux courbes de tendance. Une appliquée aux produits végétaux, l’autre aux produits animaux. On verrait alors qu’il existe clairement un saut quantitatif d’émissions, de consommation et de monopolisation des ressources dans la très grande majorité des cas de figures ce qui n’est significativement pas le cas comparé au local, biologique de saison.

 

Springmann et al. (2018)[23] ont produit une autre étude d’ampleur qui tend à confirmer ces résultats au niveau global. Les chercheurs de l’Université d’Oxford ont modélisé les systèmes alimentaires de 159 pays sur la base de 62 produits agricoles entre 2010 et 2050 en faisant varier les régimes alimentaires, la performance des pratiques agricoles, et la réduction des pertes alimentaires. 5 indicateurs ont été considérés : émissions de GES, empreinte eau bleue (irrigation comprise), occupation des sols, consommation de phosphore et d’azote chimique. Conclusion :

  • Le changement de régime alimentaire constitue le plus gros levier de la transition.

Brent F. Kim et al. (2019)[24] ont mené une étude d’ampleur en modélisant les empreintes de GES et d’eau de neuf régimes alimentaires de plus en plus végétaux, alignés sur les critères d’un régime alimentaire sain, spécifiques à 140 pays. Une transition théorique vers un régime végétalien a permis de réduire de 70% en moyenne les empreintes de GES liées au régime alimentaire par habitant, par rapport au niveau de référence. Les régimes végétaliens avaient les empreintes de GES par habitant les plus faibles dans 97% des pays étudiés. Compte tenu des faibles empreintes de GES par kilocalorie de la plupart des aliments d’origine végétale, même une augmentation substantielle de leur consommation n’a que très peu d’effets sur les émissions globales de l’alimentation. Une remarque intéressante est que dans 95% des pays, les régimes comprenant uniquement des produits d’origine animale pour un repas par jour émettent moins de GES que les régimes lacto-ovo-végétariens (dans lesquels les viandes terrestres et aquatiques étaient entièrement éliminées). Ceci s’explique en partie par le poids équivalent carbone considérable des produits laitiers.

Enfin l’étude de GRAIN et l’Institute for Agriculture and Trade Policy (IATP) nous dit que si la croissance du secteur de la viande et des produits laitiers continue comme prévu, le secteur de l’élevage pourrait absorber à lui seul, 80% du « budget » annuel d’émissions de gaz à effet de serre compatible avec la limitation du réchauffement climatique à 1,5°C d’ici à 2050. Autrement dit, 4/5ème des émissions admissibles !

 

A l’instar de Herrero et al. (2011)[25], nous pensons qu’il est impératif de connaître la part des émissions de GES réellement imputable à l’élevage, dans sa globalité, afin de la considérer conséquemment, c’est-à-dire à la hauteur de son impact. De telles disparités sont incompréhensibles, 14,5%, 20%, 30% et 51% sont écartés de plus d’un facteur 3, pour des proportions aussi massives c’est le seul et unique cas, les hypothèses ne parvenant décidément pas à expliciter les résultats.

 

Notre psychologie au secours du climat

A première vue, si nous partons de l’hypothèse que nous avons toutes les informations, nous pouvons raisonnablement espérer nous mettre en action afin d’endiguer le dérèglement climatique. Or, il semblerait que des mécanismes réfractaires au changement soient à l’œuvre. Pour changer ses habitudes il faut sortir de sa zone de confort, et ça n’est pas chose aisée. Une motivation certaine doit nous permettre de faire évoluer nos actions quotidiennes durablement.

La première partie de l’émission « Sauver la planète : pourquoi est-ce si difficile ? » de Xenius sur ARTE, (jusqu’à 7 min 30 s) nous renseigne sur notre difficulté de changer de comportement malgré nos bonnes intentions. La deuxième partie manque cruellement sont objectif comme toujours, mais ne nous y attardons pas car les ressorts y sont les mêmes que pour notre cas d’étude.

Susan Fiske et Shelley Taylor ont appelé « avarice cognitive » le fait qu’en situation de concurrence, toute personne opte pour une proposition qui produit le plus d’effet cognitif pour le moindre effort mental.[26] Ici, la psychologue environnementaliste Ellen Matthies, reprend cette théorie à son compte en nous disant que les êtres humains tendent à penser, analyser et percevoir les choses en optant pour les biais cognitifs les plus connus.[27]

Pour changer factuellement, il faut donc que le cerveau enregistre au préalable, de nouveaux chemins comportementaux. C’est le rôle d’une structure cérébrale bien particulière : les ganglions de la base. Lorsque nous apprenons quelque chose de nouveaux, conduire par exemple, nous répétons sans cesse les mêmes mouvements. Cela entraine la formation dans notre cerveau, de ce qu’on pourrait appeler, des sentiers battus. A chaque fois que nous les empruntons, ils se consolident. Petit à petit, notre cerveau enregistre ce processus dans les ganglions de la base, ce qui nous permet de développer des automatismes. Nous conduisons sans avoir besoin de beaucoup réfléchir. Problème, une fois ancrés, ces comportements automatisés sont difficilement modifiables.

Toujours selon Ellen Matthies, ce qui serait réellement efficace sont les intentions d’implémentation qu’elle illustre par cet exemple : pour effectivement prendre le vélo plutôt que la voiture, il faut se représenter en image la prochaine course de prévue, se projeter au moment d’aller chercher son vélo et de partir. Plus le nombre de projection est élevé, plus c’est efficace. Le cerveau enregistrerait plus facilement ce nouveau comportement car nous aurions déjà envisagé notre plan d’action avant même d’être confronté à la situation. Au début il est conseillé de se fixer des objectifs modestes. Un problème majeur est que notre environnement regorge d’informations qui inondent notre cerveau, rendant difficile toute nouvelle implémentation. Elle ajoute : malheureusement, nous ne sommes pas en mesure de formuler des intentions d’implémentation pour tous les domaines comportementaux qui existent sans risquer un surmenage. Mieux vaut donc commencer par se concentrer sur un objectif.

