L’origine animale des pandémies !

Cet article a également été publié sur le site de Mr Mondialisation ici :  Origine animale des pandémies : il est urgent de changer de modèle

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Une origine qui dérange

L’action au plus fort potentiel réducteur de risque épidémique

L’intérêt général de l’antispécisme

 

Nous espérons sortir de la pandémie que nous subissons. Ce coronavirus émergeant parmi tant d’autres (il en existerait plus de 5000 [1]) est le 3e en moins de 20 ans à provoquer une épidémie grave d’ampleur internationale. SRAS, MERS et COVID-19 sont 3 virus d’origine animale ayant pour origine des vertébrés volants à sang chaud (chauves-souris et oiseaux [2]). Or, les scientifiques du projet Global Virome, qui vise à nous prémunir des risques pandémiques, nous informent que la faune sauvage abrite actuellement 1,7 millions de virus encore inconnus, dont 50% seraient susceptibles d’infecter les humains [3]. Le dernier rapport Échapper à l’ère des pandémies [4] de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) précise que des pandémies plus fréquentes, plus mortelles et plus coûteuses sont à prévoir et que l’impact économique de l’actuelle pandémie est 100 fois supérieur au coût estimé de leur prévention. Dès lors, si nous ne changeons pas notre rapport aux autres animaux, nous n’éviterons pas de futures épidémies [5], avec toutes les conséquences que nous connaissons désormais.

 

Une origine qui dérange 

Bien que l’information que le virus provenait probablement d’un animal ait été relayée dès le début de la pandémie, les leçons concernant la prévention de futures épidémies n’ont pas encore été tirées. Peter Daszak, chercheur en zoologie et coauteur du rapport sus-cité, appelle à un changement radical dans l’approche globale de la lutte contre les maladies infectieuses : il faut laisser une place plus grande à la prévention qu’à la réaction [6].

De son côté, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) nous apprend qu’elle mène depuis de nombreuses années des travaux de recherche sur les mécanismes de transmission inter-espèces des coronavirus [7]. Ces infections sont connues de la médecine vétérinaire car elles sont fréquentes et peuvent avoir un impact économique important, particulièrement dans les élevages de jeunes ruminants, de porcs, de poulets et de dindes. Des opérations de vaccination sont même régulièrement pratiquées dans les élevages de rente soumis au risque infectieux. Les 3 virus émergents dont nous parlions plus haut ont vraisemblablement franchi la barrière inter-espèce par le biais d’un mammifère, et l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) [8] nous rappelle que plusieurs coronavirus connus qui n’ont pas encore infecté les humains circulent chez certains animaux.

Toutes les instances font les mêmes constats. Pour lutter contre la propagation de l’épidémie, il faut casser les chaînes de transmission, en évitant la transmission aux populations animales au plus tôt. Pour lutter contre l’apparition de mutations dangereuses, il faut réduire la fréquence des infections (humaines et animales[9]. Les recommandations partagées à l’échelle internationale vont dans le même sens : il faut éviter les contacts étroits entre les individus. Cette nouvelle pratique que nous appelons “distanciation sociale” permet de stopper la propagation du virus et donc la pandémie. Mais, le coût de cette pratique s’avère très élevé. Tant au niveau social et économique qu’au niveau psychologique, l’impact du confinement répété pourrait être le plus gros choc planétaire depuis la Seconde Guerre mondiale.

N’en déplaise aux écologistes représentatifs [10] qui entretiennent un flou artistique [11] et aux écologues spécialistes de la question [12] peu décryptés [13], c’est bien de la relation que les humains entretiennent avec les animaux qu’ils convoitent que proviennent la majorité des pandémies. La déforestation[14], l’urbanisation [15], la métropolisation [16], l’industrialisation [17], l’aviation [18], le dérèglement climatique [19], la pollution de l’air [20], la disparition du monde sauvage [21], la perte de la biodiversité [22], sa dégradation [23], ses bouleversements [24] et sa “maltraitance”[25], la destruction de la nature[26], la modification de l’environnement [27], l’impact écologique [28], sa crise [29] et même son supposé déni [12], sont des facteurs plus ou moins aggravants qui découlent de l’activité humaine, mais qui ne sont pas à l’origine même des épidémies. C’est bien la transmission infectieuse de certains animaux à des humains, une “zoonose”, qui en est la cause. Désigner clairement des facteurs impliqués tout en entretenant un flou quant à la cause manifeste un étrange double standard dans le traitement de l’information, qui nuit indiscutablement à la compréhension de l’émergence des zoonoses. Il est tout à fait sidérant qu’on puisse prétendre tirer des leçons, proposer de grandes théories intriquées tout en appelant à une profonde radicalité, en évitant soigneusement l’origine même de ce qui a provoqué la situation désastreuse que nous vivons.