Les intentions d’implémentation seraient donc nécessaires à tout changement factuel de comportement dans le temps, l’objectif étant primordial pour le passage à l’action. Ceci-dit, encore faut-il qu’il soit le bon !

Il semble donc particulièrement important de focaliser sur les bons objectifs afin de se donner une conduite à suivre. L’étude de cas suivante tente de démontrer ces manquements qui passent largement inaperçus aux yeux du public pourtant le premier concerné.

L’approche de Jean-Marc Jancovici comme cas d’école

En moyenne, passer à un régime végétarien réduit de 4 fois plus ses émissions de CO2 comparé à ne plus prendre l’avion. Ce qui nous amène donc à une réduction de 2,12 t CO2/pers/an pour un régime végétalien, ce qui équivaudrait à 7,8 fois plus que de ne plus prendre l’avion… 7,5 fois par rapport au découpage Carbone 4. Une action individuelle qui ne réduirait non plus de 10% mais de 20% son empreinte carbone ne devrait-elle pas être clairement mise en avant ? Surtout qu’il n’existe pas d’autre action individuelle permettant de régler 1/5ème du problème !

Une « rapide » analyse des publications Facebook du compte de M. Jancovici[28] permet d’avoir un aperçu des sujets marottes qui sont (supposons-le) représentatifs de son état d’esprit. L’attribution personnelle des publications ne saurait être faite au vue du nombre de personnes qui gèrent et donc publient sur sa page Facebook.

80 publications en 1 mois dont 6 qui abordent de près ou de loin le sujet de l’élevage et 2 au sujet de la viande industrielle majoritairement responsable de la déforestation amazonienne. Une seule publication pointe lourdement l’élevage pour les émissions de méthane des bovins, et la déforestation qu’il induit depuis le début de l’humanité, seulement si on clique sur « Afficher la suite » car sinon, le titre n’est pas très parlant : Comment les sols et l’agriculture peuvent aider le climat[29]. En parcourant l’article, on apprend finalement que ״ Les prairies utilisées par l’élevage ont, d’ailleurs, un rôle positif reconnu pour le climat : elles sont classées parmi les meilleurs stockeurs de carbone dans les sols, avec les forêts, selon l’INRA. ״ A ce sujet, le stockage des prairies semble largement surestimé d’après cette petite vidéo[30] de référence très bien réalisée, mais ne nous égarons pas.

Suivant régulièrement depuis plus de 5 ans les interventions de M. Jancovici, nous pouvons nous rendre compte de la place que prend l’élevage dans ses réflexions. Notre lettre ouverte avait donné lieu à une réponse quelque peu surprenante de sa part. Nous avons donc tenté de partager au maximum cette information, de le faire réagir dans son passage à l’émission Thinkerview, dans un live Facebook, et dans nombre de publications en rapport à l’élevage, toujours en le citant et l’identifiant. Jamais nous n’avons eu le plaisir de l’entendre à ce sujet, pourtant au cœur de son engagement quotidien. Ici, faisons le parallèle avec ce qu’il dit en conférence à Loudun ״ Si le journal avait pour vocation de représenter les faits et rien d’autre, et bien pour 1 article qui vous parle du solaire il devrait y en avoir 10 qui vous parlent du charbon ״.[31] Logique, non ?

Force est de constater que l’élevage constitue bien un point aveugle délibéré. Pratiquant une veille active depuis la création de notre association APALA (qui vise à rendre soutenable nos actions), nous remarquons très régulièrement des couacs tels que celui du 26 juin dernier où Carbone 4 publia une fiche synthèse visuelle à propos de leur rapport[32]. Il se trouve que l’action individuelle la plus impactante, à savoir devenir végétarien, a été oubliée. Après l’avoir fait remarquer en commentaires, l’erreur a été réparée mais visuellement, bien que citée en première (ce qui est rarement le cas alors soulignons-le), elle paraît être au même niveau que privilégier le vélo, ou ne plus prendre l’avion. Un facteur 4 semble pourtant être assez considérable pour la rendre plus visible…

Malheureusement pour notre compréhension collective, et donc notre capacité d’agir, nombre d’exemples peuvent ainsi être relatés. L’intervention de Shafik Asal[33] (fondateur d’Eco2initiaitive) au colloque 2018 de Bon pour le Climat est révélatrice de ces « omissions involontaires stratégiques ».

Cet angle mort empêche d’envisager conséquemment une hiérarchisation de nos priorités face au changement climatique biaisant ainsi tout arbitrage qu’il faudrait pourtant pragmatiquement envisager.

L’élevage ne concerne pas uniquement le secteur de l’alimentation

Il ne s’agit ici « que » de l’alimentation. Il doit pouvoir se dégager un facteur moyen de réduction d’émission lié au remplacement des produits animaux par des produits végétaux, au-delà de ce secteur.

Pour rappel, les produits animaux sont utilisés dans de nombreux autres secteurs tels que :

  • l’habillement, l’ameublement et la décoration (cuirs, laines, soies, graisses, poils, plumes et duvets)
  • les produits des secteurs de la chimie, des cosmétiques et de la pharmacie
  • tests effectués sur les animaux (expérimentations)
  • exploitation des animaux liée aux activités de loisirs tels que spectacles, sports, et autres activités ‘récréatives’

Mais alors quelle part de la balance peuvent prendre les animaux que nous choisissons sans cesse de renouveler ?

L’indicateur économique nous renseigne sur l’ampleur de la situation

Jean-Marc Jancovici établit un lien entre la variation de production de pétrole en volume et la variation du PIB par personne[34] avec ce décalage temporelle qui expliquerait que l’économie « réagit » au pétrole disponible. Quant à elle, Véronique Seltz (docteure en économie à l’Université Paris Dauphine) a tenté d’observer ce que ferait l’avènement d’un choc végane sur l’économie française. L’arrêt total de l’exploitation des animaux serait à l’origine de contraintes telles qu’un bouleversement des techniques de production est à envisager. Il serait alors à l’origine de cette destruction créatrice chère à Schumpeter et apporterait un ‘changement qualitatif et discontinu de l’évolution économique’, ce que l’on appelle le développement[35].

Sans distinction entre la création et la destruction d’activité, elle évalue ainsi à 64,57% (soit près des 2/3) de l’économie française[36] qui serait touchée par un tel choc.

Si un tel facteur moyen de réduction d’émissions lié au remplacement des produits animaux par des produits végétaux était calculé, alors nous pourrions envisager l’appliquer à une part importante de notre économie. Ce ne serait évidemment pas une mince affaire d’opérer ce changement à l’échelle nationale déjà, mais internationale également étant donné que la FAO estime qu’un milliard de pauvres dépendent de l’élevage pour se nourrir et ‘gagner’ leur vie[37]. Tandis que 815 millions de personnes souffrent de la faim aujourd’hui dans le monde, pratiquement 80% des personnes pauvres vivent dans des zones rurales et dépendent de l’agriculture, de la pêche et de l’exploitation des forêts comme principale source de revenus et de nourriture[38].

Toujours est-il qu’aujourd’hui, les process animaux dépendent intrinsèquement des process végétaux, et non réciproquement.

Le dilemme énergétique

״Nous ne sommes que convertisseur d’énergie״ Jean-Marc Jancovici – Conférence Lost in Transition.

Poore et Nemecek (2018) nous apprennent que 18% de calories et 37% de protéines seulement sont couverts par les produits issus de l’élevage. Comment expliquer une si faible contribution pour un si fort impact ? Le réseau trophique permet de nous apporter un éclairage.

Étant des systèmes dissipatifs ouverts, les êtres vivants, perdent constamment de l’énergie par entropie. Celle-ci créé de la chaleur et c’est pourquoi nous rayonnons tous suivant l’intensité de notre activité. Imaginez un radiateur de puissance proportionnelle à la taille du système dissipatif en question et de son activité qui chauffe tout au long de son existence. Cette énergie-là est perdue et nous ne pouvons rien y faire. Aucune optimisation ne peut réduire cette fuite énergétique autrement qu’à la marge (méthanisation par exemple).

Les maillons d’une chaîne alimentaire sont en fait des niveaux trophiques. En écologie, ils sont reliés entre eux par un transfert d’énergie et de biomasse (flux de carbone et d’azote) au sein d’un écosystème. Le terme trophique se rapporte à tout ce qui est relatif à la nutrition d’un tissu vivant ou d’un organe. Par exemple, une relation trophique est le lien qui unit le prédateur et sa proie dans un écosystème[39].

La loi de Raymond LINDEMAN (qui date de 1942), nous apprend que la quantité d’énergie passant d’un maillon à l’autre de la chaîne est de seulement 10 %. Appelée aussi « loi des 10% » dans les ouvrages élémentaires, celle-ci précise que seule une fraction de l’énergie qui pénètre à un niveau trophique donné dans une biocœnose (ensemble des êtres vivants établis dans un même milieu), est transmise aux organismes situés à des niveaux trophiques supérieurs, apprend-on dans « Eléments d’écologie : Ecologie fondamentale ». Les estimations du contenu énergétique des divers types d’organismes effectuées pour l’ensemble de la biosphère confirment largement l’évaluation moyenne faite par LINDEMAN des taux de transfert d’énergie entre les divers niveaux trophiques d’une biocœnose[40].

  • D’un maillon à l’autre, les transferts d’énergie ont donc un très mauvais rendement.

Une étude de la FAO (A. Mottet et al., 2017) confirme que les animaux sont de mauvais convertisseurs d’énergie en alimentation humaine. A taux de protéine égal, pour produire 1 kg de viande sans os, il faudrait en moyenne 2,8 kg d’aliments destinés à la consommation humaine dans les systèmes ruminants et 3,2 kg dans les systèmes monogastriques (Table 1 p.3)[41]. Ce qui fait respectivement 64% et 69% de perte de conversion. Il est intéressant d’observer que le ratio de protéines absorbées sur les protéines rendues de l’ensemble des produits animaux (viandes, lait et œufs inclus) est de 10 (10% de rendement, 90% de perte)[42]. Une loi ne porterait-elle pas ce nom quelquefois ?

Dans cet exercice il convient de prendre en considération l’efficience brute de conversion pour l’impact global et l’efficience nette de conversion dans le cadre de la disponibilité alimentaire. Dans ce cas, la moyenne est de 2,6 protéines consommées pour 1 rendue (62% de perte), avec 81% des élevages consommateurs nets de protéines. Pour davantage de précisions je vous conseille l’excellent article « Dix kilos de végétaux pour un kilo de viande : l’élevage se sert-il dans nos assiettes ? ».[43]  Bien que localement, il puisse être contributeur en protéines dans des cas spécifiques, l’élevage gaspille massivement nos ressources.

D’après Rastoin et Ghersi 2010[44], la production animale depuis la récolte de plantes comestibles jusqu’à la consommation humaine occasionnerait plus de 56% de perte énergétique[45] (soit 2,3 protéines consommées pour 1 rendue). Non loin des 62% de l’étude précédente.

 

Ces études nous démontrent clairement que nous sommes en concurrence alimentaire avec l’élevage.

La démographie pose-t-elle vraiment problème ?

Tout comme Jean-Marc Jancovici, nous pensons qu’aider les pays à maîtriser leur facteur démographique est nécessaire, mais en premier lieu, pour l’émancipation des femmes. Bien qu’il diminuerait la pression environnementale que nous exercerions à la racine, en réduisant littéralement le nombre d’individu consommateurs de ressources, nous pensons qu’il constitue un levier chimérique qu’il est impératif de contextualiser.

En creusant un trou de 1km de large, 1km de long et 200 m de profondeur, on peut faire disparaître sans difficulté la totalité de l’espèce humaine (même tout habillée).[46] C’est à ce farfelu calcul que s’est adonné l’original auteur Michel Dalmazzo, dessinateur à l’occasion.