L’approche non anthropocentrée permet d’inclure les autres animaux dans notre sphère de considération en respectant leurs intérêts et donc leur intégrité physique. Elle nous prémunit contre les pratiques identifiées comme particulièrement à risques que sont la chasse, l’élevage et l’exploitation animale en général. Malheureusement, notre système alimentaire reste basé en grande partie sur l’exploitation animale ; notre culture n’est pas animaliste et des traditions à risques pourtant majoritairement rejetées [30] perdurent.

L’action au plus fort potentiel réducteur de risque épidémique

Toute infection zoonotique passe nécessairement par deux étapes [31] qui sont communes à toute émergence de maladie: le contact humain avec l’agent infectieux et la transmission de celui-ci. Les agents pathogènes zoonotiques représentent la source la plus probable de maladies infectieuses émergentes et réémergentes, si bien qu’une étude [32] révèle que les nouveaux agents pathogènes ont deux fois plus de chance d’être d’origine zoonotique que non zoonotique (58% des agents pathogènes humains le sont). En retour, d’après cette autre étude qui date de 2001 [33], 39% des pathogènes humains ont infecté des animaux domestiques, 44% des animaux sauvages et 26% les trois catégories. Globalement, 60% des maladies infectieuses connues [34] et 75% des maladies infectieuses émergentes [35] sont d’origine animale. Elles affectent 2,5 milliards de malades et tuent 2,7 millions d’humains chaque année. Cette menace sérieuse pour l’humanité en fait un des objets de recherche les plus importants aujourd’hui [36]. Pour s’en rendre compte, la grippe espagnole, d’origine aviaire [37], a à elle seule tué plus d’humains que la tristement plus célèbre première guerre mondiale. Cinq siècles plus tôt, la variole et la grippe (issues des animaux domestiques) avaient décimé une grande partie de la population amérindienne.

 

 

L’exploitation des animaux, quelle qu’elle soit, facilite les contacts étroits entre les animaux sauvages et les humains aux origines mêmes de la majorité des zoonoses [38], si bien que parmi les espèces sauvages menacées, celles dont la population a diminué en raison de l’exploitation et de la perte d’habitat ont partagé plus de virus avec l’homme [39]. Les animalistes analysent les zoonoses pour ce qu’elles sont et non pour ce qu’ils voudraient qu’elles soient. Vu qu’ils ne considèrent plus les animaux comme des ressources, ils n’ont pas de point aveugle sur leur utilisation que les comportements encouragés par notre société perpétuent. En respectant l’intégrité des animaux pour eux-mêmes, on évite la plupart des comportements à risques responsables des contaminations humaines. Or cela tombe bien parce qu’aujourd’hui, il existe un courant de pensée philosophique et moral qui inscrit la considération de l’animal pour lui-même à son fondement : l’antispécisme [40]. En nous apprenant que l’espèce n’est pas un critère pertinent de considération morale en soit, il prône la sortie de toute exploitation animale, quelle qu’elle soit. Alors que l’ensemble des actions à risques zoonotiques reconnues par les scientifiques relèvent exclusivement de comportements spécistes, le remède racinaire se révèle être l’antispécisme.

Une étude parue en août dernier [41] corrobore ces analyses et souligne clairement la production de viande comme première responsable des épidémies, soit directement par un contact accru avec les animaux sauvages et d’élevage, soit indirectement par son impact environnemental (avec comme premier facteur aggravant associé [32], le changement de l’utilisation des terres avec 27% des terres dédiées à l’élevage contre 1% pour l’urbanisation et ses infrastructures [42] par exemple). Ces analyses étayent les travaux de Serge Morand, écologue et directeur de recherche au CNRS, qui montrent que les mammifères domestiqués sont les principaux acteurs du réseau de transmission zoonotique et que plus le temps écoulé depuis la domestication est élevé, plus nous partageons d’agents pathogènes. Ces chercheurs font savoir que limiter le risque épidémique ne pourra pas vraiment se faire par l’amélioration des élevages et que seule une réduction de la consommation de viande permettra de limiter ce risque. Pour ce faire, ils avancent des propositions concrètes telles que notamment la mise en œuvre d’une taxe zoonotique [41] qui pourrait se coupler à une taxe carbone ainsi que la promotion des régimes alimentaires basés sur le végétal à travers les recommandations nutritionnelles officielles par des politiques d’information et de conseil à grande échelle. Dans l’immédiat, des études observationnelles et expérimentales solides [43] montrent que le fait de doubler la proportion de repas végétariens proposés dans des cafétérias augmente les ventes de produits végétariens de 41 % à 79 %.