Plus sérieusement, pour se rendre compte de ce que l’humanité représente sur notre planète, l’étude de la distribution de la biomasse terrestre a été réalisée par YM Bar-On et al., (2018)[47]. Nous constituons seulement 36% de la biomasse des mammifères terrestres, tandis que 60% sont des animaux d’élevage et 4% des animaux sauvages. Pour ce qui est des oiseaux, 70% sont d’élevage et 30% sauvages. Il y a également 3 fois plus de virus, de vers, 12 fois plus de poissons, 17 fois plus d’insectes, araignées et crustacés ; et 200 fois plus de champignons, 1200 fois plus de bactéries et 7500 fois plus de plantes. En fait, l’essentiel de la biomasse est constitué de plantes à 82% et de bactéries à 13%, le reste représentant une fraction infime de la biomasse totale.

On y apprend également que la biomasse d’un groupe n’est ni corrélée au nombre d’espèces, ni au nombre d’individus qui les composent. La présentation des résultats de cette méta-analyse a été réalisée sur le site Planet-Vie[48]. En s’appuyant sur des études estimant la biomasse passée, les auteurs nous disent que l’humain serait responsable de la disparition de la moitié de la biomasse des plantes terrestres. Or toujours selon Poore et Nemecek (2018), 83% des terres exploitées le sont à destination de l’élevage.

De plus, le nombre d’animaux d’élevage croît beaucoup plus vite que la population humaine, de 6 milliards en 1961 à plus de 60 milliards aujourd’hui, soit un facteur 10, tandis que nous avons « seulement » doublé notre population. Le rapport « animaux d’élevage »/ « humains » augmente alors que nous pourrions nourrir 15 milliards d’humains en passant d’une agriculture basée sur l’élevage à une agriculture basée sur le végétal.[49] Notre mode de vie semble bien responsable des dégâts que nous connaissons actuellement plutôt qu’une prétendue démographie qui certes accentue les effets délétères, mais ne constitue pas un problème en soi si un mode de vie soutenable était adopté. Et puis quel sens aurait une généralisation démographique avec des différences telles que certains s’empiffrent tellement qu’ils consomment et donc polluent, pour tous les autres ?

Ici aussi de nombreuses études démontrent que l’alimentation végétale est incroyablement moins consommatrice de terre arable. Mais le partage de l’eau constitue un exemple parlant et à ce titre, nous vous conseillons l’excellente fiche « Le problème de l’eau » de l’AVF[50] ainsi que l’article du blogueur Nicolas B.[51] qui explique les différences entre eau verte, bleue et grise. D’autant que d’après le sénateur écologiste Ronan Dantec, vice-président de la commission développement durable du Sénat, la priorité immédiate serait de trouver un usage très économe de l’eau en agriculture.[52]

D’après Mathieu Ricard, l’élevage monopoliserait la moitié de la consommation d’eau douce mondiale, déverserait 50% des eaux polluées en Europe alors que 70% de l’eau douce mondiale est déjà dégradée ou polluée. Nous disposons pourtant d’un stock d’eau douce limité (seuls 2.5% de l’eau de la planète est de l’eau douce avec les 3/4 contenus dans les glaciers et les neiges éternelles). Or 1m3 d’eau serait nécessaire pour produire 1000kcal d’aliments d’origine végétale et 5m3 pour 1000kcal d’aliments d’origine animale. Alors que chaque Terrien dispose de 5000L d’eau par jour, la nourriture d’un français par jour en demande 9000L, contre 3600L si elle était d’origine végétale, ce qui serait soutenable.

L’augmentation de la population a pour conséquence directe la diminution de la surface de terre cultivable par personne.[53] Alors, plutôt que de céder à un certain malthusianisme ambiant, pourquoi ne pas préconiser un changement de régime alimentaire en se réappropriant directement les parcelles semencières tout en économisant au maximum l’eau ?

Partage contre accaparement des ressources

Au même titre que pour la question démographique, quel type de société empêcherait une greffe d’organe à une personne décrétée comme trop âgée ? Les médecins sont assermentés pour autoriser ou non une greffe d’organe dans l’intérêt du patient. Mais pouvons-nous réellement imaginer interdire une intervention chirurgicale sous un prétexte écologique ? Pouvons-nous sérieusement envisager une politique de l’enfant unique afin de diminuer la population ? Comment seraient choisies ces personnes et quels seraient les bons critères ?

Alors que leurs données couvrent 90% de la population, Thomas Piketty et Lucas Chancel dressent dans l’étude « Carbon and inequality: from Kyoto to Paris »[54] un tableau consternant :

Les  10%  des  individus  les  plus émetteurs  sont  aujourd’hui  responsables  de  45% des  émissions  mondiales  alors  que  les  50%  les moins  émetteurs  sont  responsables  de  moins  de 13% des émissions. Les 40 % du milieu émettent 42% des émissions mondiales. Les 1% les plus riches quant à eux, émettent plus de 2000 fois plus que les 10% les plus pauvres. Il est intéressant de remarquer que, de 1998 à 2013, le groupe représentant les individus les  2%  les  moins  émetteurs  au  monde  a  vu  ses  émissions  de CO2e baisser de 12% par personne.

1% de la population mondiale qui ne représente pourtant que 70 millions de personnes, polluent autant que 140 milliards de personnes équivalent aux 10% les plus pauvres. Les ressources de la planète ne subviennent pas aux besoins fondamentaux du milliard de personne le plus pauvre alors que 70 millions de personnes ont un mode de vie qui impacte autant que 140 milliards de ces mêmes personnes. Il y a un tel problème d’inégalité que la démographie ne reflète pas le problème auquel nous faisons face. Quel sens aurait une moyenne de telles disparités ? Imaginez une courbe de tendance… Comme la biomasse d’un groupe n’est ni corrélée au nombre d’espèces, ni au nombre d’individus qui les composent, l’impact de l’espèce humaine semble plus corrélée à ses niveaux d’inégalités qu’à sa démographie.