Au-delà de l’antispécisme, il existe bien évidemment des stratégies de réduction de risque épidémiques. Les vaccins et les médicaments permettent de faire face à la crise. Seulement, ces stratégies sont curatives et présentent des limitations. Le fait que les coronavirus aient des taux de mutation de modérés à élevés [44] implique que les vaccins qui ciblent des antigènes qui ne sont pas conservés par la personne infectée ont peu de chance de conserver leur efficacité dans la durée. Cette étude de 2018 [45] précise que des médicaments à large spectre peuvent présenter l’inconvénient de potentiels effets indésirables.Faire ce que propose l’antispécisme, quant à lui, semble être un bon moyen pour réduire drastiquement le risque de manière préventive.

L’intérêt général de l’antispécisme

Dès lors, l’impact dévastateur de la pandémie de COVID-19 nous enjoint de sortir de notre consommation de produits animaux. Une nouvelle étude [46] établit même l’analogie entre manger de la viande et ne pas se vacciner. En effet, se vacciner et ne pas manger de viande répondrait aux trois mêmes impératifs moraux : prévenir les dommages individuels, éviter la complicité dans les dommages collectifs et faire preuve d’équité. Si nous abandonnons collectivement la consommation de viande alors, au même titre qu’une couverture vaccinale qui offre une immunité collective, nous réduisons ainsi drastiquement le risque de maladies infectieuses dans l’intérêt public. A l’instar de la vaccination, ce devoir est pro tanto, c’est-à-dire qu’il est applicable seulement dans une certaine mesure. Si il n’existe pas d’alternative à la viande et que son refus met la vie humaine en danger alors il ne s’applique plus. Dans ce cas, manger de la viande pour survivre impose un risque nécessaire aux autres. Cependant, ceux qui disposent d’options alimentaires riches et variées comme nous pouvons désormais en profiter en occident, ont clairement intérêt, selon un certain principe de précaution, à collectivement éviter toute viande d’où qu’elle vienne. Bien que les épidémies qui ont infecté l’humain jusqu’à présent n’ont pas anéantie l’humanité, la science a documenté des cas où des maladies provoquent l’extinction d’une espèce entière [47].

Si nous ne voulons pas vivre une nouvelle épidémie qui nous obligerait à une nouvelle distanciation sociale en plus des nombreux désagréments pesants au quotidien, nous devons collectivement éviter les comportements les plus à risque que sont l’élevage et la chasse en particulier, l’exploitation animale en général. Seulement, ces comportements sont ancrés dans nos cultures humaines depuis toujours. C’est donc à une évolution majeure de l’espèce humaine que nous appelons [48]. Bien loin des caricatures projetées sur son projet politique par ses détracteurs, l’antispécisme se révèle bien plus pragmatique qu’il n’y paraît. En minimisant au maximum les risques épidémiques il offre un potentiel préventif transformateur choisi à moindre coût plutôt qu’une gestion de crise subie, dramatique et exorbitante. Au-delà de ces aspects, il s’inscrit dans la parfaite continuité de l’augmentation de notre sphère considération pour l’amélioration des conditions de chacun, et bientôt, y compris les animaux.

[1] Britt Glaunsinger, « Coronaviruses 101: Focus on Molecular Virology », Innovative Genomics Institute – IGI, mars 2020

[2] Woo, P. C. et al. (2012). Discovery of seven novel Mammalian and avian coronaviruses in the genus deltacoronavirus supports bat coronaviruses as the gene source of alphacoronavirus and betacoronavirus and avian coronaviruses as the gene source of gammacoronavirus and deltacoronavirus. Journal of virology (IF2019-4.501), citée 938 fois (DOI: 10.1128/JVI.06540-11)

[3] Carroll, D. et al. (2018). The global virome project. Science (IF2019-41.8045), citée 205 fois (DOI: 10.1126/science.aap7463)

[4] Échapper à l’«ère des pandémies»: Les experts mettent en garde contre de pires crises à venir; Options proposées pour réduire les risques. La Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES). 2020

[5] Anthony Detrier, « Ce nouveau coronavirus transmis par les porcs aux humains inquiète les chercheurs », Gentside, octobre 2020

[6] Clémentine Thiberge, « Prévenir les pandémies plutôt que les guérir serait cent fois moins coûteux », Le Monde, octobre 2020

[7] Les coronavirus, Carte d’identité et rôle de l’Anses, L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), mars 2020

[8] Coronavirus, Organisation Mondiale de la Santé (OMS)