Conclusion

APALA s’est donné pour mission d’œuvrer à un mode de vie soutenable en aiguillant les actions de chacun par des informations fiables et la mise en œuvre de solutions concrètes.

Dans l’immédiat, il nous faut un horizon. Il nous faut planifier des réductions progressives sectorielles afin d’abaisser drastiquement nos émissions carbone. S’il nous faut diviser par 3 cette quantité en 30 ans, il est urgent de tracer cet horizon pour fédérer au plus vite. Non pas une, mais des solutions majeures doivent être définies pour entraîner le maximum de personnes avec des objectifs communs. Cependant, une hiérarchisation des priorités permettra d’agir efficacement.

En résumé, d’après les différentes études citées et l’analyse précédente, le passage à un régime végétalien réduirait en moyenne de ¾ les émissions liées à l’alimentation. Il réduirait par la même occasion la perte de protéines mondiales de près de 60%. Quant à l’élevage dans sa globalité, la fourche(tte) va de 14,5% à 51% des émissions de GES mondiales suivant les études. M. Jancovici nous affirme que le secteur représenterait de ¼ des émissions à la moitié en ramenant l’échelle de temps du forçage radiatif considérée de 100 à 20 ans. Pour ce qui est de l’eau, on diviserait notre consommation par un facteur de 3 à 5 suivant les études (monopolisation serait plus correct scientifiquement).

Considérant l’ensemble des données précédemment citées et toutes celles qui manquent par souci de digestibilité, le constat nous apparaît sans équivoque. Il est urgent de revoir notre alimentation collectivement. Or sur les 9 propositions du Shift Project « Pour que l’Europe change d’Ere », la dernière concerne l’alimentation, et elle préconise en premier lieu la division par deux du gaspillage alimentaire. Ensuite pour l’élevage, la priorité serait donnée à la qualité plutôt qu’à la quantité en proposant de créer un label « Haute Qualité Environnementale ». Aucune remise en question du modèle agricole n’est discernable, et encore une fois, les émissions de GES imputables à l’élevage sont copieusement dissimulées (75% de 12% ?). The Shift Project est pourtant une association d’intérêt général, un think-tank dont la mission est d’éclairer et influencer le débat sur la transition bas-carbone en France et en Europe : ils constituent des groupes de travail autour des enjeux les plus délicats et le plus décisifs de la transition et font la promotion des recommandations de ces groupes auprès des décideurs politiques et économiques.

Les analyses de Jean-Marc Jancovici nous sont utiles en participant à une meilleure compréhension de l’énergie et du changement climatique entropique. Cela-dit, les curseurs doivent être mis aux bons endroits. Comment croire à la fameuse transition énergétique dès lors que les politiques, nationales, régionales et communales pointent collectivement du doigt la tomate importée alors que c’est le cochon, la poule et les poissons bien de chez nous qui posent problème ? Les animaux de trait ont besoins de la même surface agricole que la nôtre pour se nourrir. Un monde avec des tracteurs à la place de ces animaux peut héberger plus d’êtres humains que si on revient aux bêtes de somme nous rappelle J.M. Jancovici. Il faut réfléchir « système » et considérer la généralisation des pratiques. Qui choisirons-nous de nourrir ? A combien d’équivalents humains choisirons nous de subvenir contre le renoncement au produits animaux ? L’alimentation est le domaine par excellence où nous pouvons accroitre notre résilience. La sortie de l’élevage semble en être la première condition. Si nous parvenons à un tel challenge, alors que l’implication de toutes et tous en est le prérequis, nous serons en bonne posture pour d’autres changements à la hauteur des exigences, pour que les règles de 3 bouclent à la fin

 Tout le monde s’accorde à dire qu’il y a urgence, mais personne ne semble voir le nez au milieu de la figure. L’approche qui semble fustiger le confort de vie ne nous semble pas pertinente. Du moins si l’on ne souhaite pas voir une élite cosmopolite mondiale faire session avec le genre humain. Les inégalités sont tellement fortes qu’il sera vain de convaincre la majorité des Terriens à ne pas améliorer leur niveau de vie. Qui plus est, nous voyons bien ici les limites de la légitimité d’une telle action. Alors que près d’un milliard de personnes souffrent de malnutrition, l’élevage est généralisé, globalisé et demain relocalisé ? Combien de petits élevages faudra-t-il pour tous nous nourrir ? Là encore, le déterminisme social à l’œuvre, une discrimination spatiale sera inévitable. Et à quoi bon d’ailleurs ? Plomberons-nous tous nos efforts de sobriété énergétique pour du fromage animal alors que son équivalent végétal, 2, 3 (voir plus) de fois plus économe en ressources et d’autant moins polluant pointe déjà le bout de son nez ? La révolution végétale est à l’œuvre et nous offre une perspective d’avenir, contrairement au modèle actuel. Au jour où nous questionnons la radicalité, ne serait-ce finalement pas si enthousiasment d’envisager faire autrement ? En considérant la majorité de nos co-habitants les autres animaux par exemple ?

Les éleveurs croulent sous les dettes et c’est la catégorie socio-professionnelle (bovins laitiers en particulier) la plus soumise au suicide. Une pancarte proclame : « Je suis éleveur, je meurs ». Souhaitons-nous réellement réformer ce système ou chercherons-nous des portes de secours ? Une telle misère humaine n’est pas souhaitable et un tel système déperditif n’est pas soutenable à tout point de vue. Les éleveurs doivent être accompagnés pour devenir des transformateurs à forte valeur ajoutée, sur une activité viable tant écologiquement qu’économiquement. Lost in transition… À la question « Que faire ? » bien que les solutions soient multiples, le plus simple est de commencer par l’action à sa portée la plus réductrice : le végétal sous toutes ses formes plutôt que quelconque produit animal d’où qu’il vienne. Végétalisons-nous !