[9] SARS-CoV-2 Variants, World Health Organization (WHO), décembre 2020

[10] Olivia Gesbert, « Bruno Latour : « Ce virus est là pour nous préparer à l’épreuve suivante, le nouveau régime climatique » », France Culture, janvier 2021

[11] Dimitri de Boissieu, « Coronavirus : le jour où les animaux se révoltèrent contre les humains… », Reporterre, mars 2020

[12] Un collectif d’écologues, « La prochaine pandémie est prévisible, rompons avec le déni de la crise écologique », Libération, avril 2020

[13] Christian Leveque, « La destruction de la biodiversité a-t-elle engendré le Coronavirus ? », European Scientist, avril 2020

[14] « Les recherches sur les liens entre déforestation et épidémies sont insuffisantes, alertent des scientifiques », Reporterre, mai 2020

[15] Guillaume Faburel, « Pandémie : « L’urbanisation et la métropolisation généralisées sont le creuset de la crise sanitaire » », Marianne, avril 2020

[16] Marie Astier pour un entretien avec Guillaume Faburel, « La métropolisation du monde est une cause de la pandémie », Reporterre, mars 2020

[17] Sonia Shah, « Contre les pandémies, l’écologie », Le Monde diplomatique, mars 2020

[18] « L’aviation a joué un rôle central dans la propagation du coronavirus », Reporterre, mars 2020

[19] Justine Guitton-Boussion, « Le coronavirus, une épidémie favorisée par l’avion et le dérèglement climatique », Reporterre, janvier 2020

[20] Gérald Roux, « Le rôle de la déforestation et de la pollution dans l’épidémie de Covid-19 », franceinfo, mars 2020

[21] Juliette Duquesne pour un entretien avec Serge Morand, « Coronavirus : « La disparition du monde sauvage facilite les épidémies » », Marianne, mars 2020

[22] Laurent Radisson, « Érosion de la biodiversité et pandémies : le pire est à venir », Actu-Environnement, octobre 2020

[23] Perrine Mouterde, « Coronavirus : la dégradation de la biodiversité en question », Le Monde, avril 2020

[24] Martine Valo pour un entretien avec Philippe Grandcolas, « Coronavirus : « L’origine de l’épidémie de Covid-19 est liée aux bouleversements que nous imposons à la biodiversité » », Le Monde, avril 2020

[25] Fabrice Pouliquen pour un entretien avec Philippe Grandcolas, « Coronavirus : « Cette épidémie est la conséquence d’une biodiversité que l’on maltraite », selon Philippe Grandcolas », 20 minutes, avril 2020

[26] John Vidal, « ‘Tip of the iceberg’: is our destruction of nature responsible for Covid-19? », The Guardian, mars 2020

[27] Mathieu Vidard pour un entretien avec Jean-François Guégan, « Coronavirus : En quoi la pandémie actuelle est-elle liée à l’environnement ? », France Inter, mars 2020

[28] Sébastien Billard pour un entretien avec Rodolphe Gozlan, « »Le Covid-19 était inévitable, et même prévisible  » du fait de notre impact écologique », L’Obs, mars 2020

[29] Christelle Guibert pour un entretien avec Laurence Tubiana, « Le coronavirus est lié à la crise écologique, à nos modes de vie », Ouest France, mars 2020

[30] Ifop pour Caniprof, « Référendum sur la protection animale : Les Français soutiennent les animaux », Ifop, juillet 2020

[31] Childs, J. E. et al. (2007). Introduction: conceptualizing and partitioning the emergence process of zoonotic viruses from wildlife to humans. Wildlife and emerging zoonotic diseases: The biology, circumstances and consequences of cross-species transmission ; Citée 54 fois (DOI : 10.1007/978-3-540-70962-6_1)

[32] Woolhouse, M. E., & Gowtage-Sequeria, S. (2005). Host range and emerging and reemerging pathogens. Emerging infectious diseases (IF2019-6.259), citée 1282 fois (DOI: 10.3201/eid1112.050997)

[33] Cleaveland, S., Laurenson, M. K., & Taylor, L. H. (2001). Diseases of humans and their domestic mammals: pathogen characteristics, host range and the risk of emergence. Philosophical Transactions of the Royal Society of London. Series B: Biological Sciences (SJR2019-3.051), citée 1067 fois (DOI : 10.1098/rstb.2001.0889)

[34] Salyer, S. J. et al. (2017). Prioritizing zoonoses for global health capacity building—themes from One Health zoonotic disease workshops in 7 countries, 2014–2016. Emerging infectious diseases (IF2019-6.259), citée 54 fois (DOI: 10.3201/eid2313.170418)