En définitive, nous nous en remettons, conséquemment aux dires de la FAO, datant pourtant de 2006 (Steinfeld H. et al., 2006) :

L’élevage devrait être au cœur des politiques mises en place pour faire face aux problèmes de dégradation des sols, de changement climatique, de pollution de l’air, de manque de ressources en eau ou de leur pollution, et d’érosion de la biodiversité.

à TABLE !!!

[1] https://youtu.be/Ubx9YbMz8gM?t=542

[2] http://www.cnrs.fr/fr/les-deux-modeles-de-climat-francais-saccordent-pour-simuler-un-rechauffement-prononce

[3] https://jancovici.com/changement-climatique/predire-lavenir/ou-nous-situons-nous-dans-lechelle-des-temperatures-par-rapport-au-passe/

[4]http://www.socialter.fr/fr/module/99999672/834/jean_marc_jancovici__qleurope_est_en_dcroissance_nergtique_depuis_2007

[5]https://fr.wikipedia.org/wiki/Convention-cadre_des_Nations_unies_sur_les_changements_climatiques

[6] https://youtu.be/lgoUns8Cu0w?t=7405

[7] https://www.apala.fr/correspondances-jancovici/

[8] http://www.fao.org/livestock-environment/fr/

[9] https://cloud.apala.fr/index.php/s/LivestockAndClimateChange

[10] https://cloud.apala.fr/index.php/s/EmissionsMondialesParSecteur

[11] https://youtu.be/j48hBShnfB0?t=8559

[12] https://jancovici.com/changement-climatique/les-ges-et-nous/combien-de-gaz-a-effet-de-serre-dans-notre-assiette/

[13] https://cloud.apala.fr/index.php/s/NotreRevolutionCarbone

[14] http://www.carbone4.com/wp-content/uploads/2019/06/Publication-Carbone-4-Faire-sa-part-pouvoir-responsabilite-climat.pdf?fbclid=IwAR3o2c653xJU3eIyTS73F7tzmznYEppyKfxiDca_OD-ZogaxVX7l9JlrGFE

[15] Åström, S., Roth, S., Wranne, J., Jelse, K., & Lindblad, M. (2013). Food consumption choices and climate change. Report B2091.

[16] Craig, W. J., & Mangels, A. R. (2009). Position of the American Dietetic Association: vegetarian diets. Journal of the American Dietetic Association, 109(7), 1266-1282.

[17]https://www.foodwatch.org/fileadmin/foodwatch_international/campaigns/climate/foodwatch_report_on_the_greenhouse_effect_of_farming_05_2009.pdf

[18] Weber, C. L., & Matthews, H. S. (2008). Food-miles and the relative climate impacts of food choices in the United States.

[19] Poore, J., & Nemecek, T. (2018). Reducing food’s environmental impacts through producers and consumers. Science, 360(6392), 987-992.

[20] https://science.sciencemag.org/content/sci/360/6392/987/F1.large.jpg?width=800&height=600&carousel=1

[21] https://jancovici.com/wp-content/uploads/2010/01/assiette_graph5_en.png

[22] https://jancovici.com/wp-content/uploads/2010/01/assiette_graph6.png

[23] Springmann, M., Clark, M., Mason-D’Croz, D., Wiebe, K., Bodirsky, B. L., Lassaletta, L., … & Jonell, M. (2018). Options for keeping the food system within environmental limits. Nature, 562(7728), 519.

[24] Kim, B. F., Santo, R. E., Scatterday, A. P., Fry, J. P., Synk, C. M., Cebron, S. R., … & Neff, R. A. (2019). Country-specific dietary shifts to mitigate climate and water crises.

[25] Herrero, M., Gerber, P., Vellinga, T., Garnett, T., Leip, A., Opio, C., … & Montgomery, H. (2011). Livestock and greenhouse gas emissions: The importance of getting the numbers right. Animal Feed Science and Technology, 166, 779-782.

[26] Fiske, S. T., & Taylor, A. (1984). SE: Social Cognition.

[27] https://youtu.be/_GIk2BHBzSY?t=122

[28] https://cloud.apala.fr/index.php/s/PublicationsFBCompteJANCOVICI

[29] https://www.goodplanet.info/actualite/2019/08/08/comment-les-sols-et-lagriculture-peuvent-aider-le-climat/?fbclid=IwAR0EVttp1PummQSbd9ln-tBbU1okhwc7hHDY3-ZHNnMYEvqFmRb4XQTEXrg

[30] https://www.youtube.com/watch?v=nub7pToY3jU

[31] https://youtu.be/Ubx9YbMz8gM?t=552

[32] https://www.facebook.com/fr.carbone4/posts/2389230774466417

[33] https://youtu.be/vNMJ4fRQmYk?t=161

[34] https://www.facebook.com/jeanmarc.jancovici/posts/10158472923872281

[35] http://variances.eu/?p=1852

[36] https://youtu.be/aF43ubo9csg?t=3245

[37] http://www.fao.org/livestock-environment/fr/

[38] http://www.fao.org/3/a-i8037f.pdf

[39] https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9seau_trophique

[40] https://cloud.apala.fr/index.php/s/LoiDeLindeman

[41] Mottet, A., de Haan, C., Falcucci, A., Tempio, G., Opio, C., & Gerber, P. (2017). Livestock: On our plates or eating at our table? A new analysis of the feed/food debate. Global Food Security, 14, 1-8.

[42] https://cloud.apala.fr/index.php/s/LElevageConsommateurNetDeProtein

[43] https://criticalvegan.com/2019/09/13/dix-kilos-de-vegetaux-pour-un-kilo-de-viande-lelevage-mange-til-dans-nos-assiettes/

[44] Rastoin, J. L., & Ghersi, G. (2010). Le système alimentaire mondial. Concepts et méthodes, analyses et dynamiques. Versailles: Éditions Quae.

[45] https://cloud.apala.fr/index.php/s/PertesEnergetiqueSystemeAnimal

[46] https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/sept-milliards-164071

[47]Bar-On, Y. M., Phillips, R., & Milo, R. (2018). The biomass distribution on Earth. Proceedings of the National Academy of Sciences, 115(25), 6506-6511.