[35] Kurpiers, L. A. et al. (2016). Bushmeat and emerging infectious diseases: lessons from Africa. In Problematic wildlife (pp. 507-551). Springer, citée 32 fois (DOI : 10.1007/978-3-319-22246-2_24)

[36] World Health Organization, Pandemic Influenza Preparedness and Response, A WHO guidance document, 2009

[37] Hoag, H. Study revives bird origin for 1918 flu pandemic. Nature News. (DOI : 10.1038/nature.2014.14723)

[38] Jones, B. A. et al. (2013). Zoonosis emergence linked to agricultural intensification and environmental change. Proceedings of the National Academy of Sciences (IF2019-9.412), citée 487 fois (DOI : 10.1073/pnas.1208059110)

[39] Johnson, C. K. et al. (2020). Global shifts in mammalian population trends reveal key predictors of virus spillover risk. Proceedings of the Royal Society B (IF2020-4.304), citée 150 fois (DOI : 10.1098/rspb.2019.2736)

[40] Thomas Lepeltier, Yves Bonnardel et Pierre Sigler, « L’antispécisme est un projet politique réaliste », L’Amorce, 2018

[41] Espinosa, R., Tago, D., & Treich, N. (2020). Infectious diseases and meat production. Environmental and Resource Economics (IF2019-5.167), citée 8 fois (DOI : 10.1007/s10640-020-00484-3)

[42] Ritchie, H., & Roser, M. (2013). Land use. Our World in Data. Citée 21 fois

[43] Garnett, E. E. et al. (2019). Impact of increasing vegetarian availability on meal selection and sales in cafeterias. Proceedings of the National Academy of Sciences (IF2019-9.412), citée 40 fois (DOI : 10.1073/pnas.1907207116)

[44] van Dorp, L. et al. (2020). Emergence of genomic diversity and recurrent mutations in SARS-CoV-2. Infection, Genetics and Evolution (IF2018-2.611), citée 303 fois (DOI : 10.1016/j.meegid.2020.104351)

[45] Totura, A. L., & Bavari, S. (2019). Broad-spectrum coronavirus antiviral drug discovery. Expert opinion on drug discovery (IF2016-3.846) citée 104 fois (DOI : 10.1080/17460441.2019.1581171)

[46] Jones, B. (2020). Eating meat and not vaccinating: In defense of the analogy. Bioethics (IF2018-1.66) (DOI : 10.1111/bioe.12834)

[47] Dodds, W. (2019). Disease now and potential future pandemics. In The World’s Worst Problems (pp. 31-44). Springer, Cham, citée 8 fois (DOI : 10.1007/978-3-030-30410-2_4)

[48] David Olivier : « L’animalisme nous mène à un progrès civilisationnel majeur », Le Monde, 2019

Kaïros : le moment opportun de changer son alimentation

Temps de lecture estimé : 7 min

Une crise tragique possiblement salvatrice

Le commerce d’animaux en cause

L’horreur sur fond de crise écologique

Le végétal pour tous nous nourrir

A l’heure du confinement généralisé, le salut alimentaire

(R)éveillons-nous !

 

À l’instar des animaux d’élevage, nous venons de perdre notre liberté de circuler librement : nous sommes confinés (ou semi-confinés, suivant les pays). La différence, c’est que nous le sommes pour notre bien, notre santé. Souhaitons-nous allouer davantage de ressources à la gestion de crises épidémiques ou préférerons-nous réorienter notre alimentation pour maximiser nos chances d’évitement ? En cette période inédite dans toute l’histoire de l’humanité, où plus de la moitié de la population mondiale a vu ses libertés de mouvement réduites drastiquement, cet appel est une invitation à coopérer. Prenons ensemble les dispositions nécessaires à l’avènement de nouveaux mondes, que notre inventivité puisse s’exprimer durablement !

 

Une crise tragique possiblement salvatrice

Existe-t-il un traitement permettant de nous guérir ? Un médicament ou un remède miracle pourrait-il nous soigner durablement ? Nous évitera-t-il seulement la rechute déjà annoncée [1]? Bonne nouvelle ! La réponse est oui et elle est à portée de main. Nous la connaissons, elle est sans risque, et porte en elle les germes de l’évolution humaine au sens le plus noble qu’il soit. Mais comme pour les vaccins il faut que chacun de nous puisse y recourir afin de protéger l’ensemble de la population, c’est un jeu collectif et l’actualité se charge de nous le rappeler.

Alors qu’une majorité de Chinois semble hostile à la consommation d’animaux sauvage [2], une minorité a provoqué une pandémie mondiale. Désigner clairement ce qui nous a amenés une nouvelle fois à une situation de crise sanitaire nous permettra de nous détourner vraiment de nos modes de consommation dangereux pour l’humanité [3].

Bien que les maladies infectieuses zoonotiques soient une préoccupation importante [4] depuis plus de 10’000 ans (origine de l’élevage), cette pandémie nous prend de court, comme si nous n’y étions pas préparés [5]. Alors qu’un consortium de climatologues et de statisticiens ont calculé la probabilité que le réchauffement climatique soit d’origine humaine à 99,9995% [6], il semblerait que nous soyons dans le même cas de figure, en attente des bouleversements qui s’annoncent sans précédent. En cause ? Principalement l’élevage, dont nous pouvons aujourd’hui aisément nous passer. Chacun à notre niveau, nous pouvons agir. Quel sens aurait l’injonction à certains pays de modifier leurs habitudes alimentaires sans y prendre part nous aussi ? En plus de minimiser les risques de zoonoses, planifier une sortie de l’élevage nous offrirait l’opportunité de réduire de 28% les émissions de Gaz à Effet de Serre [7], soit plus d’un quart du problème climatique.

 

Le commerce d’animaux en cause

75% des maladies infectieuses émergentes ont une origine animale [8]. Par exemple, la grippe espagnole, d’origine aviaire [9], a à elle seule tué plus d’humains que la tristement plus célèbre première guerre mondiale. Cinq siècles plus tôt, la variole et la grippe (issues des animaux domestiques) avaient décimé 90% de la population amérindienne.

Actuellement, 60% des maladies infectieuses connues sont responsables de 15,8% de tous les décès et 43,7% des décès dans les pays à faibles ressources [10], soit 2,5 milliards de malades et 2,7 millions de décès chaque année dans le monde. Cette menace crédible pour l’humanité en fait un des objets de recherche le plus important [11] aujourd’hui.

La multiplication récente des épidémies nous rappelle que nous sommes dans une spirale infernale. Les scientifiques du projet Global Virome nous apprennent que la faune sauvage abrite actuellement 1,7 millions de virus encore inconnus, dont 50% pourraient être dangereux pour les humains. Comprendre les mécanismes à l’oeuvre [12] est primordial, mais il semble illusoire de croire qu’un contrôle des apparitions de maladies transmissibles aux humains soit possible.

D’autres recherches scientifiques révèlent le rôle central du commerce d’animaux à travers la capture, le transport et l’abattage [13] dans la transmission des éléments pathogènes. Si la réserve de maladies infectieuses est significative, ce sont bien les activités de chasse, d’élevage et de commerce des animaux destinés à être mangés qui catalysent la transmission aux humains. C’est pour cette raison que le représentant de l’OMS en Chine, Dr Gauden Galea, affirme que « “tant qu’on mangera de la viande, il y aura un risque d’infection ». À ce titre, le gouvernement chinois a interdit tout transport ou commerce d’animaux sauvages [14] le 26 février dernier, dans l’espoir de limiter ce risque. En conséquence, la diminution du nombre d’animaux qu’entraînera l’arrêt de leur reproduction artificielle semble être l’action au plus fort potentiel réducteur du risque épidémique.

 

L’horreur sur fond de crise écologique

L’ensemble des animaux tués par les humains est indénombrable. On tue chaque année 150 fois plus d’animaux [15] d’élevage terrestres qu’il y eu de morts durant toutes les guerres de l’humanité. Nos modes de vies impliquent donc qu’en deux jours et demi, nous comptons plus d’animaux terrestres morts de l’élevage que les guerres n’ont fait de victimes. Pour les poissons, les chiffres s’envolent de 1000 à 3000 milliards [16], tandis qu’on tuerait 255 à 605 milliards de crustacés élevés [17] chaque année. Il n’existe pas d’estimation pour les céphalopodes et les gastéropodes, mais une chose est sûre, le pire bilan a lieu en mer [18].

Rappelons ici que chacun, individuellement, profite d’expériences subjectives, comme ressentir des émotions. Tous les êtres sentients ont des intérêts et des préférences, contrairement aux plantes par exemple, régies par leur milieu [19]. Non sentientes, elles n’ont pas développé cette capacité à souffrir, inutile à leur évolution.

Les chiffres astronomiques cités plus haut rendent compte de l’indépassable extermination de masse qu’il convient d’appeler zoocide [20] et qui a la particularité d’être perpétuel. Bien que vertigineux, ils reflètent autant de réalités qu’il y a d’individus. Or,  chacun mérite d’être considéré pour ce qu’il est et non pour ce qu’il serait, une fois transformé en aliment.