[48] https://planet-vie.ens.fr/article/2540/repartition-biomasse-terre

[49] https://cloud.apala.fr/index.php/s/NourrirSonMonde

[50] https://cloud.apala.fr/index.php/s/LeProblemeDeLEau

[51] https://criticalvegan.com/2019/07/02/15-000l-deau-pour-un-kilo-de-boeuf-vraiment/

[52] https://youtu.be/q-_mlM-YGYk?t=151

[53] Flachowsky, G., Meyer, U., & Südekum, K. H. (2017). Land use for edible protein of animal origin—A review. Animals, 7(3), 25.

[54] http://piketty.pse.ens.fr/files/ChancelPiketty2015.pdf

Même importé et suremballé, il vaut mieux manger végétal !

C’est sous ce titre un brin provocateur, qu’à été publié notre entretien lors de notre rencontre avec Le Magazine des Autres Possibles (MAP pour les intimes). Bien sûr, le mieux est d’éviter le plus possible les emballages et de privilégier la localité, mais pas envers et contre tout, c’est ce que nous allons voir ici…

Les actions efficaces pour réduire notre empreinte carbone

Informons sur les meilleures actions claires et compréhensibles pour encourager au plus possible à adopter un esprit d’écologiste efficace.

La défense de l’élevage quoi qu’il en coûte

Réponse aux arguments de défense de l’élevage spécifiquement formulés dans l’article de Frédéric Denhez publié dans Le Figaro en avril 2021.

Sécheresse: l’inéluctable recul de l’élevage

Signataires Ricardo Azambuja, Rennes School of Business (France) et Fundação Dom Cabral (Brésil) Gilles Belaud, professeur à l’Institut Agro en sciences de l’eau Noé Bugaud, étudiant en biologie Agnès Ducharne, chercheuse en hydrologie, Paris  Michel Duru, directeur...

L’élevage : un maximum d’impact pour un minimum d’apports

Les animaux dépendent des végétaux et non inversement, et ça, c’est une notion de base de l’écologie qui nous l’apprend : le niveau trophique.

Polémique artificielle contre des produits végétariens et véganes plus sains

Le dénigrement médiatique contre les produits transformés végétaux lutte contre leurs avancées sanitaires, écologiques et éthiques.

L’origine animale des pandémies !

Si nous ne changeons pas notre rapport aux autres animaux, nous n’éviterons pas de futures épidémies , avec toutes les conséquences que nous connaissons désormais.

Vite, la nouvelle transition alimentaire !

Au delà des préjugés sur les aliments transformés, nous proposons de prioriser les produits végétaux qui, s’ils sont transformés, représentent notre meilleur espoir pour la nécessaire nouvelle transition alimentaire.

Kaïros : le moment opportun de changer son alimentation

Souhaitons-nous allouer davantage de ressources à la gestion de crises épidémiques où préférerons-nous réorienter notre alimentation pour maximiser nos chances d’évitement ?

L’énigme des experts climatiques face à l’urgence

Au travers les résultats des études du cabinet Carbone 4 ainsi que des études internationales d’ampleurs, nous tentons de démontrer que le curseur ne pointe délibérément pas vers la meilleure stratégie de réduction des émissions de GES.

Même importé et suremballé, il vaut mieux manger végétal !

Temps de lecture estimé : 5 min

 Paru dans le numéro #21 Alimentation durable: Brisons nos chaînes alimentaires !

C’est sous ce titre un brin provocateur, qu’à été publié notre entretien lors de notre rencontre avec Le Magazine les Autres Possibles (MAP pour les intimes). Bien sûr, le mieux est d’éviter le plus possible les emballages et de privilégier la localité, mais pas envers et contre tout, c’est ce que nous allons voir ici…

Mais tout d’abord, nous remercions chaleureusement le MAP de nous autoriser cette diffusion pour qu’un maximum de gens puissent accèder à cette interview en vue d’un nouvel article portant également sur le sujet (mais n’en disons pas plus !). Si vous ne connaissez pas encore le magazine, courrez l’acheter, c’est seulement 2€ ! Pas cher pour un journalisme indépendant, si ? A l’image de ce numéro (le #21) ce sont de belles productions qui traitent des sujets contemporains qui nous travaillent. Par chance, tous les numéros sont disponibles à la vente sur leur site internet ici :

   > Tous les numéros du MAP <

Propos recueillis par Marie Bertin (Coordinatrice de la rédaction du MAP)

APALA s’est d’abord penchée sur le problème du chauffage, en inventant le “Poêle Fusée à Inertie”, avant de développer une recette de parmesan végétal… Vous avez eu faim en cours de route ?

Hé non ! Notre vocation, c’est de trouver des solutions techniques concrètes aux problématiques environnementales. Nous avons d’abord analysé quels étaient les principaux postes de dépense en énergie d’un individu : le chauffage représente plus de 60% de l’énergie consommée en France. D’où la mise au point d’un poêle de masse écologique performant. Mais, rapidement, on a réalisé que du point de vue de l’empreinte carbone globale d’une personne, si l’on prend en compte l’ensemble des cycles de production, l’alimentation est le premier responsable !  Elle représente un quart du bilan carbone d’un individu, selon le dernier rapport de l’ADEME (1), l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie. On s’est donc mis à travailler à des solutions low-tech dans ce domaine : le parmesan végétal en est une !

Le fromage poserait-il problème plus particulièrement ? Rassurez-nous…

Non, mais le fromage animal fait partie du problème de l’impact environnemental des aliments issus de l’élevage en général. Notre parmesan est une réelle alternative, en même temps qu’un outil de sensibilisation : il nous sert d’exemple pour exposer et comparer les bilans carbones des différents types d’aliments. Car la conclusion de toutes nos recherches, c’est que pour réduire significativement l’empreinte écologique de notre alimentation, il faut privilégier le végétal, avant tout le reste. Le zéro déchet, le bio, le local, de saison, évidemment, c’est bien et important. Nous aussi, on trouve ça débile de mettre du plastique autour d’une carotte. Mais, si l’on compare les données disponibles quant aux bilans carbone des différentes chaînes de production, il n’y a pas d’ambiguïté : même suremballé, même venant du bout du monde, une carotte aura toujours moins d’impact qu’un morceau de viande non emballé, produit localement et bio.