Par ailleurs, depuis que le lien [21] entre la maltraitance animale et la violence humaine a été établi, il est d’autant plus judicieux de se prémunir autant que possible contre toute violence, aussi insidieuse soit-elle. Pour que, dans ce monde d’après, la cruauté ordinaire devienne extraordinaire, par précaution pour les plus démunis.

D’un point de vu écologique, les animaux dépendent des végétaux et non l’inverse. La loi fondamentale du transfert de l’énergie du maillon inférieur au maillon supérieur s’appelle loi des 10%, car 90% d’énergie est perdue par maillon. Les êtres vivants sont des systèmes dissipatifs ouverts et aucun subterfuge ne permettra de réduire ce gouffre énergétique autrement qu’à la marge (méthanisation, par exemple). Cette loi se vérifie à l’échelle mondiale [22] d’après les données de la FAO. Un tel gaspillage de ressources aujourd’hui n’est plus tenable. Il nous faut réorienter nos denrées agricoles pour nous nourrir directement plutôt que le bétail qui sera transformé en viande. D’ailleurs, fort heureusement, il n’existe pas d’élément magique que les animaux d’élevage nous apporteraient dont on ne saurait se passer. Pour le climat [23] comme pour la biodiversité [24], la priorité absolue est donc de réduire la part des produits animaux dans l’alimentation.

 

Le végétal pour tous nous nourrir

Trop de personnes [25] croient encore qu’une alimentation végane est susceptible de provoquer des carences. La science nous a prouvé le contraire et en ces temps de lutte contre le coronavirus, il apparaît salutaire de s’en remettre à elle. En réalité, aucun animal [26] n’est en mesure de synthétiser la vitamine B12. Depuis sa découverte en 1948, les humains peuvent court-circuiter l’intégralité de la partie animale de la chaîne alimentaire grâce à la source originelle de ce nutriment : les bactéries [27].

Nous le savons plus officiellement depuis qu’il est a été démontré par les nutritionnistes qu’un régime végane bien mené [28] convient à toutes les étapes du cycle de la vie, y compris la grossesse, l’allaitement, la petite enfance, l’enfance, l’adolescence et l’âge adulte, tout comme pour les athlètes. De plus en plus d’études scientifiques prouvent même qu’il serait meilleur que notre régime occidental (1 [29], 2 [30], 3 [31]). Les méta-analyses de l’OMS montrent également une diminution de la mortalité précoce de 7 à 18% en migrant vers une alimentation végétarienne ou végane équilibrée.

A l’heure du confinement généralisé, le salut alimentaire

« Je suis éleveur, je meurs [32]». Bien que nous ne cautionnions aucunement l’exploitation animale, nous pensons aux éleveurs délaissés par ce système pourtant si prompt à s’en réclamer. Ne nous y trompons pas, c’est du fait des gouvernements successifs que ces situations existent. Gouverner, c’est prévoir et assumer les responsabilités.

En France, les éleveurs bovins laitiers représentent la catégorie socioprofessionnelle au plus haut taux de suicide [33]. Quel genre de gouvernement, a priori solidaire, laisse pourrir à ce point des situations personnelles que certains en viennent à commettre l’irréparable ? L’arsenal répressif déployé au sein de la cellule Demeter n’y changera strictement rien, alors même que ces moyens engagés permettraient d’offrir des reconversions prometteuses à ces professionnels qui, comme toute personne, ne méritent pas l’abandon. Cette période créative est l’occasion d’envisager des portes de secours. Inciter les éleveurs à devenir transformateurs locaux de produits végétaux à forte valeur ajoutée, par exemple, permettrait de conjurer le sort. Grâce aux savoir-faire traditionnels [34] préservés, une nouvelle culture culinaire déjà riche et éclatante pourra alors émerger.


(R)éveillons-nous !

Soyons dès aujourd’hui des moteurs du changement. Pour que l’éthique animale ne soit plus la bête noire de notre philosophie mais la clef de notre humanité. Pour que l’alimentation, principale cause du changement climatique et de perte de la biodiversité, en devienne son rempart.

Nous, véganes responsables, sommes prêts à co-construire le monde de demain, basé sur la considération de chacun.

Nous, véganes attentifs, sommes engagés pour plus de justice sociale, y compris pour les éleveurs.

Nous, véganes conséquents, sommes déterminés à sortir durablement le monde de cette situation de crise sanitaire sans précédent.

> Pétition d’engagement symbolique pour globaliser le sursaut personnel, condition sine qua non à l’éclosion de nouveaux mondes

 

[1] Williams, F., & Veaudor, D. (2013). La pandémie qui vient. Books, (10), 42-45.

[2] Zhang, L., & Yin, F. (2014). Wildlife consumption and conservation awareness in China: a long way to go. Biodiversity and Conservation, 23(9), 2371-2381.

[3] Yassif, J. (2017). Reducing global catastrophic biological risks. Health security, 15(4), 329-330.

[4] Gebreyes, W. A., & al. (2014). The global one health paradigm: challenges and opportunities for tackling infectious diseases at the human, animal, and environment interface in low-resource settings. PLoS neglected tropical diseases, 8(11).

[5] Urvoy, M. (2020, avril 6). Comme si c’était la première pandémie. Ouest France.

[6] Leyes, J. (2018, juillet 30). Les activités humaines dérèglent le climat et c’est sûr à 99,9995%. Sciences et Avenir.

[7] American Association for the Advancement of Science. (2019). Erratum for the Research Article “Reducing food’s environmental impacts through producers and consumers” by J. Poore and T. Nemecek. Science, 363(6429), eaaw9908.

[8] Kurpiers, L. A. & al. (2016). Bushmeat and emerging infectious diseases: lessons from Africa. In Problematic Wildlife (pp. 507-551). Springer, Cham.

[9] Hoag, H. Study revives bird origin for 1918 flu pandemic. Nature News.

[10] Salyer, S. J. & al. (2017). Prioritizing zoonoses for global health capacity building—themes from One Health zoonotic disease workshops in 7 countries, 2014–2016. Emerging infectious diseases, 23(Suppl 1), S55.

[11] World Health Organization. (2009). Pandemic influenza preparedness and response: a WHO guidance document. Geneva: World Health Organization.

[12] Sicard, D. (2020, mars 27). Il est urgent d’enquêter sur l’origine animale de l’épidémie de Covid-19. France Culture.

[13] AFP, S. A. (2020, janvier 26). Le commerce des animaux sauvages, terreau fertile des épidémies. Sciences et Avenir.

[14] Daly, N. (2020, janvier 30). Coronavirus : la Chine interdit définitivement la consommation d’animaux sauvages.

[15] Côté-Boudreau, F. (2015, juillet 13). Chaque année, on tue plus d’animaux qu’il y a eu de morts durant toutes les guerres de l’humanité.

[16] Mood, A., & Brooke, P. (2010). Estimating the number of fish caught in global fishing each year. Fishcount.

[17] Numbers of farmed decapod crustaceans. Fishcount.

[18] Mood, A. (2010). Worse things happen at sea: the welfare of wild-caught fish.

[19] Lories, D. (2013). Hans Jonas, Les fondements biologiques de l’individualité.

[20] Concept du « zoocide ». Wikipédia.

[21] Linzey, A. (2009). The link between animal abuse and human violence.

[22] Mottet, A. & al. (2017). Livestock: On our plates or eating at our table? A new analysis of the feed/food debate. Global Food Security, 14, 1-8.

[23] Guéguen, J. (2019, octobre 31). L’énigme des experts climatiques face à l’urgence. APALA

[24] Hir, P. L. (2019, mai 6). Biodiversité : « La priorité est de réduire la part des produits animaux dans l’alimentation ». Le monde.

[25] « L’alimentation végane est saine et viable, à tous les âges de la vie », défendent des professionnels de santé. (2017, octobre 25). France Soir.

[26] Martens, J. H. & al. (2002). Microbial production of vitamin B 12. Applied microbiology and biotechnology, 58(3), 275-285.

[27] Fédération végane. D’où vient la B12 ? Vive la B12.

[28] Melina, V. & al. (2016). Position of the academy of nutrition and dietetics: vegetarian diets. Journal of the Academy of Nutrition and Dietetics, 116(12), 1970-1980.

[29] Song, M. & al. (2016). Association of animal and plant protein intake with all-cause and cause-specific mortality. JAMA internal medicine, 176(10), 1453-1463.

[30] Orlich, M. J. & al. (2013). Vegetarian dietary patterns and mortality in Adventist Health Study 2. JAMA internal medicine, 173(13), 1230-1238.

[31] Allen, N. E. & al. (2002). The associations of diet with serum insulin-like growth factor I and its main binding proteins in 292 women meat-eaters, vegetarians, and vegans. Cancer Epidemiology and Prevention Biomarkers, 11(11), 1441-1448.

[32] AFP, L’Obs (2016, février 29). « Je suis éleveur, je meurs »: les agriculteurs crient leur détresse au Salon. L’OBS

[33] Monrozier, A. J. (2018, février 5). Le suicide des agriculteurs en chiffres. France Bleu Vaucluse

[34] Fondue végane, fondue du futur ? – Vidéo. (2020, avril 9). RTS Radio Télévision Suisse.