Comment un produit venant du bout du monde pourrait-il être moins énergivore qu’un produit local ?  

Il faut saisir le fonctionnement du “réseau trophique” [voir infographie] : la façon dont circule l’énergie à travers les différentes chaînes alimentaires. Au niveau 1, il y a les autotrophes : les végétaux, ceux qui sont capables de produire de la matière organique avec, seulement, du soleil et de l’eau et des minéraux. L’homme et les animaux en général, n’en sont pas capables. Ils appartiennent à un autre niveau : celui des hétérotrophes. Nous sommes donc dépendants des premiers. Quoi que l’on mange, il a fallu des végétaux à un moment donné de la chaîne : qu’on les mange directement, qu’on mange des animaux qui ont mangé des végétaux, ou des animaux qui ont mangé des animaux qui ont mangé des végétaux. Donc, plus vous mangez un maillon situé haut dans une chaîne alimentaire, plus vous « coûtez » en énergie. Reprenons un exemple : si vous mangez une carotte, il a fallu de l’eau et du carbone pour la produire. Si vous mangez le lapin, il a fallu de l’eau et du carbone pour lui + l’eau et le carbone qu’il a fallu pour produire les carottes que le lapin a mangées, etc.

L’impact des transports ne permet-il pas d’inverser ce rapport ?

Non. Car contrairement aux idées reçues, selon l’une des principales études sur les émissions liées au système alimentaire(2),réalisée aux Etats-Unis, le transport ne représente que 11% des émissions de gaz à effet de serre d’un produit alimentaire. 83% est dû à la phase de production elle-même. Dans le cas de l’élevage animal, cet impact est principalement lié aux gaz digestifs des animaux, à leurs déjections, à la culture et au transport de leurs aliments, à la déforestation, et à la transformation des produits à base de viande ou de lait, notamment.

Faut-il mettre sur le même plan une vache d’élevage et une poule qui mange nos épluchures dans le jardin ? Autrement dit, pourquoi prôner un retour au tout végétal, sans faire d’exception ?

C’est vrai. Si l’on fait une hiérarchie entre les animaux, la poule sera beaucoup plus économe en énergie que le veau par exemple. Le veau, c’est ce qu’il y a de plus énergivore! Cela dit, la poule reste plus énergivore que n’importe quel végétal… C’est ainsi. Or des scientifiques nous apprennent que nous vivons actuellement la sixième extinction de masse, 100 ou 1000 fois plus rapide que les précédentes. Nous en sommes la cause et nous ne savons pas si la vie y survivra. Dont acte ! Il semble primordial de mettre toutes les chances de notre côté: autrment dit, limiter notre impact au maximum.

Vous vous basez sur de nombreuses données chiffrées. Mais dans le domaine des études d’impact, les modes de calculs font polémiques…

Même en critiquant les études, on peut s’accorder sur le fait que l’impact du produit animal prévaut sur son équivalent végétal. Exemple : 100 g de parmesan végétal fait avec des noix de cajou, c’est environ 60% d’équivalent CO2 en moins que 100 g d’emmental bio et local. Idem pour la consommation en eau.

Si l’on vous suit : le lait, les oeufs, ont donc aussi un impact fort. Pourtant, vous parlez d’alimentation végétale, et non végane, pourquoi ?

On préfère parler de végétal parce que notre entrée sur le sujet est scientifique, et non morale. Or, dès que l’on parle de véganisme, on renvoie au débat éthique. Nous ne sommes pas des prescripteurs de conscience. Nos recherches servent à comparer les impacts des différents aliments, et à en informer le public. Une action a forcément un impact. Notre question de départ est : concernant l’alimentation, quel impact est soutenable pour la planète ? Selon nous, une action est soutenable si elle est généralisable : est-ce que si nous le faisions tous, l’environnement pourrait le supporter ?

Nos choix alimentaires ont aussi des conséquences sociales. Que répondez-vous aux éleveurs qui défendent leur savoir-faire ?

On comprend les éleveurs. Mais on pense que mettre l’accent sur le végétal est aussi une solution pour eux. Selon nous, le modèle actuel de l’élevage est hautement déperditif : la dépense énergétique est énorme par rapport à celle produite. L’élevage ne nous fournirait que 37% des protéines et 18% des calories que nous consommons(3). Par ailleurs, beaucoup d’éleveurs sont en dessous des minima sociaux. Ils ont le taux de suicide le plus élevé par catégorie socioprofessionnelle. Pourquoi vouloir continuer comme ça, de toute façon ? Bref, pour sortir les éleveurs de leur situation, selon moi, il faut les aider à prendre un virage et, pourquoi pas, à devenir transformateurs : produire davantage de protéines végétales (légumineuses en tous genres) et participer à leur transformation.

Quelles sont vos solutions low-tech pour faciliter l’évolution de nos pratiques alimentaires ?

On a interrogé les gens : le frein numéro 1 pour la majorité, c’est la cuisine. “D’accord, mais j’ai pas l’intention de passer des heures en cuisine, etc.” Autrement dit, ce qu’il nous faut, c’est réapprendre à cuisiner certains aliments et des idées de recettes simples et bonnes ! En plus d’élaborer et de partager des recettes, APALA organise des buffets soutenables et des ateliers de cuisine.

Retrouvez une première approche de la cuisine végétale au dos du magazine, à se procurer ici :

> #21 Alimentation durable: Brisons nos chaînes alimentaires ! <

 

(1) L’empreinte énergétique et carbone de l’alimentation en France, ADEME, 2012.

(2) Weber, C. L., & Matthews, H. S. (2008). Food-miles and the relative climate impacts of food choices in the United States.

(3) Etude Poor and Nemecek, parue dans la revue Sciences, 2018.